La démission de Dominique Anglade est sans doute la nouvelle la moins surprenante de cette période post-électorale. Le Parti libéral du Québec (PLQ) est le véritable « parti qui mange ses chefs », celui qui ne donne jamais une deuxième chance à ceux qui ont le malheur de perdre une élection.

À part Jean Charest, qui avait «gagné» le vote populaire contre Lucien Bouchard en 1998, il faut remonter à Georges-Émile Lapalme (en 1956 !) pour trouver un chef libéral qui ait survécu à une première défaite. Le PLQ est un parti de gouvernement qui ne voit aucun avantage à aller se ressourcer dans l’opposition. C’est le parti du « gagne ou meurs » !

Il faut dire que Mme Anglade ne l’a pas eu facile. La classe qu’elle a démontrée dans l’annonce de son départ contraste fortement avec ce qu’elle a appelé « les intrigues internes » qui étaient très pressés de lui enlever tout espoir de conserver son poste. Il y a, au sein du PLQ, une ligue du vieux poêle qui passe plus de temps à critiquer qu’à travailler, mais qui est très influente. Ce n’est pas la première fois qu’on peut le constater.

Mais les problèmes de Mme Anglade remontent à beaucoup plus loin. Sa course à la direction, qui doit normalement servir de rampe de lancement – tant sur le plan du renouveau de l’effectif que sur celui des idées – lui aura été volée par la pandémie.

Tant et si bien que son adversaire s’est désisté bien avant le congrès, comme si personne d’autre que Mme Anglade ne voulait du poste.

Une part importante des problèmes de Mme Anglade viennent de cette situation. Mais il est clair que le travail de terrain qui aurait dû être entrepris ne l’a pas été, avec le résultat qu’au moment du déclenchement des élections, il n’y avait plus d’organisation libérale dans bien des circonscriptions.

Ensuite, la cheffe aura eu bien du mal à prendre sa place puisque la COVID-19 et ses suites ont fait en sorte que le premier ministre et le gouvernement ont pris toute la place et toute l’attention médiatique.

Cela dit, elle doit aussi prendre sa part de blâme pour la défaite historique du Parti libéral aux élections du 3 octobre, le pire résultat de son histoire. Mme Anglade a présenté une plateforme électorale désincarnée et très loin des préoccupations des citoyens. Le projet d’hydrogène vert – probablement un carburant de l’avenir, mais si éloigné du quotidien des électeurs québécois, en a sans doute été le plus bel exemple.

Mais surtout, Mme Anglade ne semblait pas avoir de projet qu’elle portait dans ses tripes. Une sorte de signature qui allait la définir.

Même devant un gouvernement et un premier ministre qui jouaient sans la moindre gêne avec les peurs de l’immigration, elle n’a pas su incarner la réplique, elle dont toute la carrière est pourtant l’exemple même d’une intégration parfaitement réussie.

Mais le problème fondamental du Parti libéral du Québec demeure entier. C’est Mme Anglade elle-même qui l’a identifié dans son point de presse : Comment peut-il reconnecter avec la majorité francophone « tout en restant fidèle à [ses] valeurs ? »

Le Parti libéral a fait beaucoup de chemin à une époque qui est révolue et où il suffisait de dire le mot « référendum » pour gagner une élection, comme savait si bien le faire Jean Charest. Le temps de la division entre fédéralistes et souverainistes – qui a donné tant de victoires au PLQ – est définitivement terminé.

Ou, comme a dit très justement l’ancien chef par intérim du parti, Pierre Arcand, « dès que les enjeux sont identitaires, le PLQ se retrouve en difficulté ».

Un problème évident est que le caucus libéral – nécessairement très influent quand le parti est dans de l’opposition – est à majorité anglophone et sera plus enclin à défendre les intérêts des électeurs à qui ils doivent leur siège qu’à élargir le débat.

Mais si on regarde en avant, on peut croire que les électeurs, surtout les plus jeunes, ne sont pas aussi intéressés par un parti qui essaie constamment de diviser les Québécois et de jouer les groupes les uns contre les autres.

Les questions identitaires vont toujours rester importantes, mais elles ne seront sans doute plus aussi clivantes.

Entre temps, on sent déjà que le second mandat de la Coalition avenir Québec va ressembler au premier, la pandémie en moins. Avec l’environnement qui restera une préoccupation mineure.

Il pourrait bien y avoir beaucoup d’espace politique pour un parti de gouvernement – et le PLQ reste encore le seul à pouvoir revendiquer ce titre parmi les quatre partis de l’opposition – s’il est capable de parler avec compétence des changements climatiques. Et d’un modèle de développement économique qui accompagne, mais qui n’impose pas.

Sauf qu’avant d’élire un nouveau chef, il y a beaucoup de travail à faire au préalable. La priorité doit être de s’assurer qu’il y ait encore un Parti libéral et qu’il y ait autre chose que des « poteaux » dans les régions et les circonscriptions.

Parce que le passage de Mme Anglade à la direction du PLQ vient de le prouver : sans un parti présent partout, il ne pourra jamais espérer la victoire.

Rectificatif
Le texte a été modifié pour ajouter le nom de Jean Charest, un des rares chefs libéraux à avoir survécu à une première défaite électorale. M. Charest avait «gagné» le vote populaire contre Lucien Bouchard en 1998.