Attendre après les élections reviendrait à plonger SNC encore un peu plus dans l’incertitude. La survie de SNC-Lavalin en sol canadien est en jeu.

Jody Wilson-Raybould a finalement remporté son bras de fer contre SNC-Lavalin : l’entreprise a été citée à procès comme le souhaitait l’ancienne procureure générale avec tant d’ardeur.

La victoire n’est tout de même pas totale pour la députée indépendante. Justin Trudeau ne s’est pas mis à genoux comme elle l’exigeait. Il n’a pas imploré son pardon. Il ne s’est pas flagellé publiquement pour avoir osé tenter de sauver l’entreprise.

Heureusement, on n’aura pas atteint un tel niveau de ridicule avec la saga SNC (pas mal moins grave que l’affaire Norman, soit dit en passant).

Mais ça n’aura pas empêché l’ancienne procureure générale d’obtenir ce qu’elle voulait plus que tout : le dépôt d’une poursuite criminelle contre le géant du génie.

C’est tout de même incroyable, quand on y pense. Mme Wilson-Raybould n’est plus au gouvernement, et pourtant, elle a réussi non seulement à bloquer toute entente de réparation, mais aussi à empêcher son successeur d’en proposer une à son tour !

Sa plus grande réussite est là, en fait : elle a rendu le dossier si toxique qu’il est maintenant convenu que Justin Trudeau ne peut plus y toucher avant les élections. Sous peine de sanctions du Canada anglais.

L’entreprise a beau avoir poursuivi les fautifs, remplacé la direction, revu ses façons de faire et multiplié les garde-fous, on continue de la traiter comme un dangereux bandit prêt à récidiver à tout moment.

Le gouvernement va ainsi laisser le procès suivre son cours, malgré les risques énormes que cela fait courir à l’entreprise. Malgré la possibilité d’une entente de réparation qui aurait permis de la sanctionner sans la chasser du pays.

À en croire Mme Wilson-Raybould et ses complices, le NPD et le Parti conservateur, l’accord de poursuite suspendue serait une façon commode d’oublier le passé sulfureux de cette entreprise délinquante. Ce serait une manière d’effacer les fraudes et pots-de-vin des « petits amis » de Justin Trudeau, comme a dit Jagmeet Singh.

Or l’entente de réparation est loin d’une sortie en douce du tribunal !

Il s’agit plutôt d’une manière efficace de faire payer l’entreprise fautive sans se ruiner dans un long procès à l’issue incertaine, et sans s’acharner sur les employés et actionnaires actuels… qui n’ont pas participé aux infractions passées.

En échange d’une suspension de la poursuite, l’accusé doit ainsi accepter la responsabilité de ses gestes répréhensibles, payer une lourde amende et rembourser tout avantage tiré de ces méfaits. Il doit également mettre en place des mesures de conformité et accorder une réparation aux victimes, y compris à l’étranger.

Voilà une porte de sortie honorable pour un fleuron comme SNC, un cas qui se prête très bien à un accord à l’amiable.

On a en effet, d’un côté, une firme qui reconnaît ses fautes et qui est prête à rembourser tout avantage financier tiré de ses agissements passés.

Et de l’autre, on a un gouvernement qui souhaite tenir l’entreprise responsable de ses méfaits, mais qui sait la difficulté de prouver une telle conduite criminelle en cour.

Si le Canada ne propose pas un tel accord au géant canadien du génie, bien difficile de voir à qui il va pouvoir en proposer une !

Mme Wilson-Raybould n’a peut-être aucune sensibilité pour le sort du géant québécois, mais on aurait espéré que les deux grands partis de l’opposition à Ottawa en aient un peu plus. Et on aurait aimé, surtout, que l’actuel procureur général, David Lametti, agisse prestement là où sa prédécesseure a refusé d’agir.

Attendre après les élections reviendrait à faire exactement ce que les libéraux disent vouloir éviter : plonger encore un peu plus SNC dans l’incertitude.

Il n’est pas dit que les libéraux seront reportés au pouvoir, et leurs rivaux ont préféré faire de la basse politique avec ce dossier plutôt que d’agir de façon responsable. On ne sait pas qui sera procureur général, et si cette personne aura le profil de Mme Wilson-Raybould ou de M. Lametti. Et on ne sait non plus où en sera la valeur de la firme de génie, dont le cours du titre a fondu de moitié en 12 mois.

Il faut donc sauver SNC sans tarder, pour les emplois, mais surtout pour sa pérennité, sa présence au Canada et son siège social à Montréal.

L’entreprise a aujourd’hui le caquet bas, c’est assez évident, mais de beaux jours l’attendent si le gouvernement se montre enfin raisonnable. Dans le cas contraire, on regrettera un jour d’avoir laissé filer ce fleuron par simple calcul politique.

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