On n’a pas besoin d’être un grand fan de la monarchie britannique et, encore moins, du nouveau roi Charles pour trouver inutile le tout premier combat qu’entend mener le chef péquiste, Paul St-Pierre Plamondon, comme député de l’Assemblée nationale.

En fait, il le ferait comme simple citoyen puisque sa croisade pour ne pas prêter serment au souverain l’empêcherait de siéger. Et il est probable que, devant ce genre d’enfantillage, le gouvernement n’aurait qu’à le laisser sécher à l’extérieur du Salon bleu jusqu’à ce qu’il en revienne. Parce qu’à la fin, c’est ce qui arriverait.

En fait, il y a des précédents historiques. En 1970, quand les premiers députés péquistes ont été élus, cinq des sept nouveaux élus, eux aussi, avaient refusé de prêter serment à la reine. Leur protestation avait duré plusieurs jours. Jusqu’à ce que René Lévesque – qui n’avait pas été élu – leur dise d’arrêter les combats symboliques et d’aller faire leur travail à l’Assemblée nationale. C’est ce qu’on fait les 14 cohortes de députés péquistes qui ont été élues depuis.

Pour compenser, en quelque sorte, ils avaient ensuite, dans une cérémonie publique, prêté serment au peuple du Québec, qui est inscrit dans la Loi sur l’Assemblée nationale et qui fait maintenant partie de la procédure pour tous les députés.

C’était il y a plus d’un demi-siècle. Aujourd’hui, on n’a vraiment pas besoin d’un nouveau geste symbolique pour nous convaincre qu’un Québec souverain ne garderait pas de lien avec la Couronne britannique. Encore que le programme du PQ a déjà spécifié que le Québec deviendrait membre du Commonwealth. Et que Jacques Parizeau avait déjà confié avoir un « soft spot » pour la famille royale !

Plus récemment, en 2018, les députés de Québec solidaire avaient voulu se dispenser du serment à la reine, mais ils ont vite compris que c’était un combat un peu inutile et ont prêté serment lors d’une cérémonie privée.

Mais revenons au raisonnement de M. St-Pierre Plamondon. D’abord, il demande à l’Assemblée nationale de le laisser siéger sans qu’il prête les deux serments. Il n’assume pas, il quémande de ne pas être sanctionné. On pourrait facilement lui répliquer que c’est lui qui n’assume pas les obligations qu’il a librement contractées en voulant se faire élire député.

Le nouveau député de Camille-Laurin dit aussi qu’il a fait campagne en disant qu’il n’allait pas prêter serment au roi. Il ajoute : « la pire chose qu’on peut m’imposer, c’est de dire le contraire de l’engagement que j’ai fait devant des millions de Québécois. »

Mais cela voudrait dire que l’Assemblée nationale devrait alors faire tout pour respecter les promesses des candidats au poste de député, qu’elles aient été inconstitutionnelles, farfelues ou tout simplement irrecevables. C’est un raisonnement qui ne tient pas la route.

Par ailleurs, quand il affirme que le serment à la reine fait partie de la Constitution canadienne et pas des lois québécoises, il a raison et on peut certainement amender ce qui constitue la constitution interne du Québec. Sauf qu’on ne l’a jamais fait et qu’en attendant, bien évidemment, la Constitution s’applique.

Cela dit, le chef du PQ soulève un débat qui n’est pas futile. Une immense majorité des Québécois et une solide majorité des Canadiens croient que la mort de la reine Élisabeth devrait fournir l’occasion de revoir le dernier lien colonial qui nous lie à la Grande-Bretagne.

Le Québec pourrait se prévaloir d’un pouvoir qui lui a été accordé par la Cour suprême du Canada et tenir un référendum sur l’abolition de la monarchie. Ce qui entraînerait nécessairement des négociations constitutionnelles, sans garantie de résultat.

Mais ça aurait, au moins, le mérite de forcer la tenue d’un débat. Même si on peut se demander si le Parti québécois a vraiment l’intention d’être la formation politique qui va lancer la première véritable ronde de négociations constitutionnelles depuis le rapatriement de 1982.

Mais ce qui est le plus triste dans toute cette histoire, c’est qu’elle nous donne une tout autre image du chef péquiste.

Paul St-Pierre Plamondon est sorti grandi de la dernière campagne électorale, essentiellement parce qu’il a su « faire de la politique autrement ».

Il a été un chef de parti qui n’avait pas la fâcheuse habitude de faire passer les cascades partisanes et les coups fourrés aux adversaires devant un discours posé et réfléchi sur les grands enjeux dont doivent s’occuper nos élus.

La constitution canadienne – et donc la constitution interne du Québec aussi – est bourrée d’archaïsme et de vieilles traditions qui ne reflètent plus la société d’aujourd’hui.

Mais en attendant qu’on décide de couper le lien colonial, on fait avec, parce qu’on doit s’occuper de choses plus urgentes que de serments qui relèvent du théâtre politique. Comme dirait le premier ministre : « personne ne se bat dans les autobus » à propos de Charles III.