On a longtemps parlé du phénomène de deux Québec dans un. Celui qui mettait en opposition Montréal avec le Québec des régions. Le Québec est aujourd'hui beaucoup plus complexe. Comme l'a bien exprimé le sondage CROP-La Presse diffusé cette fin de semaine, on réalise que notre société est bel et bien plus fragmentée que jamais. Ses lignes de fracture sont d'ailleurs multiples. Elles vont bien au-delà des clivages traditionnels.

En 40 ans, les Québécois sont passés du rêve du grand soir de l'indépendance à un grand éclatement. Il fut une époque où les partis se ressemblaient sur bien des aspects et où leur distinction résidait principalement dans la question du statut du Québec. Or, c'est loin d'être la seule question qui justifie le choix politique des électeurs d'aujourd'hui.

Ces dernières années, des débats portant sur l'identité ont notamment été mis à l'avant-scène par la Charte des valeurs.

Le débat entre les carrés rouges et les carrés verts lors de la dernière crise étudiante fut également structurant.

Ce dernier avait pour toile de fond l'équité intergénérationnelle et une remise en question du niveau d'intervention de l'État.

De tels débats ont politiquement socialisé les nouvelles générations. Cela a conditionné leur façon de voir l'avenir, leur cadre de référence politique. Pour leurs aînés, ce sont plutôt les grands débats constitutionnels qui ont joué ce rôle. Ce changement a permis de donner naissance à un Québec politiquement pluriel, plus éclaté politiquement.

On peut être régionaliste de gauche, souverainiste, identitaire ou encore anti-élite, montréalais, fédéraliste de droite. On peut être nationaliste au centre, tout en étant écolo. Bref, toutes les permutations de ces options, et de bien d'autres, constituent des éléments qui peuvent nous aider à comprendre les électeurs. Le bipartisme s'est transformé en multipartisme. N'en déplaise à certains, la diversité électorale s'impose peu à peu. On observe un éclatement des identités politiques. Au-delà des grandes idéologies, la politique à la carte a la cote.

LE MALAISE DES PARTIS POLITIQUES

Dans ce nouvel univers, les partis politiques se cherchent. La nouvelle réalité leur demande de s'adapter, ce qui est particulièrement difficile. Ils ont perdu leurs repères, leur boussole. En cette fin de session, le malaise semble d'autant plus évident. Tout le monde veut s'assurer d'avoir une place dans les discussions du temps des Fêtes, mais le positionnement de chacun des partis représentés à l'Assemblée nationale apparaît nébuleux.

Les libéraux de la rigueur sont devenus les libéraux de la justice sociale qui souhaitent rouvrir le débat constitutionnel. Le PQ de Jean-François Lisée veut converger avec Québec solidaire, tout en faisant des gains auprès de l'électorat caquiste. La Coalition avenir Québec pense rompre avec ses racines adéquistes en pigeant dans le Fonds des générations pour baisser les tarifs et les impôts de la classe moyenne. Chez Québec solidaire, ce sont davantage ses électeurs qui causent des maux de tête. Ils sont plus à gauche et inclusifs que souverainistes.

Il ne faut donc pas se surprendre de la sortie pour un changement du mode de scrutin.

Le Parti québécois, la Coalition avenir Québec, Québec solidaire, le Parti vert du Québec et Option nationale sont venus appuyer une proposition portée depuis longtemps par le Mouvement démocratie nouvelle. Il s'agit d'une initiative transpartisane aussi rare que positive. Elle s'appuie d'ailleurs sur les travaux réalisés il y a quelques années par un gouvernement libéral.

Ce Québec devenu davantage pluriel rend quasi impossible pour un parti de satisfaire tous les espoirs des électeurs. Quasi impossible mais pas impossible. Les libéraux fédéraux de Justin Trudeau sont parvenus à canaliser le vote du changement et à acquérir une vaste majorité de sièges en 2015. Justin Trudeau avait su mobiliser l'espoir. En cette fin d'année 2016, lui aussi semble malheureusement oublier certains de ses engagements phares, notamment en matière de réforme électorale. Si cela se confirmait, la désillusion n'en serait que plus grande.

Une modification du processus démocratique ne représente pas une potion magique. Elle peut en revanche assurer une meilleure représentation. Il s'agit d'une médecine douce, mais d'une médecine tout de même qui contribuerait à diminuer le cynisme ambiant. Cela permettrait aussi au Québec pluriel de s'exprimer plus fidèlement. En prenant acte de la fragmentation de l'électorat québécois, une telle réforme permettrait d'établir de nouveaux dialogues politiques sur des bases nouvelles.

Plus que jamais, les différents Québec doivent être en mesure de débattre et d'échanger. Cela constitue la base d'une société mature politiquement, d'une société véritablement démocratique.