Vous avez hâte au repas de Noël, mais vous appréhendez les inévitables chicanes de famille suscitées par l'actualité et la politique ? Armez-vous de cette liste de sujets et de comportements à éviter pour cette soirée de réveillon, concoctée sans trop de sérieux par notre équipe éditoriale.

Hubert Lenoir

Votre belle-soeur rira d'incrédulité. Un chanteur pop qui se la joue provocateur à cause de son allure androgyne, 30 ans après Boy George, 50 ans après David Bowie ? On n'a plus les rebelles qu'on avait... La voie a si bien été défrichée que c'est dans un quasi-désert que le chanteur essaie aujourd'hui de provoquer. Mais, avouons-le, il se trouve encore des gens qui se choquent. Peut-être est-ce votre voisin de table, qui aime les tubes bien ciselés de Lenoir, mais qui a été froissé de le voir s'enfoncer un Félix dans la gorge. Et c'est ainsi que recommencera le débat sur le linge propre aux galas et la déliquescence des moeurs... Depuis quand exige-t-on que les artistes soient propres et souriants comme un notable à la messe ? Ils servent à déranger. Mais la subversion fonctionne moins bien quand elle vient d'un artiste qui se paye des pubs pour nous supplier de le regarder nous dire qu'il se fout qu'on le regarde. Tout cela tourne en rond... Faites jouer ses tounes et jasez d'autre chose.

Le pacte sur l'environnement

Réalisez-vous à quel point la pente est glissante ? Avant de vous vanter de votre vertu écolo et d'attaquer celle de votre famille, assurez-vous d'être inattaquable.

Oncle Robert : Moi, j'ai signé le Pacte !

Tante Solange : Oui, mais t'es venu en VUS.

Oncle Robert : C'est juste un Crosstreck ! Et en passant, on essaie de covoiturer et de prendre le bus deux fois par semaine.

Cousin Simon : Bande d'hypocrites ! Vous vous empiffrez de dinde et de rôti de boeuf. Réalisez-vous que si on était tous végétariens, on ne serait pas aux prises avec cette crise climatique si aiguë.

Oncle Robert : Si t'es pas heureux ici, t'es pas obligé de rester.

Cousin Simon : Vous serez débarrassés de moi, demain, je pars en voyage en Grèce.

Tante Solange : Ah ha ! Ton avion, il pollue pas mal plus que ma dinde, petit hypocrite !

Vous : Bon... Quelqu'un veut plus de vin ?

L'appropriation culturelle

Ce n'est pas que le sujet ait été épuisé. Au contraire, on commence à peine à examiner nos réalités locales sous cet angle. Et comme chacun a pu en faire l'expérience en participant à des séances de remue-méninges (brainstorming), les premières idées à surgir sont rarement les meilleures. Ce sont plutôt celles qu'il faut laisser sortir pour permettre l'émergence d'une pensée digne ce nom.

Or, pour l'instant, on est encore beaucoup dans les accusations lapidaires (« raciste ! », « colonialiste ! » « profiteur ! ») qui placent inévitablement sur la défensive (« moi, je », « franchement ! », « pas moi ! ») et empêchent tout dialogue constructif. Si vous avez un intérêt sincère pour le sujet, renseignez-vous, trouvez des interlocuteurs qui en font autant, et ouvrez la discussion dans un contexte plus serein  - au sortir d'une exposition ou d'une pièce de théâtre traitant de ces enjeux, par exemple... Vous ne réglerez peut-être pas la question de l'appropriation, mais au moins, vous aurez enrichi votre culture.

Le populisme

Quand quelqu'un en parle, c'est généralement pour le dénoncer. Le terme « populisme », malgré quelques tentatives de réhabilitation, demeure très péjoratif.

On s'entend : les politiciens qui exploitent les préjugés, les peurs et l'ignorance des « gens », c'est non. Non ? En lançant ce sujet à la ronde dans votre famille élargie, vous vous rendrez compte que « les gens » ne sont pas une lointaine abstraction. Et qu'ils ont beau ne pas voir ce que vous qualifiez de « peurs » ou de « préjugés » du même oeil que vous, ils ne se considèrent pas comme ignorants pour autant.

Ils ne se gêneront d'ailleurs pas pour vous dire que c'est vous qui n'y comprenez rien, parce que vous êtes « déconnecté ». Bref, vous apprendrez à la dure qu'on est toujours « les gens » de quelqu'un d'autre. Et vous l'aurez bien mérité. Parce que nous, on vous aura prévenu : attention, terrain miné.

Critiquez Trump plutôt que Legault

L'ampleur de la victoire de la CAQ a surpris. Le désir de changement était tel qu'on semble prêt, d'un bout à l'autre du Québec, à faire preuve d'un supplément d'indulgence envers ce nouveau gouvernement. D'autant plus que François Legault est en train de faire la démonstration qu'il a l'étoffe d'un premier ministre. Même si certaines initiatives demeurent très controversées, il n'a pour l'instant fait aucun faux pas majeur depuis son élection. La lune de miel se poursuit. Il serait probablement sage de se garder une petite gêne... De ne pas s'acharner sur lui entre deux bouchées de dinde. Elles vont passer de travers, étant donné la réaction prévisible de plusieurs convives. Critiquez plutôt Donald Trump, vous ferez plus facilement consensus !

De grâce, ne parlez pas de mode

Naïf, vous pensez que la mode est un sujet plutôt banal, parfait pour meubler une conversation avec des membres de la parenté qu'on ne voit qu'une fois par année ? Diable, vous croyez aux licornes, ou quoi ? Toute conversation à ce sujet va déraper, c'est écrit dans le ciel. Il y a cette tante, qui ne s'était pas vidé le coeur au sujet de Safia Nolin l'an dernier et qui va en profiter pour ressusciter ce débat stérile. Mais surtout, tout le monde voudra donner son avis sur la façon dont s'habillent les députés Catherine Dorion et Sol Zanetti. Et personne ne sera d'accord. Le cousin qui insiste pour aller travailler en t-shirt tous les jours ne sera JAMAIS du même avis que l'oncle qui jubile lorsqu'on lui offre des cravates à Noël. Avez-vous vraiment envie de finir la soirée en ayant l'impression d'avoir traversé un champ de mines ?

Le fameux seuil d'immigration...

Y a-t-il un seul électeur indifférent à cet enjeu ? On cherche encore. Donc à moins qu'il y ait des sujets encore plus explosifs que vous voulez éviter d'aborder à tout prix (doit-on retirer à grand-papa son permis de conduire, par exemple), mieux vaut se tenir loin du débat sur le seuil d'immigration. Mieux vaut éviter des phrases du genre : « Moi, je pense que le Québec ne reçoit pas assez d'immigrants. » Ou encore : « On n'a pas les moyens de se payer un immigrant de plus. » Bon, si l'on se fie aux sondages, c'est vrai, il y a des chances que tout le monde réuni à votre réveillon soit favorable à la baisse du nombre d'immigrants. Mais étant donné qu'il suffit d'une voix discordante pour que les uns soient qualifiés de « racistes » et les autres de « sales multiculturalistes », la discussion risque de se transformer en point final.

Durable, le troisième lien ?

Le troisième lien, ce n'est pas juste une autoroute : c'est une ligne de démarcation. C'est le projet qui sépare les eaux entre les rives nord et sud à Québec, bien sûr, mais c'est aussi celui qui sépare les pro et les anti chars. Ou bien on pense que le monde peut poursuivre comme avant et donc, que la congestion appelle plus d'autoroutes. Ou bien on estime qu'un virage est nécessaire. Mais bien difficile de se situer entre les deux, malgré les efforts de François Legault. Il prétend en effet que le troisième lien sera bénéfique pour l'environnement. Vrai ou faux ? On vous laisse poser la question pendant votre réveillon... ou pas.

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