Le prix de l'essence a beau nous faire hurler, nous ne souffrons pas vraiment. En tout cas, pas assez pour changer nos habitudes. Les transports en commun stagnent alors que notre consommation de carburant, elle, continue d'augmenter. La révolution n'est pas pour demain, montrent les dernières données de Statistique Canada.

Même si le cours du pétrole commence à redescendre, la tendance générale est indéniable: à la hausse, pour une septième année de suite. Du jamais vu en 157 ans - depuis que le brut est commercialisé. Dans la dernière année seulement, le prix du baril a doublé. Mais ceux qui s'attendaient à ce que la population fasse voeu d'austérité ont eu tout faux.

Depuis 2002, le nombre de véhicules en circulation au Canada a bondi de presque 10%. Et on ne parle pas de petits modèles. Les achats de USV, de fourgonnettes et d'autres engins considérés comme des camions sont en hausse depuis cinq ans. À la fin de l'an dernier, un véhicule neuf sur deux entrait dans cette catégorie. Pas étonnant que les ventes d'essence au détail aient bondi de plus de 7% durant cette période.

La fréquentation signalée dans certains réseaux de transports en commun, notamment dans la région de Montréal, n'est pas généralisée. Dans l'ensemble, les revenus augmentent à peine plus vite que la population. Il faut dire que les régions rurales, où la population s'accroît rapidement, sont très mal desservies. Pour aller travailler, les résidants doivent non seulement prendre leur voiture, mais parcourir de plus grandes distances.

Le prix de l'essence n'a pas l'effet escompté par les environnementalistes. Pour l'instant, ce n'est qu'un épouvantail: il effarouche mais ne fait pas vraiment mal.

Il faut dire que, depuis 2002, le revenu disponible a augmenté de 35%, le prix des voitures a diminué et le huard s'est remplumé. Si notre dollar ne s'était pas tant apprécié, la flambée du carburant aurait été presque deux fois plus prononcée, note Statistique Canada. La vigueur de notre devise nous a fait économiser près de 30 milliards de dollars.

C'est pourquoi les Américains, dont le pouvoir d'achat est miné de toutes parts, ont réagi autrement. Pendant que nous augmentions notre consommation d'essence de 0,5% au début de l'année, ils réduisaient la leur d'autant.

Toutefois, le vent commence à tourner. Les ventes de camions en tous genres, qui représentaient 50% des achats de véhicules neufs à la fin de 2007, sont retombées à 46,2% depuis le début de l'année, du jamais vu depuis cinq ans. Mais avec plus de 20 millions de véhicules en circulation, l'impact de ces petits moteurs sur la demande totale de carburant mettra du temps à se faire sentir.

D'autant plus que le cours du brut commence à être pas mal moins dissuasif. Il faudra voir comment ça se reflète à la pompe mais, à moins de 114$ le baril (le cours de clôture de vendredi), on est loin du sommet de 147,27$ atteint en juillet. Certains prédisent même un repli sous la barre des 100$ d'ici à quelques semaines. De quoi ébranler les bonnes résolutions de vélo, de covoiturage ou de transports en commun prévues pour l'automne...

akrol@lapresse.ca

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