Le Parti libéral du Québec (PLQ) et le Parti québécois (PQ) ont subi, il y a une quinzaine, la pire défaite de leur histoire. Et, depuis, ils n’ont trouvé pour se réfugier que la sécurité des vieilles affaires pour éviter de faire face à la réalité.

Pour le Parti libéral, cette sécurité s’appelle l’opposition officielle. Pour le Parti québécois, cette sécurité s’appelle la symbolique souverainiste. Dans les deux cas, cela les condamne, à terme, à la marginalité.

Le PLQ s’attache comme à une bouée à son statut d’opposition officielle. Cela vient avec certains privilèges parlementaires et un statut de « gouvernement en attente ». Oubliant commodément qu’il doit ce statut à ses circonscriptions châteaux-forts de l’ouest de Montréal.

Sur la base de ce statut, le PLQ voudrait empêcher Québec solidaire (QS) et le Parti québécois de devenir des partis reconnus – ce qui exige une certaine flexibilité dans l’application des règlements. Ce qu’a régulièrement fait l’Assemblée nationale.

Ce serait d’autant plus mesquin que le PLQ a reçu moins de voix que QS ou le PQ. Quant à dire que tout cela doit faire partie d’une réforme parlementaire plus large, c’est tout simplement esquiver le débat.

Mais cette rigidité du PLQ est un couteau à double tranchant. Ça permettrait au PLQ de faire l’économie d’une véritable autopsie de sa défaite. En particulier le fait que, pour être vraiment un gouvernement en attente, il faut de solides assises dans le Québec francophone. Ce que le PLQ a perdu lors de la dernière élection.

Surtout, la dernière campagne a permis de constater que le PLQ n’a plus de base militante. À part deux circonscriptions où il y a eu des assemblées d’investiture contestées – et donc, une campagne de vente de cartes de membres – la plupart des associations locales n’ont plus qu’une poignée de membres ou pire, ne satisfont plus aux règlements internes du parti. Des candidats ont eu la surprise de se rendre compte qu’il ne restait plus même de président d’association libérale dans certaines circonscriptions.

Mais il est plus facile de se réfugier dans une fuite en avant, en se concentrant sur le travail parlementaire, et d’éviter les pénibles tâches de reconstruction sur le terrain.

Sans oublier que le PLQ ne pourra faire l’économie d’un débat et d’un vote sur le leadership de Dominique Anglade. Un leadership déjà contesté…

Au Parti québécois, le refuge est dans le symbolisme. Le PQ a survécu alors que plusieurs prévoyaient sa mort, mais il ne faut pas oublier que Paul St-Pierre Plamondon ne doit sa propre élection dans Camille-Laurin qu’au fait que la candidate de QS ait piqué un dépliant dans une boîte aux lettres…

PHOTO KAROLINE BOUCHER, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Paul St-Pierre Plamondon

La campagne contre le serment au Roi lui aura permis de faire plaisir à ses militants et de faire parler de lui. Mais cette bataille n’est pas terminée et le chef péquiste a déjà commis une erreur stratégique qui pourrait coûter cher.

Dans les faits, M. St-Pierre Plamondon a remis son sort entre les mains de François Legault. En effet, c’est le premier ministre qui – même s’il est d’accord avec l’abolition de ce reliquat colonial – décidera de la manière.

Et pourquoi ferait-il un cadeau au PQ alors qu’il vient de passer une campagne électorale à essayer – et à réussir en grande partie – de le remplacer dans l’électorat nationaliste ? Le PQ était bien naïf de s’attendre à quelque faveur du gouvernement.

Le chef péquiste estime qu’une simple motion de l’Assemblée nationale suffira, mais rien n’est moins certain : l’abandon du serment d’allégeance est, dans les faits, une modification de la Constitution.

Sans entrer dans un débat d’experts, on peut estimer qu’il s’agit ici de modifier la Constitution interne du Québec. Donc qu’on n’a pas à demander la permission d’Ottawa ou des autres provinces. Mais il reste qu’on ne peut pas faire des modifications constitutionnelles par une simple motion de l’Assemblée nationale.

Le leader du gouvernement (sortant) Simon Jolin-Barrette a déjà fermé cette porte, affirmant que, dans les circonstances, il faut une loi en bonne et due forme.

Or, une loi, ça ne s’adopte pas en deux minutes. Il faut du temps, sans doute une commission parlementaire, et rien n’indique qu’on pourra le faire à la vapeur. M. Legault aussi a été clair : « pour faire ce changement, les députés doivent pouvoir siéger », a-t-il indiqué par son attaché de presse.

Les députés péquistes devront donc décider s’ils vont rester hors de la Chambre pendant des semaines, sinon des mois, où s’ils vont marcher sur la peinture et aller occuper leurs sièges de député, en respectant les formalités. Ils seraient en bonne compagnie puisque tous les péquistes qui y ont siégé avant eux l’avaient fait.

Et tant pis pour M. St-Pierre Plamondon, qui voulait en faire un grand « show de boucane » partisan. Il n’aura probablement d’autre choix que de ravaler ses grands discours sur le caractère sacré des serments et le « parjure » de l’allégeance à Charles III.