Il semblerait que le gouvernement du Québec souhaite inviter des entreprises étrangères à s’établir au Québec, en leur offrant des contrats d’alimentation en électricité à bons prix.

Je ne doute pas une seconde que plusieurs entreprises étrangères souhaitent s’établir au Québec, contre la promesse d’un contrat d’énergie électrique en bonus. La bonne affaire ! Surtout en ces temps d’insécurité énergétique, amplifiés par la guerre en Ukraine, et la défaveur dont font l’objet les combustibles fossiles.

Le promoteur présumé de ce projet, le ministre Pierre Fitzgibbon, est un militant du développement économique au Québec. Et tant mieux pour nous. Son activisme et sa disponibilité donnent confiance, et sont appréciés des entrepreneurs d’ici. On comprend également la motivation du premier ministre Legault à développer notre économie, au lieu de gérer une pandémie. Ces ambitions sont bienvenues.

Mais faut-il pour autant être d’accord avec cette approche, qui semble à première vue médiévale, par rapport à l’évolution du Québec.

Je précise que j’ai jadis siégé au conseil d’administration d’Hydro-Québec.

Ma conception personnelle du développement économique se base sur la différence entre le développement endogène et le développement exogène. De bien grands mots, vous me direz, mais la théorie encadre et oriente la pratique.

Le développement économique endogène se crée avec l’interaction des acteurs du milieu. Des entrepreneurs, des financiers, des gestionnaires, des travailleurs, et tous les ingrédients disponibles sur place pour créer des entreprises et de la richesse. Le Groupe Canam, de Saint-Georges-de-Beauce, en serait un excellent exemple.

Le développement économique exogène, lui, en résumé, espère le salut de l’extérieur pour créer cette richesse. Un peu petite vie à la limite, quasi tiers-mondiste. Les entreprises possédant les alumineries au Québec en seraient de bons exemples.

Celles-ci consomment, sans contredit, une somme considérable de biens et services ici, comme elles emploient directement quelques milliers de Québécois. Mais avouons qu’elles n’existeraient peut-être pas sur notre territoire, sans des contrats d’alimentation électrique très avantageux, sinon juteux.

Ainsi, leur présence a un coût pour le Québec, en contrepartie de bien des avantages. Expliquons aussi qu’elles se sont implantées chez nous quand justement il était important d’en créer, des emplois.

Mais la priorité des prochaines années, elle, n’est et ne sera peut-être plus de créer des emplois nécessairement, mais de trouver de la main-d’œuvre pour les dizaines, voire les centaines de milliers de postes disponibles actuellement, et dans les prochaines années.

Alors, où ces nouvelles entreprises trouveraient-elles de la main-d’œuvre ? Statistiquement, aux dépens des entreprises existantes au Québec. Alors, où est le gain ? On se tire dans le pied, il me semble. Mieux payés, ces jobs ? Allez raconter ça à celui qui perd son employé pour voir.

Je suis certain que si nous posions la question aux entrepreneurs du Québec, ils donneraient comme priorité au gouvernement la création de main-d’œuvre, bien avant l’accueil d’entreprises étrangères qui empireraient le problème de pénurie.

Et Hydro-Québec ne manque pas de clients pour exporter ses surplus, et ce, à un excellent prix. Et ces térawattheures seront toujours plus demandés, et payants, chez nos voisins du Sud. Alors, pourquoi les écouler au rabais ? Et quelles en seraient les conséquences sur la facture du consommateur, simple citoyen, ou de l’entreprise québécoise ?

Et donc, au total, à la fin de l’histoire, le gouvernement y gagnerait-il vraiment, en fiscalité et parafiscalité ? Pas sûr du tout, moi.

Nous sommes d’accord avec monsieur Legault pour augmenter la capacité de production d’Hydro, construire de nouveaux barrages par exemple. Mais cela demeure un processus très compliqué, pour toutes les raisons qu’on connaît. Et cette nouvelle production ne serait probablement disponible que dans près d’une décennie.

Ce qui fait que les besoins des nouvelles entreprises étrangères seraient comblés à même la capacité existante ? On possède vraiment des surplus à ce point-là ?

Le problème fondamental de la disposition de notre richesse énergétique est trop souvent l’inadéquation entre les impératifs politiques des gouvernements et le besoin d’orientation à long terme, et de saine gestion, d’Hydro. Pour faire court, trop souvent : l’annonce spectaculaire contre la gestion planifiée.

Ces intérêts contraires ont mené, par exemple, au harnachement de plusieurs petites rivières au Québec, pour quelques mégawatts dans chacun des cas. Des peanuts sur l’ensemble de l’œuvre. Oui, des revenus pour certaines municipalités, mais un gain marginal pour Hydro, et une perte réputationnelle importante chez les tenants du développement durable. Bref : une mauvaise décision.

J’ai moi-même déjà travaillé sur un projet d’implantation d’une usine de cogénération à Québec, avec une entreprise américaine. Un très gros projet. Ultimement, Hydro s’est retirée de celui-ci, pour des raisons de rentabilité à long terme. L’entrepreneur en moi était évidemment déçu, mais le Québécois contribuable, lui, comprenait bien la situation.

Finalement, pourquoi des rabais aux seules nouvelles entreprises étrangères, et pas à celles déjà ancrées chez nous ? Des entreprises stratégiques, qu’on nous dira. Ben oui, je la voyais venir, celle-là. Stratégique, le mot générique et passe-partout parfait. À voir… Et combien d’autres questions.

Si j’abrège, un plan à contre-pied d’une panacée.

À mon avis, il y a beaucoup plus, et mieux à faire, pour valoriser les gestes économiques révolutionnaires faits par René Lévesque et Robert Bourassa, qui ont nationalisé et développé l’hydroélectricité.

On s’en reparle bientôt. Toujours la patronne qui me surveille sur la longueur de mes épîtres…

Lisez l’article « Sophie Brochu lance un ultimatum »

Entre nous

Je vis d’espoir, et je me croise les doigts, concernant le règlement du dossier de la remise à niveau du pont de Québec.

Une partie de mes cheveux blancs sont attribuables aux 14 ans d’efforts investis dans ce dossier. Et ce dossier demeure la grande déception de mon passage à la mairie.

Le respect du patrimoine définit souvent le caractère d’une nation.

Si le gouvernement Trudeau conclut ces négociations, malgré l’éternité que cela aura pris, je lui lèverai mon chapeau.