Nous vous proposons un rendez-vous hebdomadaire, chaque dimanche, pour vous donner la parole et pour savoir comment vous traversez cette situation exceptionnelle.

Serrer ma famille dans mes bras

Je ne croyais jamais vivre ça. Tout est propre dans mon pays, ma maison, mon entourage. Mais voilà le virus : à la maison, les vieux ! Bonne réflexion ! Moi qui suis solitaire, voilà que je m’ennuie, mais non, il y tant de choses à faire !

Le ménage, oui, et je me rends compte que je possède trop de choses. Plus tard, je pourrais donner des vêtements, des chaudrons, des draps, et plus encore. J’ai la chance d’aimer la lecture. Je manque de livres, mais il y a la bibliothèque en ligne. Pour l’information, il y a l’internet, et moi qui ne cuisine pas beaucoup, j’ai quantité de recettes à essayer. Pas de temps pour m’ennuyer, seulement de m’inquiéter pour ma fille et mes petits-fils, mais ça, c’est normal, et je le savais.

Il ne me reste qu’à demander la protection de Dieu (ou un autre nom) et de parler au téléphone à ma famille, et après, si j’y suis encore, je les serrerai dans mes bras.

— Jacqueline Benoît

Laver la vaisselle

Nous sommes deux personnes âgées de 77 et de 86 ans. Nous sommes encore dans notre maison. Nous suivons à la lettre les directives de notre gouvernement.

Nous constatons que, jour après jour, il se fait automatiquement un gros changement dans notre façon de voir les choses.

Nous vous donnons un exemple : notre lave-vaisselle âgé de 17 ans a fait faux bond au premier jour de la crise de la pandémie. En temps ordinaire, le technicien aurait été demandé sur-le-champ, mais avec la pandémie… Si le technicien eût été quelqu’un revenant de voyage ? Donc, trois fois par jour, comme au début de notre vie de couple il y a 57 ans, nous nous sommes remis à cette petite corvée que nous trouvons assez agréable, puisque cela ajoute des minutes à discuter. Un vieux couple à risque.

— Réna Francoeur

Le bon côté des choses

J’ai eu une journée plus difficile hier, mais sinon, j’essaie de voir le bon côté des choses. Je me permets des passe-temps plutôt qu’un horaire de tâches. J’apprécie mon chez-moi, et je me fais des petits moments de douceur comme le thé d’après-midi, le jeu de société en duo, le cinéma enregistré à la télé : drames historiques, comédies romantiques et films d’aventures. Et, surtout, j’écoute religieusement les directives afin de limiter les dégâts pour tous et je communique avec mes aînés, amis et famille par FaceTime, question de nous soutenir en restant visibles.

— Lucie Giroux

Oiseaux et haïkus

À 76 ans, je me trouve bien pénarde à la maison à observer, par ce bel après-midi, le flot incessant de gens qui se promènent dans ma rue. Moi, j’y suis allée tôt ce matin, à jeun, une marche afghane !

Se souviendra-t-on, quand la vie aura repris un cours qui ne sera plus jamais le même, comme c’est bon, déambuler sous un ardent soleil printanier ?

En revenant de ma marche, ce matin, j’ai installé, sur le portique d’entrée du jardin, une planche sur laquelle j’ai semé des graines pour « faire pousser des oiseaux » ! Dans la mangeoire, les quiscales gobent tout. Alors, j’espère un partage en écartant les sources d’approvisionnement. Et j’observe !

Je lis aussi plus qu’à l’accoutumée, et j’écris des haïkus, comme voilà ! Par les temps qui courent, il me semble tout à fait approprié.

— Rachelle Montour

Prendre soin de soi, c’est prendre soin des autres

Je suis une retraitée de 78 ans de nature solitaire ; il n’y a donc rien de contraignant pour moi dans le fait de rester à la maison. J’ai de nombreux livres à lire, de la laine en quantité pour tricoter autant que j’en ai envie, des chiens à promener dans les environs et, s’il me reste du temps, du ménage à faire. Je vais encore essayer de commander en ligne ce dont j’ai besoin à l’épicerie. Je suis consciente qu’en prenant soin de moi, je prends aussi soin des autres.

— Francine Gagné

Respect des consignes

Mon conjoint et moi respectons les consignes de notre gouvernement. Nous faisons livrer nos médicaments, notre épicerie. Nous jouons à des jeux de société. J’ai retrouvé le goût de cuisiner. Nous recevons des appels quotidiens de nos garçons. Nous faisons des mots cachés et, surtout, nous allons marcher lorsque le temps le permet.

— Nicole Bénard

Il en sortira du bon

Je crois que notre façon de réagir à cette crise, peu importe son ampleur, est la même que celle que nous avons normalement devant les petites et grandes crises de nos vies. Cela dit, l’ampleur mondiale de cette pandémie contribuera à changer le monde de multiples manières. Peut-on penser à plus de collaboration, à la réalisation que la croissance exponentielle ne garantit d’aucune manière le bonheur de la société, à l’installation permanente de la télémédecine, etc. ? Beaucoup en souffriront, mais, au bout du compte, il en sortira du bon.

— Lorraine Lemay

L’après-COVID

Je compatis avec toutes les personnes qui éprouvent des difficultés liées à la COVID-19. Je trouve que la pause obligatoire que celle-ci nous impose nous permet de nous reposer du rythme effréné de nos vies ; nous permet de réfléchir à ce qui est vraiment important, de remettre de l’ordre dans nos priorités ; nous rappelle l’importance de la solidarité et de l’entraide, de la famille et de l’amitié ; nous fait prendre conscience de notre fragilité, malgré nos richesses et nos biens matériels, et de la valeur de choix sains de vie (finances, pollution, matérialisme à outrance) ; nous ramène à des faits concrets, à la générosité et à la tolérance ; nous montre notre interdépendance, donc notre intérêt à être altruistes pour le bien de tous… et tant d’autres choses. Profitons de cette occasion pour vivre un « après-COVID » plus heureux et libres.

— Manon Arcand

Une vraie belle société

Pourquoi j’apprécie cette pause ? Parce qu’elle me permet d’observer notre société qui, autrement, est impossible à regarder aller quand on est soi-même dans la course.

Observer ô combien notre système de santé est super efficace malgré tout ce qu’on en dit depuis des décennies. Et notre système scolaire qui réagit au quart de tour malgré sa lourdeur légendaire. Et notre système social. On nous rappelle de ne pas oublier les sans-abri, les victimes de violence conjugale, les enfants de la DPJ… Et les personnes qu’on met au pouvoir pour prendre soin de l’intérêt commun. 

Et l’importance des éboueurs, des commis d’épicerie, de pharmacie… qu’on oublie souvent. Trop. Mais on est bien organisés. On est une vraie belle société ! On est chanceux. « Une chance qu’on s’a » comme le chante Jean-Pierre Ferland.

— Marc-André Whipp

J’ai cessé de regarder l’heure

Nous sommes deux adultes et un chat dans un 3 1/2 de Rosemont. Nous nous servons de nos tablettes et de nos téléphones pour nous tenir informés et prendre des nouvelles de la famille et de nos amis. Nous sortons tous les jours marcher en faisant la recherche de dessins d’arc-en-ciel, et je pense souvent à mes deux petits-enfants. Je cuisine, je lis et j’écris. Je fais du ménage et du lavage. Je me dis que je vis un peu la vie comme ma mère de 96 ans l’a vécue, et ça me rapproche d’elle. J’ai cessé de regarder l’heure, ça n’a plus d’importance, et j’ai commencé à rêver à l’avenir.

— Nicole Carrière

Apprentissages essentiels

Je suis d’accord avec cette citation de Friedrich Nietzsche qui dit que « ce qui ne tue pas rend plus fort ». Souvent, dans la vie personnelle et sociétale, les crises individuelles et collectives sont utiles et même nécessaires pour engendrer des prises de conscience et des changements qui permettent de sortir des habitudes, des conditionnements, des routines qui, s’ils parviennent à régler des malaises ou des problèmes à court terme, s’avèrent néfastes et délétères à moyen ou à long terme. 

En dépit des malheureuses et nombreuses pertes de vies, si cette crise nous force à faire des apprentissages essentiels, alors nous en sortirons plus sages, plus lucides, plus solidaires et mieux équipés pour prévenir les prochaines.

Puisse ce ralentissement d’activités sociales et économiques, cette décroissance forcée nous faire réaliser que l’air des grandes villes est maintenant plus respirable et que le consumérisme effréné nous étouffe déjà et nous expose à une crise environnementale majeure et destructrice, qui fera cette fois des millions et des millions de victimes.

— Alain Dupuis

Pause salutaire !

Je crois que cette pause est salutaire pour trois raisons. D’abord, elle nous permet de sauver des vies, ce qui est très valorisant ! Ensuite, elle permet de mieux comprendre comment notre dépendance à tous ces articles que nous achetons frénétiquement a un impact direct sur notre environnement. En effet, la nature montre des signes avant-coureurs de récupération. Wow ! Finalement, cette pause dans notre frénésie nous mettra chacun enfin en contact avec notre moi intérieur. Cela nous permet de départager le vrai du faux !

— Rémi Tremblay

Je ne vais pas laisser tomber mes clients

Ma blonde et moi, on est bien installés : petite maison en banlieue, pas de dettes, elle à la retraite (travail de deux jours par semaine arrêté), moi à la retraite l’été prochain, retraite que je devrai peut-être repousser. Je suis plombier de service et je ne fais que les urgences.

Franchement, à 64 ans, j’aimerais mieux ne pas sortir. J’ai peur, mais je ne vais pas laisser tomber mes clients. L’isolement ici ce n’est pas un drame et j’aimerais même être plus isolé. Par sécurité, j’applique les trois règles : ma blonde a raison, elle a raison et elle a encore raison, et je pense qu’elle fait la même chose avec moi. Je refais les moulures et la peinture de la salle de bains. Je ne suis pas gêné d’être bien ; j’ai préparé ça toute ma vie.

— Guy Lafleur

Modifier nos habitudes

Je crois que cet arrêt est une bonne chose même si cela nous fait mal et est inconfortable. Ce sera plus facile de se souvenir qu’il nous faudra changer ou modifier certaines de nos habitudes. Des exemples ? Il en existe à la tonne, que ce soit dans nos habitudes sanitaires, dans nos rapports avec nos proches, nos voisins, les personnes sans-abri, les personnes âgées, etc. Non seulement cet arrêt est primordial pour arrêter le virus, il nous permet en même temps de réorienter certaines de nos valeurs fondamentales, qu’elles soient familiales ou autres.

— Pierre Paul Guillemette

Cet isolement, une bénédiction

Lundi, 16 mars, j’ai repris le travail au bureau après plus de 6 semaines d’arrêt pour dépression. Je suis sensible au manque de lumière et cet hiver a été très difficile pour moi. Mon environnement de travail au bureau manque cruellement de lumière. Depuis mardi, je travaille chez moi dans un espace baigné de lumière. Cet isolement est une bénédiction pour moi. Bien que j’ai été très heureux de revoir mes collègues, je ne suis pas prêt à me retrouver dans ce sombre cubicule.

— Loïc Kauffeisen, Saint-Jérôme

Besoin de civisme viral

À voir ce qui se passe en Italie, en France et en Espagne, soyons lucides, il y a fort à parier que le confinement maximal sera poursuivi jusqu’à la fin du mois d’avril partout au Québec et probablement jusqu’à la fin mai à Montréal, où le nombre de cas est plus élevé. La distanciation sociale s’ajoute aux règles de politesse élémentaire. Dans mon quartier règne une ambiance respectueuse. Montréal s’apparente à un village paisible.

Chaque jour, on apprend à se contenter du strict nécessaire, à cesser de surconsommer, de gaspiller. On définit ce qui est essentiel en oubliant le superflu. De nouvelles interactions sociales se tissent. C’est aussi la découverte de ce qu’implique l’isolement, de l’importance de ne pas hésiter à demander de l’aide. On relativise quant à nos propres sacrifices. On pense aux aînés. On se préoccupe des plus vulnérables, des âmes en peine. Et les règles d’hygiène et de précaution bien intégrées seront sans doute perpétuées de saison d’influenza en saison d’influenza. Le civisme viral, nous en avions grand besoin ! On ne reviendra pas à l’avant-coronavirus, ça va aller mieux !

— Carol Patch-Neveu, Montréal