Si le nouvel indice d’anxiété financière nous permet de mieux comprendre le présent, il nous offre aussi de meilleures informations pour construire l’avenir.

Lors des nombreuses activités de la campagne de financement de Centraide, je mentionne toujours que la pandémie a touché plus durement les populations vulnérables. Les inégalités sociales se sont creusées au cours des dernières années et l’inflation galopante que nous connaissons en ce moment ne fait rien pour arranger les choses. Un Canadien sur cinq se prive déjà de manger pour affronter l’inflation, apprenions-nous la semaine dernière. Le résultat pour les personnes en situation de vulnérabilité : une plus grande anxiété économique.

L’« indice d’anxiété financière » dévoilé cette semaine par Centraide et la firme Léger nous présente, en ces temps incertains, des données concrètes sur le sentiment des Québécois par rapport à l’inflation. Il brosse un portrait préoccupant, en révélant notamment que 85 % des Québécois vivent de l’anxiété financière, de légère à extrême.

Une des situations les plus préoccupantes dans cet indice est le taux d’anxiété financière révélé chez les jeunes de 18 à 34 ans ; un sur trois craint de ne pas être en mesure de payer ses dépenses essentielles.

D’une part, nous constatons sur le terrain que les jeunes ne sont pas bien préparés afin de gérer leur situation financière. D’autre part, nous devons nous assurer de les garder à l’école puisqu’il y a un lien direct entre éducation et revenu futur. L’idée ici est de donner des outils aux jeunes afin d’assurer leur réussite éducative et sociale et ainsi contribuer à briser le cycle de la pauvreté. Ils peuvent compter sur plusieurs ressources au sein d’organismes communautaires, qu’il s’agisse de services d’écoute, d’aide ou de référence ou encore de littératie financière.

Parmi les réponses compilées dans le sondage, j’ai été particulièrement ébranlé de constater que les personnes avec des limitations fonctionnelles sont parmi celles qui sont le plus affectées par la situation économique. Elles sont préoccupées par leur capacité à se trouver un logement accessible et convenable et par la peur de ne pas avoir suffisamment d’argent pour leurs besoins essentiels et leur retraite.

Ces personnes et leur famille font de nombreux sacrifices en termes de revenus, de capacité à être disponible pour le travail, d’impact sur la carrière, etc. Quand vous êtes parent d’un enfant lourdement handicapé, par exemple, chaque journée vous réserve des surprises et des ajustements à l’horaire, que ce soit un jour de travail ou non.

Heureusement, plusieurs initiatives innovantes voient le jour, comme Finautonome, qui travaille à améliorer la santé financière et l’autonomie des personnes en situation de handicap et, vous l’aurez deviné, de leur famille. Handicap sans pauvreté, une initiative pancanadienne par et pour les personnes handicapées, travaille actuellement avec le gouvernement fédéral sur la Prestation canadienne pour les personnes en situation de handicap afin de leur assurer un revenu minimum décent. Lorsque le marché du travail est inaccessible pour plus de 20 % de cette population, comme nous le rappelle Ex æquo, un organisme de promotion et de défense des droits des personnes ayant une déficience motrice, ces personnes doivent alors se tourner vers des programmes sociaux alors qu’elles seraient disponibles pour le travail.

Les familles monoparentales

Sans surprise, l’indice nous révèle que les chefs de familles monoparentales – dont quatre sur cinq sont des femmes – ont un indice d’anxiété financière significativement plus élevé. Au-delà des enjeux comme le logement, ces personnes vivent un stress à l’idée de faire face à une dépense imprévue ou de devoir penser à leur retraite, puisque la charge du budget familial repose entièrement sur leurs épaules.

Je rencontre régulièrement des dirigeants d’organismes qui me parlent de la détresse vécue par ces familles. Du soutien existe grâce au milieu communautaire, que ce soit sur le plan de l’alimentation (dons de nourriture, cuisines collectives, achats groupés) ou sur celui du logement (défense des droits, accompagnement), mais aussi sous forme d’ateliers d’aide au budget et de stratégies pour réduire ses dettes. Ce travail se fait souvent dans l’ombre, loin de la reconnaissance qu’il mérite.

C’est le cumul de ces effets qui cause autant de détresse actuellement, d’où l’importance de travailler sur les causes de la pauvreté et de l’exclusion sociale.

Un outil pour l’avenir

Mesuré deux fois par an durant trois ans, l’indice d’anxiété financière servira de baromètre du sentiment de sécurité économique des Québécois. Il nous permettra d’évaluer notre efficacité, comme société, à soutenir les personnes en situation de vulnérabilité, que ce soit par nos programmes gouvernementaux ou par des actions comme celles soutenues par Centraide.

Voilà un geste qui mène à une meilleure compréhension commune des enjeux. Espérons qu’il agisse aussi comme un appel à tous les acteurs de changement à travailler ensemble, sur le long terme, afin d’améliorer le quotidien de nos concitoyens en situation de vulnérabilité.