Dans une campagne électorale normale, avec un premier ministre qui a du mal à expliquer pourquoi il veut un nouveau mandat pour « continuer », il y aurait un chef de l’opposition qui enfilerait les habits du premier ministre en attente.

Mais ce qu’on voit depuis le début de la campagne, c’est le Parti libéral du Québec qui n’est que l’un des quatre partis qui se divisent les voix de l’opposition à la Coalition avenir Québec (CAQ) qui, conséquemment, se dirige vers un triomphe sans gloire.

En fait, alors que la campagne plus qu’ordinaire de François Legault le rend vulnérable, Dominique Anglade devrait être la première ministre en attente. Mais elle finit au dernier rang de popularité des chefs des partis de l’opposition dans les sondages.

Pourtant, elle mène une campagne énergique, ne ménage pas ses efforts et ne semble pas se décourager même si, alors que nous n’en sommes qu’à la mi-campagne, les questions sur son éventuelle démission en cas de défaite ont déjà commencé.

Mme Anglade n’est pas la seule responsable. En fait, une partie de ses ennuis actuels vient d’un manque de chance. Elle a été élue cheffe du parti par acclamation, en pleine pandémie, alors que son seul adversaire s’est désisté. La course à la direction qui doit servir de rampe de lancement à un nouveau chef s’est terminée dans l’indifférence.

La marque libérale est amochée. Le parti est encore vu comme celui de l’austérité de l’époque Couillard ou celui des allégations de corruption de l’ère Charest. Le Parti libéral du Québec (PLQ) n’a jamais eu de véritable purgatoire qui lui aurait permis de repartir avec une nouvelle énergie. Il le paie très cher encore aujourd’hui.

Sur le plan strictement partisan, la « machine libérale » qui était habituée à gagner des élections – quatre sur six depuis le début de ce siècle – est vieillissante et a du mal à livrer. À preuve, le PLQ ne présentera pas une équipe complète de candidats pour la première fois depuis la Confédération. Le parti, qui a déjà eu 200 000 membres, n’en avait plus que 20 000 au début de la campagne électorale. Sur le strict plan de l’organisation électorale, cela explique plusieurs des difficultés actuelles du parti.

De plus, le PLQ est aux prises avec une véritable crise d’identité depuis que le débat entre souverainistes et fédéralistes ne domine plus la politique québécoise. Il est fini le temps où il suffisait à Jean Charest de dire le mot « référendum » pour gagner une élection.

Dans l’entrevue qu’il accordait à Patrice Roy en juin, on a surtout retenu les mots très durs – trop, a-t-il admis – de Lucien Bouchard contre le Parti québécois. Mais il en avait eu d’encore plus durs envers le Parti libéral.

Le PLQ, disait-il, est une coalition entre fédéralistes nationalistes, anglophones et communautés culturelles. Mais « les francophones québécois même fédéralistes sont nationalistes. Il y a beaucoup de chefs du PLQ qui l’ont oublié ».

Mme Anglade a amené son parti à faire un virage vert et un certain virage vers la gauche. Mais elle semble avoir abandonné le nationalisme à la CAQ et au Parti québécois (PQ) – qui est le parti qui monte actuellement, avec la bonne campagne de Paul St-Pierre Plamondon.

Mais il y a aussi des problèmes qu’on peut imputer à la cheffe elle-même. La plateforme libérale est abstraite, loin des préoccupations immédiates des citoyens, et Mme Anglade a du mal à l’expliquer et à la rendre simple.

Sa grande promesse est le plan Eco, un investissement massif dans l’hydrogène vert. D’abord, les gens ne savent pas d’emblée ce qu’ils pourraient faire de l’hydrogène, un combustible qui deviendra peut-être une solution dans deux ou trois décennies. Mais tout cela n’est pas très concret pour les électeurs d’aujourd’hui.

D’autant que sur le plan pratique, les experts notent que c’est dépenser de l’énergie pour créer une autre source d’énergie. Est-ce si rentable s’il faut augmenter considérablement notre production d’électricité ?

L’autre grande promesse est une charte des régions. Une belle intention qui manque toutefois d’ancrage réel. C’est beau de dire qu’on donnera plus de pouvoirs aux régions, mais c’est compliqué de dire comment ça va marcher. Qui va prendre les décisions sur le plan régional ?

Un exemple : Mme Anglade dit que les régions auront leur mot à dire sur les niveaux d’immigration. Mais que fait-on si les demandes d’une ou plusieurs régions viennent en contradiction avec les politiques du gouvernement du Québec ?

Mais, surtout, il n’y a rien là de très concret et de très immédiat pour ceux qui se rendront dans l’isoloir le 3 octobre prochain.

Avec des sondages qui bougent peu, la course la plus intéressante n’est pas de savoir qui formera le gouvernement, mais qui se retrouvera au deuxième rang. Dans la conjoncture actuelle et pour la première fois de son histoire, le Parti libéral pourrait ne former ni le gouvernement ni l’opposition officielle. Ce n’est pas une prédiction, mais c’est maintenant une possibilité.