Vous avez été nombreux à réagir à l’éditorial de François Cardinal, « Les GAFA ne sauveront pas les médias », publié samedi dernier. Voici un aperçu des commentaires reçus.

Mécanisme d’aide financé à court terme par l’État

Il faut séparer le problème en deux. D’une part, il y a une menace immédiate qui pourrait entraîner la disparition de nombreux médias. Il faut mettre en place très rapidement des mesures d’aide pour contrer ce phénomène. D’autre part, il faut trouver un moyen de faire payer les géants du web, qui sont les vrais responsables de cette crise, pour financer ces mesures. 

Malheureusement, la mise en place d’une taxe sur leurs activités s’annonce compliquée. Pour gagner du temps, nos députés doivent s’entendre de façon unanime sur un mécanisme d’aide qui sera financé à court terme par l’État. À plus long terme, lorsque l’OCDE, le gouvernement fédéral et je ne sais qui d’autre se seront mis d’accord, il faudra instaurer une taxation du web qui permettra de financer de façon permanente les mesures d’urgence évoquées précédemment.

Finalement, il est essentiel que la mise en place des mesures d’urgence soit chapeautée par un organisme neutre et apolitique qui représenterait tous les secteurs de la société. C’est beaucoup demander, sans doute, mais c’est essentiel pour la survie d’une presse libre et indépendante et pour la survie de notre démocratie.

— Daniel Bordeleau, journaliste retraité

Décourager les entreprises canadiennes de faire affaire avec les GAFA

Je comprends qu’il serait difficile, à court terme, pour le Canada et encore plus pour le Québec de taxer les géants du web (GAFA). La réponse de Trump à la tentative de la France va freiner les tentatives des autres pays d’imposer les Facebook de ce monde. 

Par contre, il serait facile de décréter que, dorénavant, les dépenses publicitaires faites auprès d’entreprises non inscrites à la TPS et à la TVQ, ou qui ne paient pas d’impôts ici, ne seront plus déductibles aux fins d’impôts sur le revenu. Ainsi, on ne touche pas aux GAFA, mais on décourage les entreprises canadiennes de payer de la publicité chez eux. S’ils le font : aucune déduction d’impôt. Une solution facile et difficilement attaquable par notre bon ami Trump.

— Daniel Michaud

Une mesure incitative pour les entreprises canadiennes

Si les GAFA font tant de revenus, c’est entre autres parce que les entreprises d’ici estiment plus avantageux et plus économique d’acheter leur publicité « locale » des géants du web que des médias locaux traditionnels (journaux, radios et télé).

Comme les achats publicitaires des géants du web peuvent être ciblés sur les clients qu’ils visent et qu’en plus, ces dépenses sont déductibles d’impôt, les entreprises locales n’ont aucune incitation à utiliser les médias locaux. Il me semble qu’il serait facile pour les gouvernements fédéral et provinciaux de cesser d’accepter la déduction des achats de publicité « locale » faits aux géants du web ou, à tout le moins, de réduire le pourcentage de déduction de ces dépenses pour fins d’impôt. Les entreprises canadiennes auraient dès lors une incitation à continuer d’annoncer dans les médias locaux plutôt que sur le web.

— Pierre Beaudry, Ayer’s Cliff

Agir rapidement

On sait que le problème des médias vient surtout du fait que les annonceurs optent pour le web plutôt que pour les journaux. Entre 2005 et 2017, les revenus publicitaires des journaux ont connu une baisse de 66 %, ce qui représente une perte de 1,8 milliard. Or, la plupart des gros acteurs du web sont à l’extérieur du Canada et, à ce jour, on n’a pas trouvé une façon efficace d’exiger que ces géants participent à l’économie du pays. Jusqu’à ce qu’on trouve la recette magique, dans l’intérim, permettez-moi de vous suggérer une méthode simple pour rapatrier une partie de l’argent des commandites et le remettre dans les poches des journaux.

À compter du 1er janvier 2020, toute dépense publicitaire faite à l’extérieur du pays ne serait plus déductible comme dépense pour l’entreprise. Les revenus de publicité qui reviendraient aux journaux leur procureraient l’oxygène dont ils ont tant besoin, jusqu’à ce qu’on arrive à trouver la façon de taxer les Google et Facebook de ce monde, comme les entreprises canadiennes le sont.

Il faut agir rapidement, car l’information fournie par nos journaux fait partie intégrante de notre démocratie. J’espère que la commission parlementaire sur l’avenir des médias trouvera le moyen de les sauver.

— Gilles Rochon, Boucherville

Droits de reproduction

Commençons par exiger des droits de reproduction sur le contenu produit par nos propres médias. Les GAFA utilisent vos informations, votre travail, vos investissements en efforts, en créativité et en argent pour créer une plateforme adaptée à chaque pays… en s’appropriant celle-ci sans redevances. C’est du piratage de droits d’auteur. Non seulement nos gouvernants laissent ces « libertariens dans l’âme » faire de l’évitement fiscal, mais ils permettent aussi aux GAFA de voler les efforts de médias légitimes, efforts qui ont un coût, une valeur financière et sociale, permettant ainsi à ces pirates de s’accaparer des profits qui auraient dû revenir à ces médias producteurs de nouvelles locales. Par leur inaction, les gouvernants autorisent les GAFA à ne pas fournir leur part comme tout citoyen corporatif décent.

C’est beau, l’idée d’aider les médias ; je donne moi-même le double de ce que je payais auparavant pour La Presse (version imprimée). Oui, il faut sensibiliser davantage les lecteurs à fournir leur part, mais il faut surtout créer un environnement équitable de production de contenu couplé à un environnement fiscal juste, c’est-à-dire encadrer les GAFA… et le virage libertarien de cette approche entrepreneuriale. Il faut aussi réglementer l’utilisation de nos informations personnelles, ce qui est à la base du modèle d’affaires des GAFA, source de leurs profits mirobolants aux dépens de nos libertés individuelles et du nivellement culturel.

— Jacques Béland

Bloquer l’accès au contenu

Les médias traditionnels se plaignent que leurs textes se trouvent sur Facebook et compagnie et qu’ils ne reçoivent pas de revenu pour cette réutilisation. Cependant, il n’est jamais question de bloquer l’accès de Facebook à leur contenu. Si La Presse+ voulait interdire mon accès à leur excellent journal, on pourrait refuser de le transmettre à l’adresse IP de mon iPad, et je ne pourrais plus lire les articles. Pourquoi ne pas faire la même chose avec Facebook et Google ?

— Marc Blancval, Joliette

Des entreprises immorales

Les géants des médias sociaux tels que Facebook, Twitter, Google qui sont des diffuseurs d’information (pas Amazon, eBay, Etsy, Apple) doivent être responsabilisés, car leur modèle d’affaires siphonne les revenus des vrais médias. Une taxe sur le lectorat serait appropriée.

Il est évident que ces géants participent activement à la diffusion de propagande et autres informations fausses en amplifiant des faits non fondés tout en récoltant des sommes astronomiques. Ces entreprises sont immorales et minent la société.

Taxez, puis redistribuez l’argent dans le but de rétablir l’équilibre ou encore imposez une responsabilité de contenu en ouvrant la porte aux poursuites pour diffamation quand un auteur publie des faussetés sur Facebook ou Twitter… Qu’on responsabilise ces géants immoraux.

— Michel Desmarais

Le journalisme a un prix

J’étais un abonné de La Presse en version papier. Lorsque le quotidien a cessé la version écrite, je suis devenu un adepte de La Presse+. À compter de ce moment, tout est devenu gratuit. Pourquoi ?

Tous les journaux sont maintenant accessibles sur les plateformes numériques, et ce, gratuitement. Pourquoi en être arrivé là ? Les journaux n’ont-ils pas été les artisans de leur propre malheur ?

Si les journaux veulent vraiment s’en sortir, ils doivent se concerter et rendre les publications numériques payantes. La survie de nos journaux en dépend. Nous désirons du journalisme de qualité ? Cela a un prix. Le consommateur doit en assumer les frais.

— Marcel Samson, Sherbrooke

Quelques mesures concrètes

Au lieu de parler vaguement de « taxes » imposées aux GAFA, imaginons des mesures concrètes qui pourraient être mises en place rapidement.

1) Ne pas permettre aux entreprises canadiennes de déduire de leurs revenus les dépenses publicitaires faites dans des médias étrangers (comme on l’a fait jadis pour les magazines). Ça forcerait les entreprises à choisir des sites web canadiens.

Et, comme pour les magazines, les sites web devraient alors faire la preuve que leur contenu est principalement canadien (c’est-à-dire produit ici par des citoyens canadiens). Facebook, Google News ou Apple News pourraient bien sûr lancer des filiales canadiennes (comme l’a fait le Huffington Post), mais elles devraient alors s’assurer de fournir du contenu canadien, ce qui les amènerait à négocier avec les fournisseurs d’info et mieux payer leurs fournisseurs.

2) Imposer, selon le modèle proposé par la France, une redevance sur le chiffre d’affaires au Canada de ces agences de pub étrangères (car la vente de pub, c’est la vraie business de Google et de Facebook), laquelle redevance pourrait être utilisée ensuite pour financer la production canadienne (information et production culturelle). 

L’avantage, c’est que cette « taxe » ne serait pas refilée directement aux consommateurs web (les services de Google et de Facebook sont gratuits), mais que ces entreprises les refileraient à leurs clients, les acheteurs de pub. Cela rendrait plus chères les pubs placées sur ces sites internationaux, au profit des sites web locaux.

Présentement, Google et Facebook font du véritable dumping : leurs pubs sur le web sont beaucoup moins chères que les pubs vendues directement par les sites locaux.

— Pierre Sormany