Cette semaine se terminaient les très courts travaux de la commission parlementaire sur le projet de loi 16 portant sur la réforme de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme. Je vous avais déjà entretenu de l’importance cruciale de cette réforme1.

Au moment de son dépôt, le projet de loi avait déçu par son manque d’ambition2. Lors des audiences de la commission, les propositions d’amélioration ont été nombreuses. Permettez-moi de vous en présenter trois particulièrement importantes.

Amélioration n1 : préciser l’objectif

L’actuelle Loi sur l’aménagement et l’urbanisme est une loi de nature procédurale. Elle détaille les règles à appliquer pour atteindre un objectif. Dans le contexte de l’aménagement du territoire et de l’urgence climatique, il faut aller plus loin et inscrire des objectifs directement dans la loi. Pourquoi ? Parce que notre vision traditionnelle du territoire est la faille principale de nos mécanismes d’aménagement.

Encore aujourd’hui, le territoire est conçu comme un espace à « développer », sans arrimage avec une vision d’ensemble, parfois même sans préoccupation pour l’intérêt collectif. Pourtant, une vision moderne du développement existe : le gouvernement du Québec vient d’adopter une Politique nationale de l’architecture et de l’aménagement du territoire3. Cette politique fait consensus et représente la vision dont nous avons besoin.

En intégrant cette politique à la loi, ou à tout le moins en en intégrant les principes dans un préambule, le gouvernement transformerait une loi un peu mécanique en vraie vision à long terme, une vision qui encadrerait plus strictement le travail des fonctionnaires à Québec comme celui des autorités locales et qui aurait plus de chance de survivre aux changements de gouvernement. Quand la loi est floue, la nature s’en sort rarement bien, il est donc important de la rendre plus précise.

Amélioration n2 : l’exemplarité de l’État

Quand l’État construit une école le long d’une autoroute, un hôpital loin du transport en commun ou une SAAQ dans de vastes ensembles commerciaux, loin des rues d’ambiance, il ne respecte pas ses propres principes. Le projet de loi devrait faire deux choses : affirmer clairement cette volonté d’exemplarité et nommer un ministre qui en serait garant. Le ministre de la Santé, par exemple, peut exiger de ses collègues qu’ils adaptent leur législation aux impératifs de santé de la population : il faut faire de même pour l’aménagement du territoire.

Par ailleurs, le gouvernement du Québec devrait inclure un mécanisme pour que la loi influence également les décisions du gouvernement fédéral. Petit exemple. Le bureau de poste près de chez moi a été déménagé du cœur du quartier à une rue commerciale périphérique où il faut aller en voiture. C’est faire le contraire du bon sens. L’exemplarité devrait aussi être fédérale.

Amélioration n3 : un meilleur bilan

Le projet de loi institue un bilan national de l’aménagement du territoire. C’est une avancée majeure. Pour la première fois, nous aurons un portrait complet de nos succès et de nos échecs dans le domaine. Il y a toutefois trois corrections à apporter.

La première est que le bilan serait pour l’instant quinquennal. Pour des indicateurs comme la densité des villes, un bilan sur cinq ans suffira. Pour des indicateurs comme l’évaluation des espaces naturels détruits ou encore le nombre de logements abordables construits, le délai est beaucoup trop long. Il pourrait y avoir un bilan global aux cinq ans, mais aussi des bilans de mi-parcours sur certains indicateurs stratégiques.

La deuxième correction nécessaire est sur l’objet du bilan. Le gouvernement fera le bilan de quoi ? Ce n’est pas précisé pour l’instant. L’ajout dans le projet de loi d’un préambule aiderait à établir clairement les objectifs nationaux à atteindre.

La troisième correction porte sur qui fera le bilan. La loi prévoit que le gouvernement le fasse lui-même. C’est une erreur. Il faudrait une instance indépendante, peut-être un regroupement de chercheurs, qui assurerait le suivi du bilan national, formulerait des recommandations, stimulerait ainsi le débat public et ferait connaître les meilleures pratiques en aménagement et en urbanisme. Notre environnement mérite ça.

L’Union des municipalités du Québec s’inquiète de la lourdeur administrative d’un bilan plus fréquent pour les villes. Au risque de froisser quelques amis, je dirais que nous avons intérêt à ce que les villes documentent leurs actions en matière d’environnement, et ce, régulièrement. Elles sont loin d’être sans tache en la matière, l’investissement en vaut la peine.

Avec le contenu actuel de ce projet de loi, nous sommes loin du « désormais » que souhaitaient plusieurs acteurs de la société civile. Il n’est pas trop tard pour bien faire. Les prochaines semaines nous diront si nous aurons l’ambition qu’exige notre époque climatiquement troublée.

1. Lisez la chronique « Occasion à ne pas rater » 2. Lisez l’article « Aménagement du territoire : le “manque d’ambition” du gouvernement Legault dénoncé » 3. Lisez l’article « Une première politique d’architecture et d’aménagement du territoire »