Paul McCartney ne connaît peut-être pas grand-chose de l'histoire du Canada mais il a prononcé quelques paroles empreintes de sagesse lors des entrevues qu'il a accordées jeudi aux médias canadiens.

Au sujet des critiques exprimées par certains artistes et politiciens sur sa participation aux fêtes du 400e, Sir Paul a lancé: «Il est temps de fumer le calumet de la paix, d'enterrer la hache de guerre.» On ne saurait si bien dire. La Conquête a eu lieu il y a un quart de millénaire. Pendant combien de siècles encore en voudrons-nous aux Britanniques?

L'ancien Beatle ne semblait pas savoir que les Anglais avaient gagné la bataille des Plaines d'Abraham. Ce n'est pas étonnant: dans les cours d'histoire suivis par les jeunes Anglais, cette affaire est sans doute à peine mentionnée. «Il y avait une question à l'école: «Qui était le général Wolfe?» Je suis toujours incapable d'y répondre!» rigolait McCartney jeudi.

Chose certaine, lorsqu'il visitera la Capitale nationale pour la première fois en fin de semaine, Sir Paul aura bien du mal à croire que certains Québécois considèrent encore cette nation prospère, dynamique et privilégiée comme conquise et colonisée.

Nous ferraillons toujours contre notre histoire. Bien des Québécois ignorent ou refusent de voir qu'outre les conflits et les échecs qu'ont subis leurs ancêtres, il y a eu aussi des ententes et des réussites. Que si lord Durham a proposé l'assimilation des francophones, son rapport a été jeté aux poubelles par LaFontaine et Baldwin quelques mois plus tard. Que s'il y a eu la Conquête, il y a eu l'Acte de Québec en 1774, garantissant aux Canadiens le maintien de la religion catholique et du droit civil. On le lui aurait prédit au seuil de sa défaite que Montcalm ne l'aurait pas cru.

Le Québec d'aujourd'hui est imprégné de valeurs, d'institutions, d'architecture anglaises. La célébration des 400 ans de Québec ne peut pas faire abstraction du fait que la ville a été longtemps sous influence britannique et que l'héritage de cette époque est loin d'être exclusivement négatif.

«Il y a seulement des francophones qui pourraient chanter à Québec? s'est étonné McCartney. Suivant cette logique, je ne devrais pas chanter en Allemagne.» Si les Anglais et les Français ont pu se réconcilier avec les Allemands quelques décennies à peine après une guerre autrement plus meurtrière que la Conquête, même les plus nationalistes d'entre nous devraient y parvenir avec les Anglo-Saxons, non? C'est en tout cas l'appel que lançait dans nos pages l'auteur Stéphane Venne: «Le vrai courage politique pour les souverainistes, ce serait de faire comme de Gaulle avec Adenauer en 1958: faire la paix avec l'ancien ennemi, et bâtir l'avenir là-dessus.» Faire la paix avec notre passé, en somme.

S'ils rangeaient enfin leurs mousquets, les obsédés de la Conquête projetteraient de leur mouvement, et surtout du Québec entier, une image moins absurde qu'ils ne l'ont fait cette semaine en dénonçant la venue chez nous d'un des plus grands musiciens de la planète.

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