Nul besoin de lire attentivement les sondages pour comprendre que la réélection du gouvernement de la Coalition avenir Québec (CAQ) tiendra essentiellement au vote des 50 ans et plus. Un groupe composé essentiellement de la génération des baby-boomers (nés entre 1946 et 1965) et des plus âgés.

C’est ce qui fait qu’à moins du type d’évènement qui est décrit dans de tout petits caractères dans les polices d’assurance, la CAQ devrait se retrouver lundi soir prochain avec un gouvernement largement majoritaire.

Mais on peut penser que les boomers et les électeurs plus âgés devraient savourer une campagne où ils ont été les chouchous du parti au pouvoir, parce que les choses vont bientôt changer.

Selon Léger, 49 % des électeurs de plus de 55 ans envisagent de voter pour la CAQ. Selon Mainstreet Research, qui offre une pondération différente, c’est 42 % des 50 à 64 ans et 58 % des 65 ans et plus qui envisagent de voter pour le parti de François Legault.

En plus, ces électeurs ont beaucoup plus tendance à aller voter que les autres groupes d’âge. Dans l’urne, ils compteront donc pour beaucoup plus que les autres.

Pas étonnant, donc, que la CAQ ait ciblé tout particulièrement les quinquagénaires (et plus) dans ses promesses électorales.

Un bon exemple est la construction de maisons des aînés, qui touche tout particulièrement ceux qui craignent de finir leurs jours dans un CHSLD, qui ne jouissent plus – surtout depuis la pandémie – d’une très haute réputation.

Mais un établissement où il y aurait des chambres individuelles, climatisées, à échelle humaine ? C’est presque trop beau pour être vrai.

Le seul ennui, évidemment, c’est que c’est exactement le cas. À cause des coûts. Chaque chambre dans ces résidences haut de gamme coûte entre 800 000 $ et 1 million de dollars. Et la demande sera forte.

Ce qui signifie aussi que les choix vont être cruels pour les budgets gouvernementaux au cours des prochaines années. Il y a actuellement au Québec 1,5 million de personnes âgées de plus de 65 ans, un nombre qui va augmenter rapidement. De façon plus pointue, selon les chiffres du gouvernement, plus de 20 000 personnes de plus de 70 ans auront besoin d’une place d’hébergement d’ici 2028.

Tous les experts disent que les maisons des aînés ne peuvent pas constituer une solution qui soit à la fois réaliste et durable. Qu’à cela ne tienne, M. Legault répète qu’il ne doit y avoir rien de trop beau pour nos aînés. Pas d’études, pas de projections de coûts, juste une promesse électorale.

En fait, les maisons des aînés sont une promesse électorale de la dernière campagne qui est soudainement devenue attrayante après l’hécatombe des CHSLD durant la pandémie. Mais ça reste encore, pour l’essentiel, un projet dessiné pour un dépliant de campagne électorale.

Mais ça fait une belle promesse électorale pour une clientèle bien ciblée et très réceptive. On peut légitimement craindre que ces belles ambitions soient réduites de façon importante. Mais ça arrivera après la campagne électorale…

À l’inverse, dans cette campagne, la CAQ a presque systématiquement ignoré les plus jeunes générations. Cela aurait commencé par une plateforme environnementale digne de ce nom. Ou, au moins, par respecter l’un des principes cardinaux de la médecine : primum non nocere. D’abord, ne pas nuire.

Dans les circonstances, cela aurait signifié de ne pas décréter que le tunnel entre Québec et Lévis sera construit quoi qu’il advienne, même sans études – qui n’existent pas ou ne seront pas rendues publiques, ça dépend des jours – parce que la décision est politique et donc déjà prise.

On aurait pu, aussi, s’abstenir d’annoncer dans un contexte partisan qu’Hydro-Québec devra se remettre à construire de grands barrages. Surtout que la dernière déclaration de la présidente de la société d’État voulait qu’on ne construise pas de nouveaux barrages et qu’il fallait plutôt miser sur les économies d’énergie.

La CAQ aurait voulu prouver que l’environnement est plus que jamais son angle mort qu’elle n’aurait pas agi autrement.

Pas étonnant que chez les 18 à 34 ans, selon le dernier sondage Léger, il n’y a que 18 % des électeurs qui appuient la CAQ.

Ce qui pose la question de l’avenir de la CAQ après ces élections. Parce que fonder un programme sur les désirs des boomers n’est justement pas une solution d’avenir.

Statistique Canada, interprétant les données du plus récent recensement, prédit que d’ici la fin de la présente décennie, les millénariaux (la génération qui est née entre 1981 et 1996) seront plus nombreux que les baby-boomers. Si on ajoute la génération X (gens nés entre 1966 et 1980), ils sont maintenant 39 % de la population québécoise contre 26 % pour les boomers.

C’est à se demander si le « avenir » dans le nom de la CAQ pourra être là encore longtemps.