En France, après une telle élection, on dirait : « On prend les mêmes et on recommence ». Après tout, la nouvelle Assemblée nationale ne sera pas très différente de la précédente. Aucun nouveau parti n’y fera son entrée et la place respective des partis restera la même.

Même le Conseil des ministres ne devrait pas trop changer. Le trio économique sera reconduit. Le ministre de la Santé aussi. Il y aura peu de démotions et donc pas beaucoup de promotions, les premiers ministres – de tous les partis – détestant devoir renvoyer un ministre sur les banquettes arrière.

Mais il reste que cette élection sera beaucoup celle des objectifs ratés. Tous les partis ont eu des objectifs importants qui n’ont pas pu être réalisés. Voyons cela en détail.

Coalition avenir Québec : s’établir à Montréal

La CAQ voulait, et même devait, se donner plus qu’une représentation symbolique à Montréal. On ne peut pas être « le parti de l’économie » et être boudé par la locomotive économique du Québec. Mais la CAQ se retrouve avec deux députés dans l’île de Montréal, comme aux dernières élections, même si on peut dire qu’il y a une amélioration qualitative avec l’élection de Karine Boivin Roy, ancienne membre du comité exécutif de la Ville de Montréal.

Reste que c’est bien peu pour autant d’efforts.

Plus que jamais, la CAQ est le parti des banlieues, de l’étalement urbain et du « tout à l’auto », comme en fait foi son attachement inébranlable au troisième lien entre Québec et Lévis.

M. Legault voulait aussi avoir un mandat fort pour négocier avec Ottawa et obtenir plus de pouvoirs, notamment en matière d’immigration. Mais il n’a obtenu, au final, que 4 % du vote de plus qu’en 2018, ce qu’on peut difficilement considérer comme un mandat très fort.

Parti libéral du Québec : redevenir autre chose que le parti des anglophones

On peut dire que Dominique Anglade a sauvé les meubles en gardant l’opposition officielle, mais difficile de dire qu’elle constituera un gouvernement en attente. Elle doit son statut au vote des anglophones de l’ouest de l’île de Montréal et ne compte plus qu’un seul député en dehors de la grande région de Montréal.

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La cheffe du Parti libéral du Québec, Dominique Anglade

Le travail de reconstruction sera long et ardu. Mme Anglade affirme qu’elle ne craint pas le défi, mais il n’est pas moins considérable.

Sauf que le PLQ n’a jamais pu survivre sans des assises profondes dans le Québec francophone, et il n’en aura jamais eu si peu qu’aujourd’hui.

Québec solidaire : devenir l’opposition officielle

En chiffres absolus, QS a perdu des voix depuis la dernière élection : 633 000 contre 649 000 en 2018. Ce n’est pas un grand écart, mais ça dit quelque chose. QS a eu une excellente première moitié de campagne et sa lancée s’est arrêtée tout net quand le parti a présenté sa taxe sur la fortune, une taxe qui fut mal expliquée et donc mal comprise.

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Le co-porte-parole de Québec solidaire Gabriel Nadeau-Dubois

Mais surtout, il s’agissait d’une taxe idéologique plus que pratique. Une personne qui a une maison modeste et un fonds de pension très ordinaire devient, avec l’inflation, un millionnaire selon la définition de QS.

On oublie que Québec solidaire est une coalition de groupes de gauche, dont certains considèrent le qualificatif de « social-démocrate » comme une insulte. Une taxe comme celle-là allait donc plaire à une partie de la base militante de QS, mais être vue comme hautement suspecte par la classe moyenne. Or, si QS veut grandir, c’est là qu’il lui faudra faire des gains.

Parti québécois : convaincre les souverainistes de « rentrer à la maison »

Mission partiellement accomplie avec le succès d’estime de Paul St-Pierre Plamondon. Mais il ne peut oublier qu’il doit sa propre élection au désistement de la candidate solidaire dans Camille-Laurin.

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Le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon

Reste que suffisamment de péquistes qui avaient voté pour d’autres partis ces dernières années ont voulu empêcher la mort du PQ.

Mais est-il encore vraiment réaliste de promettre un référendum dès le premier mandat d’un éventuel gouvernement péquiste ?

Parti conservateur du Québec : entrer à l’Assemblée nationale

Quand Claire Samson a quitté la CAQ pour se joindre à Éric Duhaime, elle a fourni à ce dernier la scène qui lui manquait pour faire connaître son parti et son programme.

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Le chef du Parti conservateur du Québec, Éric Duhaime

Sans cet accès à l’Assemblée nationale (et à la Tribune de la presse), le temps sera très long pour M. Duhaime et les conservateurs au cours des quatre prochaines années, surtout que la grogne provoquée par les mesures sanitaires devrait aussi s’estomper.

Et malheureusement pour le PCQ, la réforme du mode de scrutin, dont on parle beaucoup depuis 24 heures, n’est pas pour demain. La CAQ et le PLQ ont trop profité du système pour vouloir le changer.

Or, sans l’accord du parti gouvernemental et de l’opposition officielle, une telle réforme est tout simplement impossible pour l’avenir prévisible.