Alignez les mesures sur l’avortement les plus délirantes des États américains dirigés par des républicains, et convainquez-moi qu’on ne frise pas le fascisme.

Très généralement dirigés par des mâles caucasiens, les gouvernements de plusieurs États rivalisent de créativité pour interdire et criminaliser l’avortement sous toutes ses formes.

Tels des Fils de Jacob dans la république de Gilead, de l’œuvre de Margaret Atwood La servante écarlate, ils s’approprient littéralement le contrôle du corps des femmes, et veulent régenter leur fécondité.

Cette activité frénétique découle évidemment de la décision de la Cour suprême américaine d’invalider l’arrêt Roe c. Wade, qui protégeait ce droit d’avorter à la grandeur du pays depuis 1973.

Un recul de 50 ans ! Faut vraiment le faire.

Les trois rongeux de balustres nouvellement nommés juges à cette Cour, pendant le mandat de Trump, livrent la marchandise d’arriérés tel que prévu.

Depuis, c’est le party pour les élus et juges religieux, conservateurs et rétrogrades.

La dernière connerie en date, dans la thématique, vient d’un juge fédéral, Matthew Kacsmaryk, qui ne manque sûrement jamais sa basse messe quotidienne, et qui, la semaine dernière, a interdit la vente des pilules abortives aux États-Unis.

Pour mieux illustrer mon propos, je vous fais une courte liste de certaines décisions ou propositions les plus folles raides, dans certains États.

– En Caroline du Sud, les républicains ont proposé qu’une femme qui se fait avorter soit considérée comme une meurtrière, et que son geste soit punissable de la peine de mort.

– En Idaho, où pratiquement tous les cas d’avortement sont déjà illégaux, on vient de voter une loi (abortion trafficking) qui punit jusqu’à cinq ans de prison toute personne aidant une mineure à quitter l’État pour se faire avorter, ou à obtenir une médication à cette fin, sans le consentement des parents.

– Au Texas, où l’avortement est déjà illégal dans tous les cas de figure, de nouvelles règles proposées feraient que quiconque procéderait à un avortement commettrait un crime punissable de la prison à vie.

Et le fait de rendre disponible sur l’internet toute information concertant l’accès à l’avortement, ou à la pilule abortive, serait également criminalisé.

– En Iowa, dans les cas de viol, l’État prenait soin de la victime et payait pour les soins médicaux, les examens pour en faire la preuve ainsi que les soins pour éviter la transmission d’infections. Mais la nouvelle Attorney General, une femme républicaine récemment élue, a mis la hache dans tous ces frais.

– Au Wisconsin, des élus républicains ont proposé une loi pour permettre l’avortement dans les cas de viol, d’inceste ou de grave danger pour la santé de la femme enceinte. Ils sont restés collés avec leur texte, trop peu de leurs propres collègues ayant voté en sa faveur.

– En Floride, Ron DeSantis, qui voudra faire le dur avec des biceps bien luisants pour courtiser les conservateurs dans la primaire républicaine, s’aligne pour faire voter une loi interdisant l’avortement après six semaines.

Jusqu’à maintenant, 11 États ont dans les faits aboli l’avortement, alors que plusieurs autres tentent d’en restreindre l’accès.

J’ose me donner une marge d’erreur, parce que la documentation existante et son interprétation donnent difficilement un portrait complet pour chaque État.

La prochaine cible de ces fous de la droite sera peut-être la contraception, comme la pilule du lendemain, et quoi d’autre tant qu’à y être…

Peut-être que je ne vous apprends rien avec cette énumération.

Vrai que lorsqu’on prend connaissance de ces informations de façon dispersée dans le temps, on se dit qu’ils sont timbrés, ces Américains, et on pourrait malheureusement s’y habituer.

Cette idée de les aligner m’est venue en lisant Questions brûlantes, le dernier livre de Margaret Atwood.

Elle y explique que dans ce récit dystopique qu’est La servante écarlate, bien que l’histoire semble invraisemblable, elle s’est interdit d’inventer quoi que ce soit dont on n’aurait pas fait l’expérience sur cette terre.

D’où mon déclic sur les mesures antiavortement aux États-Unis, qui nous semblent, vues d’ici, tout autant invraisemblables.

Mises ensemble, ces législations obscurantistes donnent une bonne idée de la mentalité de fossilisés d’une partie des habitants et des dirigeants de ce pays.

Mais surtout, elles pourraient donner un avant-goût de la capacité potentielle de certains États américains de rétropédaler socialement, s’ils en avaient la capacité, et de ramener leur population à une époque 2.0 des sorcières de Salem.

Je sais, j’exagère, mais il y a des degrés au fascisme. Pensez à la Turquie, en principe démocratique. Quand on constate cet élan rétrograde chez nos voisins, on se dit qu’ils sont rendus quelque part dans l’échelle facho.

Entre nous

Parlant de lecture, pendant les 15-20 dernières années, incluant la mairie de Québec, tout en lisant constamment, je m’en tenais à peu près à un seul roman par année. Parce que je suis un lecteur « plate », pas capable d’embarquer dans une histoire imaginaire. Et justement, La servante écarlate n’a pas été facile pour moi…

Mais la retraite aidant, j’en suis à mon quatrième dans la dernière année. Mes médicaments font visiblement effet.

Je suis même passé au travers d’Anéantir de Michel Houellebecq. Faut être dangereusement sur les calmants !

J’ai soumis mon tourment à mon libraire, qui m’a suggéré L’homme qui aimait les chiens, du Cubain Leonardo Padura, paru il y a un bout.

J’ai adoré. L’histoire, en parallèle, de Trostky dans son errance post-URSS, et de Ramón Mercader, son assassin.

Lisez « The Abortion Ban Backlash Is Starting to Freak Out Republicans » (en anglais avec abonnement) Lisez « Where State Abortion Laws Stand Without Roe » (en anglais) Lisez « Idaho Becomes One of the Most Extreme Anti-Abortion States with Law Restricting Travel for Abortions » (en anglais) Lisez « Texas Republicans Try to Break the Internet to Deny Women Abortions » Lisez « Iowa Won’t Pay For Rape Victims’ Abortions or Contraceptives » (en anglais)