Le travail de Pierre Nadeau a manifestement marqué les esprits. Vous avez été des dizaines à nous faire part de vos souvenirs et anecdotes concernant le célèbre journaliste/reporter. Voici un aperçu des courriels reçus.

Il reste inégalé

Toute la semaine, j’ai entendu plusieurs témoignages concernant Pierre. Je suis tout à fait d’accord avec tout ce qui a été dit et, encore aujourd’hui, il reste inégalé.

J’ai connu Pierre Nadeau en 1970 quand je suis devenu chef des nouvelles de Radio-Canada, radio et télévision. En 1971, Marc Thibault a séparé la radio de la télévision : je ne faisais désormais que la télévision, et c’est là que je suis devenu très proche de Pierre. C’est là que nous avons créé Le 60 avec Marc, quelques journalistes aguerris et, surtout, Pierre. Chaque année, le directeur de l’information, Marc Thibault, et le chef des nouvelles rencontraient les journalistes de l’international. En 1974, le 3 janvier, nous avons tous mangé ensemble. Tout en travaillant, des croissants et du café étaient servis, mais tout de suite je ne me suis pas senti bien. Je suis sorti à l’extérieur en veston alors qu’il faisait autour de 20 degrés au-dessous de zéro.

Il faisait froid, mais je transpirais, certain d’avoir un petit problème de croissants-café. Pierre arrivait au même moment et il a compris rapidement que je n’allais pas bien : « Je t’emmène chez le médecin tout de suite. » Oubliez le reste : je faisais une crise cardiaque qui s’est terminée par une opération au cœur ! J’ai été en convalescence pendant plusieurs mois. Pierre est venu me voir quelques fois. J’aime à dire que ce jour-là, il m’a sauvé la vie. Nous sommes restés amis. Qu’il soit parti me rend triste aujourd’hui. 

— Mario Cardinal

Comme Cronkite et Murrow

Pierre Nadeau était le Walter Cronkite et l’Edward R. Murrow de l’information de langue française en Amérique du Nord. Nous avons perdu un grand homme.

— Andre Besner

Bons reportages là-haut !

Pierre Nadeau, le gentleman intervieweur, nous a quittés et avec lui une grande époque du journalisme disparaît. J’adorais voir et écouter Pierre Nadeau. Sa voix chaude, sa diction impeccable, son intelligence et ses interventions animées et dynamiques nous épargnaient l’ennui des émissions d’information en continu qui nous inondent tous les jours. Son style particulier de journaliste/reporter n’aura jamais été égalé. Bons reportages là-haut !

— Michelle Legault

Un grand homme

J’ai fait ma première entrevue télévisée avec Pierre Nadeau au Point en 1986. Je m’en souviendrai pour le reste de mes jours. Nerveux et anxieux que j’étais, M. Nadeau m’avait mis très à l’aise et en confiance. Je lui en avais été tellement reconnaissant et lui avais signifié toute ma gratitude il y a quelques années. Avec un grand sourire, il m’avait… remercié ! Quel grand homme.

— Charles-Philippe David, professeur titulaire au département de science politique de l’UQAM

L’intelligence du contenu

Mon meilleur souvenir : voir la famille devant la télévision, attentive et silencieuse. À la fin de l’émission, avoir la nette impression d’avoir appris et compris. On se sentait grandis. L’intelligence du contenu. La sensibilité de la belle personne qu’il était. Merci, M. Nadeau.

— Marie Forget

Nombreux talents

Alors que j’était journaliste à la pige au début de la trentaine, TV Hebdo me commande une entrevue avec Pierre Nadeau. Je le rencontre à ses bureaux de la rue Sherbrooke avec mon enregistreuse à gros pitons et… mon fils de 5 ans, impossible à caser ailleurs ce jour-là. 

J’ai un peu la trouille. Un, d’interviewer cet immense journaliste (imaginez échanger des balles avec Federer). Deux, de prendre son bureau pour une garderie. Or, non seulement M. Nadeau trouve la situation charmante, ses collaborateurs s’empressent d’approvisionner fiston en papier et crayons de couleur. Je savais avant ce rendez-vous que je m’en allais rencontrer une star de l’information. Quand j’ai vu son sourire et sa gentillesse à l’œuvre devant mon fils, j’ai ajouté « papa » à la liste de ses nombreux talents.

— Michel Crépault, président de MediaGo Communications

Information accessible et juste

En pensant à Pierre Nadeau, en me remémorant ses grandes entrevues, ce n’est pas un fait précis qui me vient en tête, c’est sa prestance, sa préparation quand il interviewait un invité, et surtout, sa droiture. Il avait le génie de poser les bonnes questions, de faire ressortir l’information juste. Il était parfois coriace avec ses invités, il donnait l’impression d’une neutralité journalistique qu’il est désormais trop difficile de remarquer de nos jours. Merci, M. Nadeau, pour ce que vous avez fait pour le Québec en rendant l’information accessible et juste.

— Myriam Lemire, Montréal

Ferland-Nadeau en vacances

On a beaucoup parlé de Pierre Nadeau le grand journaliste dans des émissions et reportages des plus sérieux. Toutefois, on a peu parlé de sa coanimation avec Jean-Pierre Ferland de l’émission estivale Ferland-Nadeau en vacances. Au départ, j’étais sceptique qu’il puisse s’intégrer dans ce genre d’émission, mais c’était mal connaître l’homme. Il y apportait évidemment du sérieux, mais aussi une touche d’humour incomparable. 

— Richard Beaudoin

Toujours avec respect

J’étais adolescent et jeune adulte au cours des années 70. Au-delà de leurs activités professionnelles, trois personnes dans le monde des communications représentaient pour moi le summum de la compétence dans leur profession : René Lecavalier, puis Richard Garneau à La soirée du hockey (et les Jeux olympiques également dans le cas de M. Garneau) et Pierre Nadeau.

J’écoutais religieusement Format 60, émission par excellence pour nous renseigner et nous éduquer, pour aller au fond des choses. Avec un animateur d’une grande compétence, avec une personnalité forte, n’ayant pas peur de poser les vraies questions. Toujours avec respect, jamais avec condescendance.

Pierre Nadeau a tracé la voie pour plusieurs autres grands journalistes : Jean-François Lépine, Raymond Saint-Pierre, Anne-Marie Dussault, pour n’en nommer que quelques-uns. Paul Arcand se distingue également. Pierre Nadeau a certainement été un de leurs modèles.

— Denis Cossette

Interviewer Pierre Nadeau

J’ai un très beau souvenir de M. Nadeau. Au secondaire, dans les années 70, un travail scolaire m’a amené à la tour de Radio-Canada où j’ai eu la chance d’« interviewer » Pierre Nadeau. C’est avec beaucoup de générosité et de gentillesse qu’il a répondu à mes questions maladroites et parlé de son métier. Il m’a fait visiter son bureau et la salle de rédaction. J’ai découvert qu’il avait beaucoup d’humour. Il travaillait à ce moment-là à un reportage sur la progression des maladies vénériennes, et le thème musical choisi était La maladie d’amour de Michel Sardou…

— Vincent Martin

Los Angeles 1984

Comme réalisateur à Radio-Canada, j’ai eu la chance de travailler avec Pierre Nadeau lors des Jeux olympiques de Los Angeles en 1984. Je faisais le montage de ses capsules qui couvraient différents sujets durant les Jeux. J’étais très surpris de voir qu’il pouvait se rappeler si bien son texte. J’ai su par la suite qu’il enregistrait son reportage sur une mini-cassette qu’il branchait à son oreille et qui lui servait de guide pour rendre son reportage. Je trouvais ça très génial et surtout très productif ! 

— Jacques Bérubé

Un style inimitable

Oui, le grand Pierre Nadeau. Je l’ai rencontré au Salon du livre, à l’occasion de la sortie de L’impatient. J’avais choisi un moment où l’achalandage serait moindre afin d’avoir peut-être la chance de lui parler plus longtemps. Heureuse décision. Je m’approche, il se lève pour m’accueillir et me serrer la main. La classe. S’ensuivit une conversation d’une quinzaine de minutes qui a comblé l’admirateur que j’étais. Je ne me suis pas aventuré dans l’analyse géopolitique ou journalistique. Je voulais simplement lui exprimer ma reconnaissance de nous avoir fait découvrir le monde dans son style inimitable.

— Pierre Levert

Souvenir impérissable

En 1975, je travaillais comme infirmier à Wemotaci, chez les Atikamekw. Les soirées étaient longues. Il n’était possible de capter qu’un seul poste de télé : Radio-Canada. Mais l’image était nulle la plupart du temps, enneigée par la distance et les montagnes environnantes.

Heureusement, mon employeur de l’époque, Santé Canada, distribuait à qui les voulait des bandes vidéo (en rouleaux !) d’émissions que l’on pouvait choisir. Je ne proposais qu’un seul choix : Le 60, magazine où paraissait Pierre Nadeau, l’idole de mon adolescence. Pour moi, il était l’image de la connaissance, de la vertu extraordinaire de communiquer sans fard ni fioritures. J’ai tellement appris en visionnant ces fameuses bandes !

En 2002, je suis au Salon du livre de Montréal pour présenter mon premier bouquin. J’apprends que mon idole y est pour les mêmes raisons. Je suis allé à sa rencontre et je lui ai fait part de l’importance que ses reportages ont eue pour moi. Il m’a dédicacé son livre et… il m’a fait la délicatesse de me demander le mien. Lui qui avait vu le monde entier, qui aurait pu sévir avec hauteur, était plutôt un homme humble, accueillant, d’une gentillesse incroyable. J’en étais ébahi. C’est le souvenir impérissable que je garde de ce grand reporter.

— Daniel Beauvais, Lachute

Une classe à part

Ce qui est regrettable, c’est que la génération qui suit les baby-boomers n’a pas eu la chance de voir le grand intellectuel et le grand journaliste qu’était Pierre Nadeau. Il y a de très bons journalistes au Québec, mais Pierre Nadeau et René Lévesque étaient dans une classe à part. 

— Gaétan Faubert

L’élégance du verbe

À l’heure où l’on parle de la crise des médias, de la survie des journaux, nous quitte celui qui a donné au journalisme d’ici ses lettres de noblesse. Pierre Nadeau incarnait l’élégance du verbe. Sujet simple, complexe, controversé, à aborder, à condenser ; il ne laissait personne indifférent. Grâce à son travail discipliné, nous devenions en l’écoutant des citoyens avides des actualités et qui le demeurent. En revoyant défiler les images d’archives, les extraits d’émissions, je sais à qui ma génération doit son insatiable curiosité, son sens critique bien affûté. Merci, Pierre Nadeau !

— Carol Patch-Neveu, Montréal

Il allait droit au but

Le départ de Pierre Nadeau nous fait regretter cette époque où la rigueur de l’information et la qualité de la langue française étaient de mise. Dans ses entrevues, il n’y avait pas de diversion ; il allait droit au but, mais toujours avec respect pour ses invités. Il avait un style bien personnel ; il n’imitait personne et ne pouvait être imité. Ses reportages, ses entrevues et ses autres interventions captaient tout de suite l’attention, première qualité d’un communicateur hors pair. Un très grand journaliste comme on n’en fait plus !

— Yves Fortier, Gatineau

L’exemple à suivre

J’ai appris à lire avec Tintin, j’ai découvert le monde avec Pierre Nadeau. Rivé devant le petit écran, comme beaucoup d’adolescents des années 60, j’admirais sa flamboyance, son audace, son aplomb, son élocution.

Rien que sa voix suffisait à captiver un auditoire immense et conquis. Il était le « chevalier sans peur » de l’information, faisant sienne l’ancienne devise chevaleresque Accipit ut det : il reçoit pour donner. Sa conception du rôle de communicateur était exemplaire. Nadeau le magnifique était partout : Chili, Viêtnam, Chypre, Burundi, Palestine. Et il nous donnait le goût de parcourir la planète entière, aller à la rencontre des peuples et raconter.

Au cours des années 80, on m’a invité sur le plateau de l’émission Le Point pour y discuter des pratiques commerciales de la SAQ. Enfin, j’allais serrer la main de mon héros ! Je ne savais pas qu’un homme à ce point célèbre et envié pouvait être tout aussi attentif et avenant.

Au terme de l’entretien, à micro fermé, il me dit : « Vous étiez bien préparé. Bravo ! » Ce soir-là, je suis sorti du studio porté par l’euphorie. J’avais l’aval du maître !

Nos routes ne se sont plus jamais croisées, mais plus tard dans la vie, le destin nous a mis face au même ennemi, un tortionnaire impitoyable appelé parkinson.

Il m’est facile d’imaginer – et impossible de ne pas appréhender – les affres de son malheur et son désarroi devant la perte progressive et inéluctable de ses moyens.

À l’annonce de sa mort, beaucoup ont témoigné de sa dignité face à la maladie. Encore une fois, comme à 16 ans, je tâcherai de suivre son exemple.

— Michel Phaneuf