Sans surprise, l’éditorial d’Agnès Gruda de dimanche sur Greta Thunberg a suscité de nombreux commentaires tant par ceux qui appuient celle qui lutte contre les changements climatiques que par ceux qui la dénoncent. Voici un aperçu des courriels reçus.

Une jeune personne en marche

Cette jeune femme nous rassemble, nous empêche de fermer les yeux, les oreilles, la conscience et de tout simplement passer à autre chose. Elle agit comme un « tronc » auquel on peut se greffer, quelles que soient nos actions. Elle nous force à parler, à regarder. Elle est un catalyseur. J’espère qu’elle ne se brûlera pas les ailes dans l’entreprise. Elle fait faire un pas. Elle doit continuer à être une jeune personne en marche, et j’ose croire que nous pourrons prendre la relève à un moment donné.

— Hélène Prévost

Elle en fait plus que les politiciens

Greta en fait beaucoup plus pour la cause que la plupart de nos politiciens, dont la ligne de tir ne dépasse pas leur prochaine campagne électorale.

— Luc Saint-Amant

Trop de Terriens

Une société qui a besoin d’une fille de 15 ans comme guide ne mérite pas d’exister. Greta nous parle des mensonges des pétrolières et nous ment par le fait même. Le réchauffement de la planète ne provient pas du pétrole, mais de la surpopulation de la Terre. Demander aux politiciens de concentrer leurs efforts à éliminer le pétrole, c’est condamner la planète. Il faut se consacrer à réduire le nombre des habitants de la Terre.

— Denis Toulouse

Face à nos limitations

Greta a cette aptitude à nous mettre face à nos propres limitations. Les pouvoirs en place ne supportent pas qu’elle leur fasse ombrage et l’acharnement avec lequel ils la discréditent est pathétique, voire embarrassant. Acceptons que nous ayons un méchant bout à faire, tant individuellement que collectivement !

— Denise Yergeau, East Farnham

Je t’en prie, fais demi-tour

Greta est le fruit d’une campagne de marketing des « écolos-épouvantistes ». Quand elle mettra le pied en Amérique, elle sera transportée par je ne sais pas quel moyen de transport convenable et paradée dans tous les morning shows et late shows des grandes chaînes télé. 

Tous les politiciens opportunistes et « grand-mamans » voudront prendre un égoportrait avec elle. Nous entendrons son discours bien écrit et bien appris pendant une bonne semaine. Elle sera probablement invitée à prendre la parole a l’ONU afin de donner bonne conscience à tout ce beau monde de grands penseurs, petits faiseurs. Je ne serais pas surpris que David Suzuki l’invite chez nous. Quel coup ce serait pour la campagne électorale de Steven Guilbeault de l’avoir à ses côtés !

Puis elle tombera dans l’oubli. Le feu de paille s’éteindra. Greta, je suis convaincu que tes intentions sont nobles. C’est la méthode qui cloche. Tu vas perdre un an de ta vie à chialer. Tu seras comme les autres à rechigner et faire peur au lieu de proposer et d’implémenter des solutions. Je t’en prie, fais demi-tour. Retourne à l’école. Étudie très fort. Comme ça, tu apprendras et sauras vraiment de quoi tu parles. Tu deviendras ingénieure ou politicienne et tu seras en position de faire quelque chose de concret et d’utile. C’est à ce moment que je te prendrai au sérieux. C’est à ce moment que j’arrêterai d’être un écolo-pessimiste.

— Claude Renaud

Changer les mentalités

On ne maîtrise pas les rouages du fonctionnement d’une société à 16 ans ; d’ailleurs, bien peu d’adultes y parviennent un jour. Chacun voit le monde selon ses propres valeurs, ses intérêts, ses croyances, et les priorités avec lesquelles nous choisissons de vivre restent des choix personnels. Et c’est très bien ainsi, quand on a la chance de vivre dans le « moins pire des systèmes », comme disait Churchill.

Sauf que ce système a un urgent besoin de réorientation, les façons de vivre de la majorité étant devenues incompatibles avec la survie de notre espèce. Cette adolescente a le mérite d’avoir cristallisé l’opinion mondiale sur le sujet et c’est tant mieux si elle galvanise la jeunesse (futurs électeurs). Son action s’inscrit en synergie avec celles d’autres groupes (récemment les médecins) qui appellent les décideurs à donner le coup de barre qui s’impose. Le choix de son moyen de transport pour traverser l’Atlantique doit faire réfléchir chacun d’entre nous sur ses propres habitudes de consommation au quotidien et leurs impacts environnementaux.

Je pense que son message devrait d’abord s’adresser aux citoyens : dans notre société actuelle, tant que la demande existera, l’offre suivra. Oui, c’est la mentalité des gens que l’on doit interpeller, particulièrement les jeunes ; leur faire prendre conscience qu’il y a un problème mondial de consommation et de gaspillage. C’est précisément ce de quoi ont peur les multinationales, qui voient dans ce mouvement une menace pour leur productivité et tentent de miner la crédibilité de toute action allant dans ce sens.

— Philippe Wuidart

Et les avancées scientifiques ?

Mais qu’est-ce qu’ils ont, ces chroniqueurs, qui à s’excuser pour les péchés commis envers le jeune oracle Greta, qui à se pâmer devant la beauté inégalable du dernier clip de Safia Nolin, qui à ne retenir que la noble fin poursuivie ?

L’histoire ne nous apprend-elle pas qu’il y a mille lieues entre les belles causes vertueusement présentées et les guerres de religion engendrées par les moyens utilisés ? Les beaux discours qui séduisent tant doivent nous faire réfléchir aux objectifs affichés, sans doute, mais aussi sur les moyens mis de l’avant pour y parvenir. 

Le retour à la pure nature n’est pas nouveau ; la peur de la fin du monde non plus. Écoute et tolérance, toujours, mais pas au point d’être dupe, quand même.

Un exemple : on répète que Greta « prend le consensus scientifique au mot », mais pas un mot sur les avancées scientifiques et technologiques en cours pour contribuer à l’allègement de l’apocalypse annoncé, voire promis. Cela compliquerait la simplicité du message, bien sûr, mais obligerait à davantage réfléchir, tant mieux.

— Benoit Lauzière

Donner la parole aux vrais experts

On met beaucoup trop d’emphase sur cet enfant et son discours ingénu et naïf. Il faut s’attarder aux vraies solutions et donner la parole aux vrais experts… Ces derniers ne sont pas assez visibles et les médias sont plus intéressés à faire du sensationnalisme avec cette ado que de faire des articles de fond avec les scientifiques qui seront forcément les principaux acteurs et créateurs de solutions. 

— Pierre Beaudoin

Les lobbys sont derrière elle

Je ne suis pas du tout d’accord avec votre interprétation de la situation. Un jour, nous découvrirons quels lobbys sont derrière tout ça et combien ça lui rapporte, à elle et à sa famille. 

— Patrice Paquin, Sherbrooke

De la pure manipulation

Instrumentaliser un enfant, même si la cause est noble, ça demeure détestable. On commercialise les changements climatiques, on les met en scène en utilisant une enfant autiste et cela relève de la pure manipulation. 

Oui, il faut absolument faire des gestes pour réduire notre empreinte écologique. Il faut prendre soin de notre planète, réduire l’utilisation des énergies fossiles, particulièrement le pétrole, mais là où je décroche, c’est quand on manipule et utilise une enfant autiste pour influencer les gens. 

— Laurent Tremblay

Comme Jeanne d’Arc

Merci à vous de défendre cette jeune fille qui incarne une lutte tellement importante ! Je ne peux m’empêcher de la comparer à Jeanne d’Arc, qui avait conscience d’une mission essentielle. J’espère seulement que les « hommes d’aujourd’hui » n’iront pas jusqu’à la brûler.

C’est étonnant de voir à quel point ceux qui représentent l’ordre établi et la rectitude peuvent se sentir autant en péril vis-à-vis cette femme extraordinaire ! Il me vient alors une parole peu citée de Pauline Marois lors d’un congrès de l’ACFAS. Elle avait dit : « Quand on sait où l’on s’en va, les autres se tassent pour nous laisser passer ! » Il en va de la survie du genre humain !

— Danielle Tremblay

Merci, Greta ?

Madame Gruda, votre éditorial sur Greta Thunberg m’irrite, moins à cause de ce qu’il contient qu’à cause de ce qu’il ne dit pas.

Le problème avec Greta Thunberg n’est pas qu’elle transmette le message de la science à propos du réchauffement planétaire, c’est qu’elle le fasse dans une enveloppe apocalyptique.

Or, la majorité des gens ne comprend rien aux gaz à effets de serre, mais une forte proportion de la population est sensible à la menace de fin du monde. Ce n’est donc pas la science que sert Mme Thunberg, mais le millénarisme et ses dérives.

En second lieu, vous commettez la même erreur que les nombreux thuriféraires de Greta qu’on trouve dans les médias en général et dans La Presse en particulier : vous vous attardez à la partie dénonciation de son message (« urgence climatique »), mais pas aux solutions qu’elle préconise, soit la fin de la dépendance aux énergies fossiles d’ici 2030 (objectif avoué) et la décroissance économique (objectif caché). Or, la première est absolument impossible hormis une découverte scientifique fulgurante, et la seconde est néfaste, peut-être même autant que le réchauffement climatique.

Troisièmement, le message de Mme Thunberg ne s’adresse qu’aux populations occidentales, qui sont en phase de décroissance démographique et qui font depuis 30 ans des efforts pour limiter leur empreinte écologique.

Le reste de l’humanité, des Chinois aux Africains en passant par les Indiens et les Arabes, donc l’immense majorité, s’en fout comme de colin-tampon. Quand bien même tous les Occidentaux se convertiraient au jaïnisme et cesseraient de consommer et de voyager, la planète continuerait sa dérive vers le réchauffement climatique.

De plus, il y a une dimension complètement occultée par son message : si la planète comptait quatre milliards d’habitants et non pas huit, personne ne parlerait de réchauffement planétaire. Si on voulait être cynique, on pourrait évoquer l’hypothèse qu’une pandémie mondiale comme l’épidémie de peste qui extermina un tiers de la population européenne entre 1347 et 1352 rendrait la question obsolète ! Certains écologistes radicaux rêvent d’ailleurs d’une réduction de la population mondiale par le terrorisme ou la science s’il le faut.

En outre, il est facile de faire le choix de ne plus prendre l’avion quand on est suédois ou européen : les transports terrestres et maritimes y sont si bien développés. Par contre, si on est américain, océanien, africain ou asiatique, c’est une autre paire de manches.

De plus, il est faux de laisser entendre comme vous le faites que les transporteurs aériens ne font rien pour réduire leur empreinte écologique. Tous les constructeurs travaillent à la mise au point de modèles qui consomment moins et les transporteurs sont ravis de les acheter et de les utiliser. Le problème n’est de toute évidence pas là !

Enfin, les critiques de Mme Thunberg ne sont pas tous des dinosaures machos et déjantés. Je me méfie beaucoup plus de ceux qui avalent ses propos intégralement et qui la canonisent.

— Marc Simard, historien et juriste, Québec