Lundi matin, la première nouvelle que j’ai vue passer sur mon fil, c’est celle qui disait que le gouvernement du Québec avait enfin, après 13 ans, mis à jour sa liste des espèces menacées ou vulnérables. Notre gouvernement ajoutera donc 27 nouvelles espèces vivantes à cette liste.

Bien. Une liste. Des noms d’animaux, d’insectes et d’oiseaux sur du papier.

Mardi, à l’ouverture de la COP15, ce même gouvernement annonçait un « Plan nature » de 650 millions de dollars sur sept ans, de nouvelles aires protégées pour atteindre les 30 % de protection avant 2030 ainsi que des consultations auprès des organismes de conservation, de la société civile et des communautés autochtones. Ah oui, et auprès des entreprises privées également.

Mieux. Ce qui me plaît le plus dans tout ça, ce sont les consultations. Ceux qui vivent ou travaillent directement avec le territoire savent davantage, désolée de le dire.

En espérant que ces consultations seront réelles et auront du poids sur les actions à entreprendre. Ça, j’en suis moins certaine. C’est que les Premiers Peuples ont déjà joué dans le film des consultations à maintes reprises, sans grand succès. Pardonnez mon cynisme.

Le fond du problème, lui ?

Pour vraiment arriver à des résultats lors de cette COP15, il m’apparaît évident qu’il faut accepter de changer les règles du jeu. Or, on jouera toujours au même jeu au lendemain de l’évènement, un jeu du grand C avec un même but : une croissance continue. Pendant l’exercice, on resserrera sans doute les règles pour mieux les assouplir par la suite en ratifiant un accord qu’on pourra, ou non, respecter.

Vous vous souvenez de l’accord de Paris ? Le Canada, comme les autres pays signataires, décide lui-même des cibles à atteindre, des cibles qu’il n’est pas dans l’obligation de respecter. Des cibles non contraignantes. Déjà plusieurs pays ont confirmé qu’ils n’atteindront pas leurs cibles. On assouplit les règles à un point tel qu’on n’a plus d’obligation de résultat, alors qu’est-ce que ça donne ?

Le Canada, lui, se classe toujours parmi les pays les plus pollueurs par habitant et obtient un D sur son bulletin.

Alors, qu’est-ce que changera un possible accord de Montréal sur la biodiversité si on n’est pas tenu de le respecter ?

J’ai réellement l’impression que beaucoup d’entre nous, nos dirigeants inclus, ont perdu contact avec la nature.

Dans le dernier siècle, il y a une coupure, une coupure lente qui nous a écartés du territoire comme un fossé qui s’est placé insidieusement entre nous et les animaux, végétaux et écosystèmes.

Alors, je ne sais pas comment on peut prendre de bonnes décisions quand on ne sait plus. Ou quand on sait juste sur papier, sur des listes et pas avec le cœur. Quand on n’a jamais senti le battement de la terre. Quand le territoire ne nous a pas appris l’humilité et le respect. Qui plus est, comment prendre les bonnes décisions quand on est à la tête d’un pays dont tout le système est basé sur une croissance économique constante, un pays qui n’offre pas d’autres modèles ? Je ne sais pas.

Prenez l’exemple des caribous. Ils ne sont pas sur la liste du Québec. Ils sont pourtant clairement menacés. Les Innus, les Naskapis, les Cris et les Inuits n’ont clairement pas besoin de statistiques pour le comprendre. Ils n’ont qu’à regarder les rivières où nageait autrefois cet animal majestueux, à se promener dans les forêts. Mais protéger les caribous, réellement je veux dire, passe par la protection des habitats. Et une protection efficace pour les caribous, ça veut dire de stopper les activités forestières, minières ou industrielles qui viendraient perturber leur maison. Alors la question qui se pose : est-ce trop dérangeant pour notre société et nos modèles économiques de protéger les caribous ?

Et quand c’est une autre espèce, puis une autre ? Trop dérangeant à nouveau, alors on ne fait rien ?

Jusqu’à quand peut-on regarder ailleurs ainsi ?

Au moment d’écrire où j’écris ces lignes, Justin Trudeau annonce un investissement de 800 millions de dollars pour quatre projets de conservation gérés par les peuples autochtones dans le nord-ouest du pays. Rien sur le territoire du Québec. Dommage. Mais pas surprise.

On aurait dû écouter les Autochtones il y a plusieurs décennies déjà. On devrait écouter ceux qui savent de quoi ils parlent, qui ont ce lien sacré avec la terre mère. Ceux qui au lieu de tenter de le dominer, vivent avec le territoire depuis 10 000 ans au moins ici, beaucoup plus longtemps ailleurs en Amérique. Ils ont peut-être, eux, de réelles solutions ancrées dans un mode de vie millénaire. Ceux qui ont appris à prendre des décisions en fonction des sept générations à venir. Ceux qu’on a vus comme étant inférieurs parce qu’ils n’avaient pas « dominé » les ressources sur leur territoire. Ceux à qui ont a pris ce territoire. On n’en serait pas là si on avait essayé de comprendre au lieu de juger. On devrait peut-être apprendre, maintenant, à écouter. À faire l’effort de partager les pouvoirs avec ceux qui savent. On en serait tous, au bout du compte, gagnants.