La lettre d’opinion de Samir Saul et de Michel Seymour sur la guerre en Ukraine publiée le 27 juin n’a pas manqué de faire réagir nos lecteurs, une majorité reprochant aux auteurs de fermer les yeux sur l’invasion… russe ! Voici un aperçu des courriels reçus à la suite de la publication de la lettre « Guerre indirecte entre les États-Unis et la Russie en Ukraine⁠1 ».

Vivre sous le joug de la Russie

Je pense que dans cet article, on ne tient nullement compte du libre choix des pays et peuples limitrophes de la Russie de ne pas vouloir vivre sous le joug de ce régime autoritaire, autocratique et corrompu. L’acte guerrier de Vladimir Poutine semant la destruction et la mort en Ukraine pour imposer son hégémonie n’est nullement justifiable, peu importe les politiques ou exercices militaires des États-Unis et de l’OTAN.

Jacques Boucher

Les œillères de certains intellectuels

J’ai un peu de difficulté avec ce point de vue qui me semble biaisé plus que nécessaire. Premièrement, l’attaque de la Russie contre l’Ukraine me semble assez directe merci. Deuxièmement, n’est-ce pas aussi la Russie qui désirait ainsi obtenir un changement de régime en Ukraine en traitant ce pays « souverain » comme une servitude de la Russie ? De la même façon que nous ne devions pas appuyer l’intervention américaine en Irak, pourquoi devrions-nous accepter des interventions comme celle de la Russie en Syrie et en Ukraine bien avant 2021 ? Même s’il est tout à fait légitime de souhaiter la fin de l’hégémonie américaine, est-il nécessaire de remettre les œillères qu’ont longtemps portées certains intellectuels occidentaux des années 1950 face au régime de Staline ? Pourquoi les dérives d’un régime « impérialiste » excuseraient-elles celles d’un autre régime ? N’avons-nous que ce défaitisme animé par un antiaméricanisme revanchard à offrir aux citoyens de l’Ukraine qui aimeraient jouir de cette même souveraineté dont jouissent les Canadiens depuis 1867 ?

Lydia Dumais

L’Ukraine sacrifiée

L’Ukraine est sacrifiée sur l’autel d’une guerre froide ressuscitée par l’entremise de l’OTAN sous l’impulsion d’un Biden en difficulté à l’intérieur des États-Unis et cherchant de nouveau à endiguer la Russie de Poutine comme au temps du bolchévisme. Le renforcement militaire aux frontières de la Russie a poussé celle-ci dans une guerre dont elle sortira probablement affaiblie. La population ukrainienne, dirigée par un Zelensky inexpérimenté, est la première victime de cette guerre indirecte entre les États-Unis et la Russie.

Laurent Gingras

L’agonie des droits de la personne

L’interprétation oublie de mentionner les actions de la Russie tout aussi provocatrices et hégémoniques envers la Syrie, le Venezuela, Cuba, l’Iran, sans parler des populations sous le joug de gouvernements marionnettes en Biélorussie, en Tchétchénie. La Russie, qui n’a jamais connu la démocratie, pas plus que la Chine, n’a rien à offrir aux peuples qu’elle soumet au-delà d’une agonie des droits de la personne et d’un retour à l’exercice d’une autorité brutale pour le seul bénéfice d’une minuscule minorité corruptible.

Marie-Luce Abarrategui

Conquérants sans humanité

Oui, la guerre en Ukraine est une guerre par procuration comme bien d’autres depuis la Seconde Guerre mondiale. L’impérialisme détestable des États-Unis se heurte à l’impérialisme tout aussi détestable de la Russie et ce sont les Ukrainiens qui en paient principalement le prix. Or, l’impérialisme russe n’est pas abordé par les auteurs de la lettre. On y présente la Russie et la Chine comme des insoumis alors que ce sont aussi des conquérants sans grande humanité. Et nous, petit Canada, voisin des États-Unis, nous devons choisir dans quel camp nous sommes, un choix qui n’en est pas vraiment un !

Carole Héroux, Mercier

Une agression russe

À ce que je sache, ce sont les Russes qui ont commencé la guerre et non les Américains ou les alliés américains. J’ai l’impression de lire un essai des années 1970. On peut reprocher beaucoup de choses dans le passé aux Américains, mais pas celle-là. Les Russes n’étaient pas menacés par l’OTAN, mais plutôt stimulés par une économie mondiale florissante. Ils ont détruit le fragile équilibre, simplement.

Ghislain Gendron

Douces dictatures

Un peu plus et on pourrait croire, à vous lire, que ce sont les États-Unis qui ont agressé l’Ukraine. Quels salauds, comme toujours, ces Amerloques, bien plus à craindre que les douces dictatures russes et chinoises ! Mais que proposez-vous, au juste, chers intellos clairvoyants, tellement plus lucides que le commun des mortels ? Laisser la dictature russe avaler l’Ukraine et la dictature chinoise bouffer Taiwan, juste pour réaliser votre fantasme de la mort annoncée (depuis longtemps) de l’hégémonie états-uniènne ?

Petit rappel à l’intention de nos grands penseurs géostratégiques : personne ne fait, ou n’a jamais fait, quelque pression que ce soit sur l’Ukraine, la Pologne, la République tchèque, la Slovaquie, la Hongrie, et désormais les pays baltes, et la Suède, pour que ces nations deviennent membres de l’OTAN ou souhaitent ardemment le devenir. Connaissant la nation russe et la rugosité (pour demeurer poli) de ses mœurs, pour l’avoir expérimentée de première main, ces nations satellites craignent à juste titre la Russie, et l’invasion de l’Ukraine n’a fait que confirmer leurs pires appréhensions.

Franchement, les Russes éprouvent historiquement de gigantesques difficultés à se faire des amis. Allez savoir pourquoi…

Peut-être bien parce que ceux qui ont goûté à leur médecine en gardent un souvenir amer. Parlez-en aux Tchétchènes et aux Géorgiens, entre autres.

Mais bon, apparemment, selon vous, doctes professeurs, la plus grande urgence pour l’humanité, en ce moment, serait de remplacer l’unipolarité américaine par la multipolarité… russo-chinoise !

Heureusement qu’on vous a, savants universitaires, pour guider le bon peuple dans les ténèbres de la guerre. Sans vous, on aurait malencontreusement et naïvement pu croire que c’étaient les Russes, ces salauds de service, qui avaient agressé le pauvre peuple ukrainien. Merci pour vos lumières !

Richard Verdon, Montréal

1. Lisez « Guerre indirecte entre les États-Unis et la Russie en Ukraine »