L’éditorial de Stéphanie Grammond sur la surchauffe immobilière, publié le 2 octobre, a suscité de nombreux commentaires. Voici un aperçu des courriels reçus.

Lisez l’éditorial « Taper sur le bon clou »

Construire !

Bravo pour votre texte, un des rares qui « tapent sur le bon clou ». Vous visez juste en parlant de l’offre et non de la demande ; il n’y a en effet qu’une seule avenue de solution à cette crise du logement : construire ! Il faut donc faire en sorte qu’il devienne plus intéressant pour les promoteurs d’entamer rapidement de nouveaux projets à cet égard en réduisant les lourdeurs bureaucratiques. Et, de grâce, laissons cela au privé, puisque procéder par l’intermédiaire du public serait une plus grosse erreur encore.

Alain Bouchard

Se blâmer les uns les autres

Simplement vous rappeler que dans les années 1980, le taux d’intérêt était d’environ 18 %. De nos jours, bien des jeunes sont aidés par leurs parents pour leur mise de fonds. Je ne trouve pas qu’ils font pitié. Il y a moins de chômage de nos jours que dans les années 1980 et les suivantes. Toutes les générations blâment la précédente.

Brigitte Labelle

Et les terrains ?

À ma connaissance, il est encore possible de construire une maison unifamiliale ordinaire pour 300 000 $. Le terrain peut facilement être aussi coûteux. Peut-être est-ce la rareté des terrains et la spéculation sur ceux-ci qui est le vrai problème. Il faudrait en parler.

Jean Heydra, Saint-Bruno-de-Montarville

Transférer les REER aux enfants

Pourquoi ne pas permettre le transfert de REER d’un parent sans pénalité à nos enfants ? Souvent, ces sommes sont laissées en héritage ou encore transférées en FEER et immobilisées dans un compte d’épargne longtemps après que leur utilisation eut été utile pour l’achat d’une maison par nos enfants.

Richard Tremblay

Des taxes de trop

Oui pour les pénalités pour interruption d’hypothèque, surtout quand on achète une autre propriété avec la même banque, mais j’ajouterais à cela l’élimination de la « taxe de bienvenue » et des taxes des agents immobiliers. Après tout, ce sont des professionnels et non des ouvriers.

Régine Pierre

L’injustice des taux

Très bonne analyse. Vous passez cependant un peu rapidement sur la période requise par les boomers pour économiser la mise de fonds pour l’achat d’une maison et l’injustice intergénérationnelle. Je vous rappelle que les boomers empruntaient pour l’achat d’une maison à des taux exorbitants avoisinant les 20 % alors qu’aujourd’hui, ils perçoivent des taux dérisoires, autour de 1 %, sur leurs placements sécuritaires devant assurer leur retraite.

Jocelyn St-Louis

Les excès de la banque centrale

En effet, la surchauffe immobilière est devenue une importante source d’angoisse pour les jeunes adultes recherchant une première propriété. Tel est mon cas, difficile de garder son calme quand on voit sa mise de fonds perdre de son pouvoir d’achat tous les mois. Cependant, je ne crois pas que le clou soit le manque d’offre. Du moins, pas le principal. Le gros clou qui dépasse et celui sur lequel il faut frapper, c’est notre banque centrale. Entre mars et juillet 2020, la Banque du Canada a imprimé plus de 400 milliards de dollars pour contrer les effets de la crise, ce qui a touché principalement le marché immobilier. C’est simple, en février 2020, il y avait une quantité x de dollars en circulation. Quatre mois plus tard, il y en avait 20 % plus. Et le marché a répondu avec une efficace ponctualité ; le prix des maisons a immédiatement grimpé… de 20 % ! Les excès de notre banque centrale, qui ignore les inégalités de richesse intergénérationnelles qu’elle cause lors de ses interventions massives, sont à l’origine même de la surchauffe immobilière. On peut certes essayer de traiter les maux avec toutes les interventions suggérées dans votre texte, mais il faut d’abord régler l’origine du problème en s’attaquant à l’idéologie de notre banque centrale, qui pense maintenir la stabilité économique en gonflant les prix des marchés financiers.

Vincent Corbeil, CFA

Les pénalités sont trop payantes

Le fédéral n’attaquera jamais les banques, c’est dans son ADN, le clou représentant les pénalités d’intérêt n’est pas près de disparaître, c’est trop payant et aura de toute manière peu d’impact sur la rareté des logements. Par ailleurs, votre portrait sur la difficulté à se loger se compare à la situation vécue à Cuba, où devant l’impossibilité de se loger, les couples qui divorcent se voient obligés de faire vie commune. Là-bas, ils ne peuvent même pas taper sur le bon clou, il n’y a plus de clous.

Christian Castonguay

La complexité des lois municipales

D’abord, je rappelle que l’essence de l’article est très à propos et que j’y ai même appris des choses, dont notamment le ratio canadien d’unités d’habitation par habitant qui serait le plus faible des pays du G7.

Cependant, les affirmations sur certaines pratiques municipales freinant la construction résidentielle sont un peu courtes, voire parfois fausses.

D’abord, la loi sur les mutations immobilières, comme toutes les lois régissant le monde municipal, est un pouvoir délégué aux municipalités. Ladite loi a été extrêmement encadrée par le gouvernement québécois et ne laisse pas de marge de manœuvre à celles-ci. Voir à ce sujet les articles 2 et suivants de la loi.

Deuxièmement, j’avoue ne pas trop comprendre le passage sur les apparentes complications administratives de la ville centrale versus celles en périphérie qui favoriseraient l’étalement urbain. Il faut savoir que plusieurs grandes villes et villes moyennes de la Communauté métropolitaine de Montréal ont également des règlements d’urbanisme plutôt sévères. Les procédures administratives et légales en ce domaine ne sont pas que l’apanage de l’arrondissement du Plateau-Mont-Royal ou de celui de Ville-Marie. Ce qui pousse les promoteurs et constructeurs en banlieue, ainsi que les résidants évidemment, c’est surtout le prix toujours plus élevé dans le centre qu’en périphérie ; c’est une vérité naturelle depuis des millénaires liée au marché. Et on ne mentionne évidemment pas les plus grands espaces disponibles.

En ce qui concerne les « dérogations », je ne vois honnêtement pas en quoi elles nuiraient à la construction résidentielle, si elles sont obtenues évidemment. Il y a un prix à payer pour une dérogation, mais il y en a toujours, peu importe la municipalité (on fait ici référence au règlement sur les dérogations mineures que plusieurs municipalités du Québec ont adopté). À Montréal, si un projet ne cadre pas avec le règlement d’urbanisme usuel pour plus d’un aspect urbanistique, il peut être soumis au règlement sur les projets particuliers, pourvu évidemment qu’on respecte le plan d’urbanisme. Quant aux redevances, il faut aussi savoir que la Ville de Brossard impose une redevance de construction pour les demandes de permis de construction en bordure du REM en fonction d’un certain rayon.

Il est sûr que les règlements d’urbanisme sont plus exigeants à Montréal, Laval ou Longueuil qu’à Châteauguay, par exemple. Mais il faut dire que le même projet de départ ne pourrait parfois pas être exporté de facto dans une ville de taille beaucoup plus petite.

J’oserais avancer que le seul problème réglementaire ou le plus important, qui n’est pas explicitement nommé dans l’article, mais auquel on pense tous, est le fameux nouveau règlement uniquement montréalais 20/20/20 pour des habitations plus abordables et familiales lors d’un projet de construction résidentielle de plus de 450 m2. Il est vrai de penser que si d’autres municipalités n’adoptent pas un règlement semblable, les promoteurs risquent de réaliser leurs projets ailleurs que dans les limites municipales montréalaises.

Je comprends par ailleurs qu’un article de journal ou un éditorial ne peut pas toujours être détaillé pour expliquer les différents tenants et aboutissants des lois et règlements régissant les municipalités.

Espérant avoir éclairé un peu plus votre compréhension du sujet.

Daniel Audet, urbaniste