Ça n’arrive quand même pas tous les jours : la Cour suprême du Royaume-Uni qui cite un arrêt de la Cour suprême du Canada. Sur la question de la souveraineté du Québec, en plus.

Mais, malheureusement pour les indépendantistes écossais, la haute cour britannique a oublié de lire le jugement au complet. Et elle y aurait découvert une opinion bien plus nuancée que celle qu’elle vient d’émettre.

Dans cette décision assez brève (34 pages) annoncée mercredi, la Cour suprême de Londres ferme la porte à un nouveau référendum sur l’indépendance de l’Écosse, à moins d’une entente préalable avec Londres. Une entente autant sur la question que sur la réponse éventuelle du gouvernement britannique en cas d’un oui, comme ce fut le cas en 2014.

Citant la Cour suprême du Canada, elle dit que l’Écosse — comme le Québec — n’a pas le droit à une déclaration unilatérale d’indépendance puisqu’elle n’est pas un peuple colonisé ou opprimé et qu’elle n’aurait pas de gouvernement qui leur permette de poursuivre ses objectifs de développement.

Fin du jugement, la porte est verrouillée à moins d’un accord avec le gouvernement de Londres — là où pas moins de quatre premiers ministres consécutifs ont refusé, estimant qu’un référendum doit être un événement exceptionnel qui ne peut se tenir qu’une fois par génération.

Là où les souverainistes écossais doivent envier les Québécois, c’est dans le reste de la décision de la Cour suprême du Canada sur la souveraineté en 1998. Celle que les juges britanniques ont choisi d’ignorer.

Dans le Renvoi relatif à la sécession du Québec, il est vrai que leurs collègues canadiens avaient dit qu’une déclaration unilatérale de sécession du Québec serait illégale. Mais ils avaient ajouté qu’il y avait aussi un principe tout aussi important que la stricte légalité : la démocratie.

Un référendum — avec « une réponse claire à une question claire » — ne peut être tout simplement ignoré par les autres partenaires canadiens. Cela oblige donc à des négociations constitutionnelles. On ne garantit pas les résultats, mais ça oblige tout le monde à se parler.

Les indépendantistes écossais, qui voudraient tenir un nouveau référendum, adoreraient sans doute s’être fait dire la même chose. Ils croient que le Brexit a changé la donne puisque les Écossais sont très favorables à l’Union européenne et voudraient y revenir. Cela dit, les sondages disent encore que le Non l’emporterait si un référendum avait lieu maintenant.

Mais revenons à la décision de la Cour suprême du Canada en 1998. Il faut se reporter à l’époque, peu après le référendum de 1995, quand le gouvernement Chrétien mettait de l’avant le « Plan B ». L’approche dure pour empêcher un autre référendum québécois. Avec la Loi sur la clarté et un renvoi à la Cour suprême en croyant se faire confirmer qu’un autre référendum serait illégal.

À la sortie de la Cour, les représentants du gouvernement, le ministre Stéphane Dion en tête, affirmaient que c’était une victoire sur toute la ligne pour les fédéralistes. Ce n’est qu’un peu plus tard dans la journée, quand ils ont pris le temps de lire le jugement — un document volumineux décliné en 156 paragraphes bien tassés — qu’ils ont découvert que ce n’était pas aussi simple que ça.

En fait, la Cour suprême venait d’enlever l’un des principaux arguments des fédéralistes, soit qu’après un référendum gagnant pour les souverainistes, le Canada n’avait qu’à en ignorer le résultat.

En 1980, lors du premier référendum, le premier ministre Pierre Trudeau avait même dit que ce serait exactement comme si « Cuba ou Haïti » avaient tenu un référendum pour se joindre au Canada, qui n’était pas obligé d’en discuter.

Cet argument avait été important dans le débat et le gouvernement Chrétien — tout comme le gouvernement britannique d’aujourd’hui — voulait bien établir que le référendum serait reçu comme n’ayant aucune valeur.

« L’ordre constitutionnel canadien existant ne pourrait pas demeurer indifférent devant l’expression claire, par une majorité claire de Québécois, de leur volonté de ne plus faire partie du Canada », avait affirmé la Cour suprême.

Encore une fois, les indépendantistes écossais ne peuvent que rêver à une telle ouverture de leurs tribunaux.

Mais comme les voies sont rarement en sens unique en politique, les souverainistes québécois devraient prendre note de l’entente politique de 2014 en Écosse.

La question était directe et sa formulation avait été acceptée tant par le Parlement de Londres que par celui d’Édimbourg : « L’Écosse devrait-elle être un pays indépendant ? »

De même, la majorité requise avait été établie d’avance : la majorité absolue, 50 % des votes exprimés plus un. Le gouvernement britannique acceptait d’avance ce résultat.

Ce serait une démarche intéressante et souhaitable s’il devait y avoir un troisième référendum sur la souveraineté du Québec. Cela enlèverait une grande partie de l’incertitude qui pourrait suivre un résultat positif.

Et, en plus de l’échange de bons procédés entre l’Écosse et le Québec, l’esprit de la décision de la Cour suprême du Canada pourrait certainement être invoqué à l’appui d’une telle démarche.