Avec bien moins de la moitié des voix, la Coalition avenir Québec remporte une victoire encore plus grande que celle que les sondages lui avaient prévue. Mais sans rien enlever au balayage du parti de François Legault, c’est aussi la victoire d’un très mauvais système électoral.

Avec à peine plus de 40 % des voix, le rouleau compresseur du système dit « uninominal à un tour » donne un triomphe à la CAQ même si presque 60 % des Québécois ont voté contre elle.

La CAQ n’obtient que très peu de votes de plus qu’il y a quatre ans. Et avec une plateforme qui contenait bien peu de solutions aux problèmes les plus criants du Québec, que ce soient les pénuries criantes de main-d’œuvre à la fragilité du système de santé.

Sans rien enlever au mandat sans équivoque qu’a reçu la CAQ, le gouvernement n’a les coudées franches que pour réaliser certains de ses engagements électoraux plus controversés comme le troisième lien ou les niveaux d’immigration.

Mais le prix de cette victoire va vite rattraper le gouvernement s’il ne prend pas le temps d’écouter tous les Québécois et pas seulement ceux qui ont voté pour lui. Parce que cette victoire est venue au prix de grandes divisions qui ont été semées tout au long de la campagne par les stratégies employées par la CAQ.

Des divisions, très profondes, entre Montréal et le reste du Québec. Une faille qui s’est élargie au cours des quatre dernières années et que le gouvernement réélu doit rapidement essayer de combler. Surtout qu’il ne devrait avoir que deux députées sur l’île de Montréal.

Le Québec tout entier n’a aucun intérêt à ce que la métropole — qui compte pour la moitié de toute son activité économique – soit boudée par le gouvernement. Avec ses nombreuses déclarations visant à exacerber cette division, le premier ministre n’a que lui à blâmer.

Mais, le gouvernement devra aussi se pencher sur le fossé qui s’est élargi entre la majorité francophone et les nouveaux arrivants. Comme avec les Premières Nations, d’ailleurs.

Sur ces dossiers, malheureusement, on a surtout vu la CAQ — avec un mandat encore moins impressionnant — ne pas écouter ceux qui avaient des opinions divergentes. Le résultat de lundi soir ne permet malheureusement pas de penser que les choses vont changer.

Mais le plus grand danger est pour la démocratie elle-même. Il y a un danger à la fois démocratique et géographique qu’à part la grande région de Montréal, il n’y ait que six circonscriptions qui ne soient pas représentées par la CAQ.

Le chef conservateur Éric Duhaime ne sera pas à l’Assemblée nationale bien que son parti ait obtenu plus de 13 % des voix. Il aurait mérité d’y être.

Paul St-Pierre Plamondon entrera au Salon bleu, mais beaucoup parce que la candidate de Québec solidaire dans sa circonscription a dû se retirer. Il mérite d’y être, il a réussi à « faire de la politique autrement » et a un vote obtenu d’estime, mais rien ne montre que cela va mener à une renaissance de l’option souverainiste.

Reste que pour la qualité du débat démocratique, le résultat de ces élections est inquiétant. L’élastique se retrouve tendu au point de rupture. Pas moins de 57 % de l’électorat ne se retrouve représenté que par une trentaine de députés sur 125. La tentation de gouverner sans en tenir compte sera nécessairement très forte. Même si, dans l’histoire récente du Québec, les super-majorités n’ont pas été bénéfiques au parti qui les a obtenues.

En attendant, tous les partis de l'opposition ont un travail de reconstruction à effectuer.

Le Parti libéral du Québec a sauvé les meubles et sera l’opposition officielle grâce à de ses bastions dans les circonscriptions anglophones de Montréal, à qui Mme Anglade doit donc beaucoup. Mais le PLQ n’a plus qu’un seul siège à l’extérieur de la région métropolitaine. Les libéraux ne pourront survivre à long terme que s’ils ont de solides assises dans le Québec francophone.

Ce sera le travail de Dominique Anglade, si ce parti qui a rarement donné une deuxième chance à ses chefs devait accepter de la lui offrir.

Québec solidaire a réussi à résister au raz-de-marée caquiste, ce qui est remarquable dans les circonstances. Même si sa perte en région (Rouyn-Noranda–Témiscamingue) est compensée par des gains à Montréal, QS reste un parti qui ne survit qu’au centre des grandes villes.

Mais QS a quand même un mandat important, celui d’être le parti de la lutte contre les changements climatiques et qui porte donc la priorité d’une grande partie de la jeunesse du Québec. Ce sera plus porteur pour ce parti que de chercher des millionnaires à qui imposer de nouvelles taxes…

Quant au Parti québécois, il survivra jusqu’à une prochaine bataille. Mais si son chef est sa meilleure carte de visite, on ne peut vraiment pas dire qu’il a fait faire de grands pas à l’idée de la souveraineté.