Les données sur le français au pays dévoilées plus tôt cette semaine ne sont pas sans faire réagir nos lecteurs, qui s’inquiètent pour l’avenir de notre langue. Voici un aperçu des réponses reçues à la suite de notre appel à tous.

Des lendemains qui déchantent

Je suis âgé (77 ans), et toute ma vie, je me suis battu pour la qualité, la survie et le progrès du français au Québec. Je constate avec tristesse le recul de notre langue. Je vais continuer à l’exiger, à la défendre, mais sa survie ne dépend plus de moi ni de ceux de ma génération, elle appartient aux plus jeunes et je suis pessimiste. Je constate en outre que nos gouvernements sont inefficaces — quand ce n’est pas totalement indifférents et inactifs (en particulier au fédéral) — et que nos cours en défendant les droits individuels sapent nos droits collectifs. Non, nous n’avons pas devant nous des lendemains qui chantent.

Jean Bazinet

Rapatrier tous les pouvoirs en immigration

La perte continuelle du poids du français (et du bilinguisme anglophone), tant au Québec qu’au Canada, est hautement préoccupante. Tous les pouvoirs en immigration devraient être rapatriés au gouvernement du Québec. Cela rendrait plus cohérent et rapide le traitement des demandes et permettrait de réellement mettre l’accent sur la langue française chez les nouveaux arrivants.

Mathieu Côté, Montréal 

Handicapées linguistiquement sur leur propre territoire

Le français perd du terrain. Dans ce pays bilingue (français-anglais) qu’est le Canada, on avance le français comme un paravent pour se distinguer des États-Unis. Mais le chef d’État ne parle plus le français et va jusqu’à prétendre au bilinguisme (inuktitut-anglais) officiel. Le paravent s’étiole. Au Québec, l’érosion se poursuit également, et le fait de ne pas imposer le français au cégep accélère cette tendance. Bientôt, il faudra plus d’argent aux établissements d’enseignement collégial et universitaire de langue anglaise. Les fonds viendront de l’État du Québec au détriment de quoi ? Du financement de ses institutions de langue française. L’immigration sans contrôle complet de l’État québécois accélère l’érosion. Alors, quel est le choix ? L’autonomie ? L’indépendance ? Une sorte de souveraineté culturelle ? Le général de Gaulle avait raison de dire que le Canada anglais ne laissera jamais le français progresser au Québec ! Une révision des relations avec le Canada s’impose, et rapidement, aux gens sérieux quant à l’avenir du français au Québec. Si rien n’est fait, les prochaines générations de Québécois de langue française seront handicapées linguistiquement sur leur propre territoire.

Rita Dionne-Marsolais, ministre sous les gouvernements du Parti québécois 1994-2002

Des fonctionnaires bilingues

La meilleure façon de promouvoir la langue française est d’exiger que les fonctionnaires fédéraux, nouvellement engagés, maîtrisent parfaitement le français et l’anglais parlés et écrits. Comme nous l’exigeons des francophones qui y travaillent.

Réjean Houle

La loi 101 au cégep

Il faut de toute urgence appliquer la loi 101 au cégep et faciliter l’accès des immigrants aux programmes de francisation. Je ne vois pas d’autres solutions pleinement efficaces pour le moment. Il faudrait également beaucoup plus de contenu francophone dans les médias afin d’endiguer autant que possible l’attrait de la culture étatsunienne par l’entremise de la langue anglaise, ce qui semble à peu près impossible. Le plus important est de faire comprendre cela au gouvernement, la loi 96 étant nettement insuffisante.

Janine Thériault, Montréal

Préoccupant à Montréal et à Laval

Effectivement, la situation du français me préoccupe, particulièrement dans les grandes régions de Montréal et de Laval. Comme pour la question de l’environnement, le gouvernement québécois actuel ne prend que des demi-mesures pour arrêter l’hémorragie. Même s’il fait mieux que le parti des anglophones (Parti libéral), c’est nettement insuffisant. Mon vote aux prochaines élections provinciales ira au parti qui se préoccupera de ces deux importants sujets.

Michel Martin

Morosité des francophones

Oui, je suis préoccupé par l’état du français au Québec. Ce qui est actuellement alarmant, autour de moi, est de constater une certaine morosité de la part des francophones à vouloir se battre pour le préserver. Ceci est le début de la fin. La préservation du français passe par une culture forte et rayonnante, populaire, près des gens. Malheureusement, le rouleau compresseur global anglophone est déjà bien lancé. Il faut se donner un pays distinct pour préserver notre langue et culture, et je ne suis pas optimiste de ce côté également. Nous sommes en face d’une assimilation sur quelques générations à venir.

Richard Baril

Tous les pouvoirs

Nous devons absolument avoir tous les leviers et pouvoirs en ce qui concerne l’immigration, point final.

Mario Fraser

La culture comme moteur linguistique

J’enseigne la littérature au cégep de Joliette depuis 2009. À l’instar du frère Untel, je constate que la maîtrise des règles de bases (accords, conjugaison) demeure à peu près la même de cohorte en cohorte. Ce qui régresse, c’est la syntaxe et, surtout, le vocabulaire. À l’heure du « tout sur demande », les écoliers peuvent choisir (et choisissent très souvent) les versions anglaises de leurs séries ou n’écoutent que de la musique anglophone en continu. Contrairement aux générations passées qui entendaient des chansons francophones (toutes les familles avaient une radio sur le réfrigérateur !) et regardaient des téléromans en français à la télévision, les jeunes d’aujourd’hui n’acquièrent plus leur langue, ses formes et sa structure, par la culture ambiante. Il en résulte une multiplication des erreurs de syntaxe (structures de phrases anglaises avec des mots français) et de vocabulaire (choix approximatif des mots, faux jumeaux, etc.) qu’ils ne savent plus reconnaître, même quand on leur pointe du doigt.

Ma solution ? La mise en place de vastes programmes culturels où des artistes seraient mis à l’honneur dans les écoles, dans le cursus scolaire, afin de faire connaître et de donner le goût du français aux jeunes générations. Il faut entendre une langue pour la comprendre, l’acquérir et la parler, c’est ce que n’importe quel prof d’espagnol, d’anglais ou de mandarin vous dirait.

Raphaël Desroches, Lanaudière