Qu’est-ce qu’on entend dans les rues de Paris ces jours-ci ? Des slogans de plus en plus hostiles et même violents contre le président Emmanuel Macron. Comme dans : « Louis XVI, Louis XVI, on l’a décapité. Macron, Macron, on peut recommencer. »

Ce serait du mauvais humour comme on en entend souvent dans les manifestations s’il n’avait pas été repris par des députés de La France insoumise. Pas très chic pour un parlementaire…

Qu’est-il arrivé au président Macron, lui qui avait été réélu en avril dernier, il y a juste un peu plus d’un an ? Une victoire assez facile d’ailleurs, avec 58,5 % des voix au deuxième tour.

Mais les premiers signaux de danger pour le président sont arrivés quelques mois plus tard, en juin, lors des élections législatives alors que son parti ne recueillait plus que 38,5 % des voix et perdait sa majorité à l’Assemblée nationale.

Très rapidement après sa deuxième et dernière élection comme président, M. Macron s’est retrouvé avec peu d’alliés et beaucoup de gens contre lui.

Aujourd’hui, c’est une réforme très impopulaire des retraites qui plombe la popularité du président. Elle avait dû être abandonnée pendant le premier mandat – la COVID-19 a eu le dos large. Mais, alors qu’il était évident qu’il allait ramener la réforme dans son second mandat, M. Macron a choisi de ne pas tellement en parler pendant la campagne électorale, préférant dire qu’il « était prêt à bouger ».

En fait, il était trop occupé à dramatiser les conséquences d’une victoire de son adversaire, Marine Le Pen, cheffe du Rassemblement national, un parti d’extrême droite. Avec le résultat que l’on connaît.

Des analystes français qui examinent la situation du président Macron disent qu’il a reçu un mandat d’exclusion plutôt qu’un mandat d’adhésion. C’est-à-dire qu’il a invité les électeurs à dire qu’ils ne voulaient pas de Mme Le Pen comme présidente, mais qu’il n’a pas obtenu un mandat fort pour réaliser son programme. D’où une victoire à court terme, qui laisse entrevoir un mandat difficile pour les quatre années qui restent.

PHOTO JUSTIN TANG, LA PRESSE CANADIENNE

Justin Trudeau au congrès du Parti libéral du Canada, à Ottawa, le 4 mai

Ce qui nous amène à Justin Trudeau et au ton des discours qu’on a entendus au congrès du Parti libéral du Canada, qui a eu lieu la fin de semaine dernière.

On y a passé beaucoup, beaucoup de temps à parler du chef conservateur, Pierre Poilievre, et à le dépeindre comme un partisan d’une droite musclée à la Donald Trump. C’est le premier ministre qui s’en est chargé lui-même dans son discours de jeudi soir.

C’est facile devant un auditoire partisan, mais ce sera plus compliqué en campagne électorale et particulièrement à un débat des chefs quand M. Poilievre pourra lui répondre directement.

On ne compte plus le nombre de négligés qui ont su renverser la tendance en montrant qu’ils n’étaient pas du tout le choix risqué qu’on avait essayé de dépeindre.

Les libéraux devraient le savoir, c’est exactement comme cela que Stephen Harper est devenu premier ministre. Ils avaient tout fait pour lui donner une image d’extrémiste alors qu’il est apparu tout à fait raisonnable pendant la campagne électorale, et encore plus devant un premier ministre libéral, Paul Martin, qui devait porter le lourd héritage du scandale des commandites.

Justin Trudeau, en 2015, a aussi profité d’une campagne de dénigrement que le gouvernement conservateur avait commencée dès son élection comme chef libéral. Les attentes étaient très basses et M. Trudeau n’a pas eu trop de mal à les excéder.

Mais, maintenant, après une décennie au pouvoir, c’est M. Trudeau qui devra défendre l’héritage de ses années au pouvoir, possiblement dans le contexte d’une récession. Ce qui veut souvent dire passer le plus clair de la campagne électorale sur la défensive.

Évidemment, il lui est toujours possible de tenter de faire une campagne d’adhésion, de proposer des projets dans lesquels les citoyens vont se reconnaître, mais après 10 ans au pouvoir et une pandémie qui a coûté cher, il n’y a plus beaucoup d’idées… ni d’argent dans les coffres.

C’est pourquoi il est beaucoup plus facile d’attaquer Pierre Poilievre, d’autant que ce dernier a la fâcheuse manie de se mettre les pieds dans les plats.

Comme le disent certains de ses députés, « il est capable du meilleur comme du pire. Souvent dans la même journée ». Mais il a les qualités de ses défauts : quand il attaque, il n’y va pas à moitié et, souvent, ses attaques portent. Il serait bien imprudent pour ses adversaires de sous-estimer sa capacité de trouver la faille qu’il pourra exploiter chez ses adversaires.

Mais le plus grand danger, c’est encore celui qui guette le gouvernement : de penser qu’il suffira de diaboliser l’adversaire pour gagner un autre mandat. Chose certaine, quand on voit le ton employé lors du dernier congrès libéral, on peut penser que c’est maintenant la stratégie.

Juste au cas où il serait tenté par cette option, M. Trudeau devrait passer un coup de fil à son ami M. Macron.