Quelques éléments de réflexion à la suite de la publication de l’éditorial* de Philippe Mercure concernant la Direction de la protection de la jeunesse. Voici un aperçu des courriels reçus.

Les « enfants pauvres » du système

J’ai quitté les Centres jeunesse pour la retraite il y a bientôt neuf ans. La situation était précaire à l’époque et je constate qu’elle n’a cessé de se dégrader. Des conditions de travail difficiles et stressantes, des changements structurels et de programmes devenus la norme, entraînant la déception, le découragement, la démotivation d’employés pourtant engagés et dévoués. Sans oublier une presse presque constamment négative et le peu de valorisation de ces métiers de relations humaines, nobles et méritoires. Nos gouvernants successifs, très préoccupés par le dossier de la santé physique, ont négligé ce volet névralgique de la santé d’une société, les services sociaux étant depuis longtemps les « parents pauvres » des décisions politiques et mesures budgétaires décrétées. La situation constatée aujourd’hui est la triste résultante de cette négligence chronique. Depuis bien des lustres, on prêche qu’il faut travailler en amont, qu’il faut développer les approches préventives qui sont, dans une bonne mesure, la responsabilité des CLSC. De ceux-là, on n’entend guère parler. Alors que tous sont débordés et au bord de la rupture de services, je me demande encore (et depuis longtemps) comment cette structure assume son rôle avec pertinence et efficacité. À quand un dossier d’enquête approfondie sur ce qui se fait en prévention, qui devrait avoir un impact significatif sur les débordements que nous connaissons et qui ne cessent de s’amplifier dans les secteurs de prise en charge et de traitement ?

Marc Paquin, Montréal

Changer la culture

Cela fait des années qu’on dit que tous les organismes ou établissements de services de première ligne et la DPJ doivent collaborer pour le bien des enfants. Il faut assouplir les structures de fonctionnement de part et d’autre et changer la culture. Avant même la fusion pour créer les CISSS, il y a eu la fusion entre les CLSC, les Centres hospitaliers et les CHSLD pour créer les CSSS, mais on aurait dû fusionner la DPJ et les Centres jeunesse aux services à l’enfance et à la jeunesse de la première ligne. Partager la lourdeur des situations demeure la solution pour éviter l’exode des intervenants. Il y a même un programme d’intervention en négligence dans une région qu’on a nommé « Tout un village ». Ne jetons pas tout et renforçons les bonnes interventions de la communauté.

Sylvie Lepage

Les devoirs du parent

Il faut obliger ceux qui veulent devenir parents à se conscientiser sur les devoirs et responsabilités de devenir parents.

Robert Dupré

Lourdeur bureaucratique

Regardons encore du côté de la bureaucratie. Il y a un sérieux problème là à la DPJ. Les intervenants doivent faire rapport par-dessus rapport, ce qui enlève du temps passé avec les enfants. Plusieurs intervenants en parlaient il y a plusieurs mois, est-ce réglé ? L’organisation du travail y fait pour beaucoup afin de recruter du personnel. Y a-t-il un pilote dans l’avion pour alléger les tâches administratives à la DPJ ? Si rien n’est fait à ce sujet, oubliez l’intérêt des jeunes pour cette profession et toutes les autres en santé. Un ménage est urgent et essentiel si l’on veut s’en sortir. Une réorganisation et ça urge !

Francine Roy

Éduquer les parents

Je pense que l’éclatement des familles et des couples est la source des problèmes des enfants. Les enfants méritent un milieu stable, sécuritaire et aimant. Il faut aider les parents, leur donner des cours obligatoires sur l’éducation des enfants. Je ne vois pas d’autre solution.

Jocelyn Jacques

Briser le cycle

L’origine du problème, c’est la famille souvent sous-scolarisée d’un milieu socioéconomiquement faible qui ne trouve aucun appui de sa communauté, tant scolaire que familial. La solution : décentralisation pour une école communautaire autonome qui travaille étroitement avec un service sociofamilial de proximité qui agisse précocement. Ainsi, briser le cycle générationnel de la famille défavorisée.

Sarto Lelièvre

Néfaste instabilité

J’aimerais qu'on élargisse la réflexion et qu’on se demande pourquoi la DPJ est devenue dysfonctionnelle. J’ai travaillé pendant 40 ans au centre jeunesse de Montréal à titre d’éducateur, psychoéducateur et consultant clinique. Je réalise que tous les 10 ans environ (1982, 1992, 2004, 2015), un ministre décide de faire une réforme assortie d’importantes coupes budgétaires. Cela entraîne de l’instabilité, une cascade de changements d’intervenants. C’est catastrophique pour des jeunes et des parents qui ont déjà d’énormes difficultés à faire confiance. La stabilité des intervenants est l’une des premières conditions pour la réussite d’une intervention. L’instabilité désorganise aussi les mécanismes de soutien aux intervenants, tels le perfectionnement, le transfert de connaissance, la supervision clinique et l’encadrement. C’est la perte d’expertise qui nous attend à terme. Ces réformes politiques ont pour la plupart du temps des visées administratives et n’améliorent en rien les conditions de pratique clinique. Les complications bureaucratiques et l’obsession des statistiques viennent éroder le temps consacré à l’intervention. Et après on vient cracher sur la DPJ en s'en lavant les mains.

Michel Brien

(Re)lisez « Ça prend un village pour la DPJ »