Vous avez été nombreux à commenter la proposition du gouvernement Legault aux infirmières. Voici un aperçu des courriels reçus pour notre appel à tous de vendredi.

Bien écouter les travailleurs de la santé

Ayant travaillé comme chef d’entreprise toute ma carrière, je trouve surprenant que le ministre actuel de la Santé qui provient de ce même milieu ne fasse pas la différence entre des mesures de satisfaction (argent) et des mesures de motivation (reconnaissance, etc.). Tous les programmes de base en gestion nous expliquent très bien qu’avec des facteurs de satisfaction, on ne fait que monter un petit escalier alors qu’avec des facteurs de motivation, on franchit des montagnes. Dans tous les témoignages que j’ai entendus ou lus en provenance des travailleurs de la santé au cours des dernières années, aucun ne faisait référence à de l’argent, mais plutôt à des conditions de travail visant à améliorer leur qualité de vie. M. Dubé devrait peut-être écouter davantage ceux et celles dont il a la responsabilité s’il veut réellement résoudre les problèmes du système de santé.

Michel Potvin

Du temps en famille

Je suis infirmière retraitée et, malheureusement, ce n’est pas une prime, aussi importante soit-elle, qui me fera revenir à temps complet dans le système. Beaucoup d’infirmières sont aussi des mères de famille, elles ne veulent pas de temps complet. Ce qu’elles veulent, c’est du temps en famille. Avec l’obligation de travailler une fin de semaine sur deux, ça fait en sorte qu’on a deux jours de congé collés une fois toutes les deux semaines. C’est épuisant, être infirmière. Ne pas pouvoir prendre de vacances en famille avant que nos enfants soient adultes, ça démotive aussi. La clientèle est de plus en plus exigeante. Les soins de plus en plus pointus. Bref, l’argent ne règle pas tout. Faire revenir des infirmières en leur permettant de travailler à temps partiel, là, oui, je crois que ça aiderait.

Michelle Laplante, infirmière retraitée

L’approche comptable

Pour faire simple, je pourrais dire que la décision du gouvernement, c’est mieux que rien. Mais rien, c’est bien peu. Le gouvernement Legault laisse transparaître l’approche comptable qui guide la plupart de ses décisions. À la base, le problème n’est pas financier. Il est humain, social, organisationnel. Il se définit par trois lettres : TSO [temps supplémentaire obligatoire]. Ajouter de l’argent dans le réseau de la santé, c’est ce que les gouvernements font depuis des décennies. Et pourtant, le réseau est en bien piètre état. Je crains que la solution des primes ait peu d’effets permanents. Je crains aussi qu’elle se retourne contre les infirmières. Bientôt, on dira : « Au salaire qu’elles sont payées, qu’ont-elles à encore se plaindre ? » Des comptables pour gérer le réseau, ce n’est pas mieux que des médecins. De par mon expérience passée comme conseiller en orientation stratégique dans plusieurs établissements de santé, je sais qu’il est possible de trouver des solutions novatrices qui ne coûtent pas plus cher en donnant directement la parole aux partenaires du milieu. Il faut aussi cesser de penser qu’il n’existe qu’une seule et unique solution applicable partout. C’est de la pensée magique propre aux bureaucraties.

Jean-Pierre Beaulieu, Sainte-Catherine-de-Hatley

Une tentative concrète

Je pense sincèrement que d’offrir une prime pour le retour au sein du système public attirera des gens, ce qui fera un peu diminuer la pression. On tergiverse, on commente, mais M. Dubé tente quelque chose de concret, merci. Espérons que l’autogestion stimulera les heures supplémentaires volontaires et que le TSO déclinera comme la COVID-19 face au vaccin.

Normand Tremblay

La vraie raison

C’est clair : le gouvernement prend les moyens pour éviter la vraie raison. Le manque de personnel ne s’achète pas avec des sous. Il faut engager des personnes pour soigner tous les malades qui ont besoin de soins.

Nicole Laplante

La chance au coureur

J’étais très réconfortée à la suite de l’annonce du gouvernement, mais totalement découragée d’entendre les critiques. Ne peut-on pas juste attendre pour voir ? Au moins, le gouvernement travaille à des solutions. Ça prendra quelques mois, a dit M. Dubé, rien de magique. C’est drôle de voir que les « critiqueux » n’ont aucune solution à apporter. J’aimerais que les gérants d’estrade restent silencieux pour un moment, car vraiment, c’est démoralisant.

Lisette David

Révolution ou diachylon ?

Il ne fait aucun doute pour toute personne sensée, y compris le gouvernement, que les primes offertes aux infirmières ne révolutionnent rien. Il est vrai que le gouvernement doit à tout prix briser le cercle vicieux – manque de personnel, heures supplémentaires obligatoires, conditions de travail insoutenables, démissions, manque de personnel intenable, ruptures de services – qui mène à une crise sans précédent, mais hautement prévisible, de notre système de santé. Il faut donc trouver une façon de renverser la vapeur.

Si nous devons trouver un seul coupable à cette lamentable situation, ce sont nos modes de gestion à courte vue : régler un problème momentanément, avec de mauvaises solutions qui mènent, demain, à un problème encore plus grand. C’est le principe de la boule de neige qui dévale une pente et grossit, grossit. Cette boule de neige qui roule depuis des décennies – et qui s’est enflée monstrueusement avec la pandémie – vient d’écraser notre système de santé. Et ce n’est pas avec les mêmes logiques de gestion que nous arriverons à dénouer l’impasse que ces mêmes logiques de gestion ont elles-mêmes créée.

Alors, par où commencer ?

Si faire revenir les infirmières dans le réseau nous semble raisonnable, et qu’il ne manque pas d’infirmières au Québec, je pense qu’il est urgent de redonner aux travailleurs de la santé un sens à leur travail. D’ailleurs, tous les spécialistes en management vous confirmeront que le salaire n’a pas d’impact sur la mobilisation (si ce n’est qu’un bref moment).

Je me rappelle une de mes interventions pour rebâtir le réseau de la santé après une grande et douloureuse fusion des établissements de santé dans le Nord québécois, il y a 30 ans. La vision que nous avons construite mettait l’usager véritablement au centre de toutes les activités. Les décisions organisationnelles étaient guidées par ce leitmotiv. La réaction des professionnelles de la santé face à cette vision a été : « Enfin, je vais pratiquer le métier que j’ai choisi comme il se doit, avec cœur et générosité, sans me sentir coupable, sans être pénalisée. »

Cet énoncé a été largement utilisé depuis ce temps et a perdu sa véritable signification au profit d’une technostructure inhumaine, dominée par les budgets, les statistiques, les sondages politiques et des chartes de valeurs bidon, judicieusement affichées dans le hall d’entrée des établissements. Les heures d’attente permettaient amplement aux usagers de contempler ces déclarations pompeuses, si éloignées de leur réalité.

Donner un sens. Encore faut-il le retrouver.

Les modes de gestion conventionnels pour régler un problème aussi complexe sont totalement inefficaces et dépassés. SVP, cessez de faire encore mieux la même chose, sinon, vous aurez le même résultat, en pire.

La complexité se résout par l’intelligence collective, c’est-à-dire, avec ceux et celles qui vivent le problème. On ne règle pas un tel problème du sommet vers la base, mais AVEC la base. L’agilité, la créativité, la résolution du problème émergent de celle-ci. Donnez aux équipes opérationnelles du pouvoir, des ressources et des gestionnaires compétents, elles reconstruiront le réseau. Elles sauront faire revenir leurs collègues, elles sauront repenser les processus, elles sauront comment offrir les meilleurs soins et inventer les meilleures pratiques. Et, en passant, libérez les centaines d’infirmières de leur rôle bureaucratique au sein du Ministère et retournez-les sur le terrain, à soutenir les équipes.

Ça, c’est penser hors de la boîte. Ça, c’est une véritable révolution.

Chantal Gravel, spécialiste en management et en responsabilité sociale des organisations

Un geste de bonne volonté

Je trouve que le ministre a bien identifié le problème. Je comprends que l’argent n’est pas le besoin prioritaire du personnel, mais ça démontre la bonne volonté du gouvernement. Je crois que le ministre réussira à réinstaurer la confiance.

Marcelle Marchand