Croyez-vous que le racisme est un véritable problème au Québec ? Pensez-vous qu’il est systémique ? C’est la question que nous vous posions mercredi, à laquelle près de 300 lecteurs ont répondu. Voici un aperçu de vos commentaires.

Du chemin à faire

Peut-être pas un racisme systémique, mais un racisme très présent. On a du chemin à faire avec beaucoup de gens de 60 ans et plus. Les jeunes sont plus ouverts, ayant fréquenté la diversité à l’école.

— Nicole Duhamel

Durs rappels

Le racisme est présent partout. Nous en avons eu des preuves douloureuses la semaine dernière dans les villes de New York et de Minneapolis. La conséquence a été plus tragique dans cette dernière, où on a pu voir l’arrestation meurtrière de l’Afro-Américain George Floyd par un policier blanc.

Plus d’une semaine plus tard, plusieurs villes du monde manifestent encore pour condamner cet acte, mais également pour réclamer la fin de cette brutalité policière qui tend à faire plus de victimes chez les personnes de couleur, particulièrement noires et autochtones. Montréal s’est également mobilisé, et cette première manifestation a permis de rappeler les cas de profilage racial dans notre ville ainsi que les situations discriminatoires qui existent et persistent au Québec.

Pour plusieurs parents, ces évènements sont de durs rappels de la conversation à avoir avec leurs enfants noirs pour les préparer à affronter la police, mais également le monde. Qu’il s’agisse de biais, de préjugés ou de stéréotypes entretenus et véhiculés à leur égard, le résultat est le même : à l’école, au travail, à l’épicerie, en voiture, à l’hôpital, au tribunal, en voyage… le traitement et la considération des personnes racisées sont différents. Les occasions offertes sont moindres, les conditions aussi.

Malheureusement, le Québec n’échappe pas à cette réalité. Je trouve dangereux de répéter que « le Québec, ce n’est pas les États-Unis » en termes de racisme et de discrimination systémique. On ne devrait pas attendre que les situations soient comparables pour agir.

— Déborah Cherenfant, née en Haïti, présidente de la Jeune chambre chambre de commerce de Montréal

Oui, il y a cette forme de racisme systémique ici

Dès qu’il y a répétition d’un pattern dans une institution, il y a danger que le système devienne vicié, comme à l’embauche d’employés qu’on écarte d’emblée à cause d’un nom à consonance arabe, par exemple, même si le C. V. peut être exceptionnel. Alors, il y a racisme systémique. De même, l’arrestation à répétition d’une personne noire, arabe ou autochtone. Désolée, mais il y a cette forme de racisme systémique au Québec, ce qui ne signifie pas que l’ensemble des Québécois sont racistes. C’est la répétition d’un certain comportement dans une institution qui érige la dimension dite systémique.

— Monique Jannard

Le racisme systémique, le Québec l’a vécu

Pierre Vallières, dans une ère majeure d’affirmation nationaliste du Québec, a écrit un livre qui s’intitulait Nègres blancs d’Amérique et qui nous rappelait que les Québécois francophones ont aussi été victimes, certes sur un mode moins brutal, mais plus pernicieux que les Noirs et les Autochtones d’Amérique du Nord, des affres du colonialisme anglo-saxon. Cette culpabilité blanche du colonisateur britannique, qui a nourri l’idéologie rédemptrice du multiculturalisme canadien, a perpétué ce racisme larvé du Canada anglais envers le Québec et qui s’est traduit par un virulent bashing politico-médiatique, très crûment manifeste lors de l’adoption de lois nationalistes visant à protéger la survie identitaire et culturelle du Québec français, notamment la loi 101 sur la langue et la Loi sur la laïcité de l’État.

Le racisme systémique, le Québec l’a vécu et s’en défend encore. Cette situation historique rend le Québec plus emphatique à la souffrance des minorités. Certes, il n’est pas parfait et doit prendre sa part de responsabilité pour aplanir les inégalités sociales, mais aux antipodes des États-Unis, il reste une terre d’accueil formidable pour les communautés noires, maghrébines et autochtones qui doivent aussi, comme les francophones, faire la part des choses en étant proactifs et en évitant de sombrer dans les ornières contreproductives de la victimisation passive-agressive.

— Alain Dupuis

Il a toujours existé

Bien sûr, le racisme existe au Québec. Il a toujours existé. Dans les années 50, le racisme au Québec était dirigé envers ceux qui ne parlaient pas français, qui n’allaient pas à la messe tous les dimanches ainsi qu’envers les juifs. Aujourd’hui, c’est dirigé vers les Noirs et les immigrés.

— Gaétan Faubert

Une question d’éducation

Le racisme est partout et a pour seule frontière l’ignorance. Comme pour bien des sujets, la solution passe par l’éducation. Plus les Noirs seront éduqués, plus ils auront de chances d’être l’égal des Blancs. Et plus les Blancs seront éduqués, plus ils sauront comprendre que les Noirs leur sont égaux. À armes égales. La meilleure arme étant la culture, la connaissance et le savoir.

— André Verge, Greenfield Park

On ne veut pas se l’avouer

Au départ, je pense que ce n’est pas la question que l’on doit se poser : le racisme au Québec est-il un véritable problème ? Votre question est biaisée. Qu’est-ce que vous voulez savoir au juste ? Si certaines personnes sont victimes de racisme, si certaines autres font des gestes racistes, diffusent des messages ou emploient des termes blessants ? Si nous sommes racistes ? Évidemment, pour ceux qui ne sont pas victimes de racisme, il n’y a pas de « véritable problème ». Par contre, pour ceux qui en sont victimes, c’est autre chose. On doit tous être conscients que le racisme existe ici, au Québec, même si on ne veut pas se l’avouer.

— France Fortin

Racisme silencieux

Il y a du racisme au Québec et il se manifeste sous différentes formes dans notre quotidien. Un exemple typique : les entreprises dont le siège social se situe ici. Regardez la représentation de la population au sein des organisations afin d’analyser si les postes de direction ont une diversité ou si la plupart des comités de direction sont homogènes. Cela s’applique également aux fonctions publiques, où on ne voit presque pas de diversité dans les gestionnaires et les cadres supérieurs. Est-ce du protectionnisme ou du racisme silencieux ? Vous avez votre réponse !

— Bernard Truong

Robinson, Laferrière, Anglade, Diouf…

Jackie Robinson, premier Noir à briser non pas le plafond, mais la muraille du racisme dans le sport préféré des Américains, le baseball, a été accueilli en héros à Montréal. Sa veuve avait dit après la victoire des Royaux dans la petite Série mondiale en 1946 : « C’est la première fois que je voyais des Blancs courir après un Noir non pas pour le lyncher, mais pour le porter en triomphe. »

Dany Laferrière est devenu le premier noir à l’Académie française. Le serait-il devenu si le Québec ne lui avait pas ouvert toutes grandes ses portes ? Idem pour Dominique Anglade, devenue tout récemment l’une des premières femmes noires en Occident à diriger un parti. Demandez à Boucar Diouf, l’une des personnalités médiatiques préférées des Québécois, si le Québec est raciste. Le Québec a accueilli des dizaines de milliers d’Haïtiens et d’Africains depuis 50 ans, les aidant à s’extirper de la misère. Il a fait la même chose avec les Vietnamiens (les boat people) au début des années 80 et avec les Juifs, les Irlandais et les Italiens auparavant.

Nous sommes pourtant un peuple qu’on voulait délibérément assimiler par l’immigration (lire le Rapport Durham de 1838). Plutôt que de rejeter les étrangers, nous avons réagi en devenant une des plus grandes terres d’accueil d’immigrants et de réfugiés dans le monde.

Je me demande qui a intérêt à faire croire que le Québec est raciste. Il serait temps que certains de nos compatriotes (les jeunes en particulier) apprennent notre histoire plutôt que celle des États-Unis auxquels ils croient appartenir…

— Marc Tremblay, Montréal