Une hypothèque maximale de 25 ans au lieu de 30 ans? Une mise de fonds minimale supérieure à 5%? Ottawa doit resserrer une nouvelle fois les conditions pour devenir propriétaire alors que la menace d'une bulle immobilière divise les économistes.

S'il dit ne pas vouloir intervenir «sauf si nécessaire», le ministre fédéral des Finances Jim Flaherty a sondé plusieurs économistes sur les conditions d'accès au crédit hypothécaire en prévision de son prochain budget. Dans ce dossier, le gouvernement Harper a été pragmatique plutôt que doctrinaire. Après avoir permis les hypothèques sur 40 ans en 2006, il a changé son fusil d'épaule après la bulle immobilière américaine, réduisant la durée maximale des hypothécaires à 35 ans puis à 30 ans. Il a aussi instauré la mise de fonds minimale de 5%. Ce n'est plus suffisant.

Trop d'institutions financières contournent l'exigence d'une mise de fonds minimale en prêtant la somme à l'acheteur. Cette pratique néfaste est néanmoins difficile à enrayer sans créer d'effets pervers (par exemple, punir les jeunes acheteurs non endettés). La priorité pour Ottawa doit plutôt être de réduire à nouveau la durée maximale d'une hypothèque, cette fois de 30 à 25 ans. Entre 2008 et 2011, la proportion des détenteurs d'une hypothécaire de plus de 25 ans est passée de 16% à 22%.

La déception sera vive pour certains, mais leurs finances personnelles s'en porteront mieux à long terme. Une hypothèque de 30 ans pèse lourd sur un budget: aux taux d'intérêt actuels, elle coûte environ 24% plus d'intérêts qu'une hypothèque de 25 ans, soit une différence d'environ 18 500$ par tranche de 100 000$ d'hypothèque... en attendant que les taux remontent!

Le marché immobilier québécois est surévalué de 10% selon le Fonds Monétaire International. Bulle immobilière ou pas, une conclusion inquiétante s'impose: les Canadiens consacrent une partie de plus en plus importante de leur budget à l'achat de leur maison. Depuis 10 ans, le prix des maisons au Québec a augmenté de 116%. La hausse du revenu après impôts des Québécois a été beaucoup plus modeste (+35%). Durant la même période, le ratio entre le coût réel d'une maison et le revenu d'une famille est passé de 2,4 à 4,5 à Montréal (de 5,4 à 10,0 à Vancouver!). Comme le notait le Mouvement Desjardins la semaine dernière, «l'achat d'une maison devient de moins en moins abordable [même si] (...) la situation n'est pas trop préoccupante pour l'instant, car les taux d'intérêt demeurent très bas.»

Le taux d'endettement hypothécaire et à la consommation des Canadiens (139,5% du revenu annuel après impôts) est plus élevé que celui des Américains (130,3%) et s'approche de sommet atteint par nos voisins du Sud avant la crise immobilière (150%). Pour reprendre les mots du ministre Flaherty, c'est «nécessaire» d'agir pour protéger davantage les Canadiens contre leur hypothèque, qui grossit plus vite que leurs revenus.

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