« Toute tient sur rien ! » était le jugement que portait mon père sur des évènements, et sur la société en général, quand ceux-ci déraillaient.

Cette sanction à tout vent avait l’heur de me mettre en boule, moi l’indécrottable optimiste.

Lorsqu’on me demande si je suis croyant, je réponds que j’ai foi en l’être humain et en sa capacité d’améliorer le sort du monde. Y’é ben naïf…

Je suis un fan de Steven Pinker, qui a fait la preuve empirique que le monde va mieux et progresse. Ce n’est peut-être pas aussi vrai pour la démocratie, toutefois.

Peut-être un peu candide, ma posture mentale, mais je vis très bien avec.

Sans vouloir donner raison à Maurice Labeaume a posteriori, je dois avouer que depuis les derniers mois, par contre, plusieurs épisodes m’ont foutu le cafard et ont un peu ébranlé les bases de mon credo jovialiste.

La pandémie lui avait fait la preuve qu’il avait raison, le Maurice. Surtout qu’il est décédé au plus fort de cette crise, après des mois d’agonie. Et comme pour des milliers d’autres familles, avec un processus du deuil court-circuité pour les survivants.

Un dernier regard sur la dépouille avant qu’elle sorte de la chambre, si évidemment vous avez la chance d’y être. Vous achetez une urne, on vous la remplira, et la direction vous remercie. Ça finit là.

« Ça fait sec », aurait dit Maurice.

Comme mon père était croyant et pratiquant, mes frères et moi, comme nous lui avions promis, avons organisé une cérémonie religieuse en juin dernier avec parents et amis. Mais le bout de la marde, j’ai attrapé la COVID-19 et n’ai pu y assister !

Toute tient sur rien.

Je ne sais pas pour vous, mais personnellement, le déclenchement de cette guerre en Ukraine m’a sonné, profondément attristé. Je crois que nous nous sommes sentis autant concernés que lors de l’encerclement meurtrier de Sarajevo à l’époque. Et quand on y pense, Kyiv aurait pourtant pu être une destination de vacances dans les prochains mois.

Quelqu’un m’a fait la réflexion qu’ils s’habillaient comme nous, les Ukrainiens, pour expliquer notre proximité et son désarroi. C’est vrai.

Mais sans vouloir créer de polémique, ou minimiser le drame humain en Ukraine, je soumettrais que les Rwandais ne s’habillent pas comme nous, et que notre réaction d’Occidentaux au génocide là-bas a été bien différente.

Et je n’ai rien entendu sur la guerre au Yémen la dernière fois que j’ai siroté un café au Tim Hortons, à une époque révolue où il n’y avait pas que du service à l’auto.

Depuis des mois, je rêve que Poutine déboule l’escalier le plus élevé du Kremlin, ou que le numéro un du FSB, l’ex-KGB, ait un sérieux tête-à-tête avec le tsar, lui fasse la prise de l’ours et en ressorte seul.

Très vilain tout ça, je sais.

Tant qu’à faire dans le plaisir morbide, I have a dream !

Que dans les allées de golf de la kitscherie totale de Mar-a-Lago, l’ami Trump se prenne une balle derrière la tête ! Une balle de golf… Et que du coup le ressac lui fasse se péter un coup de fer 3 dans le front, et qu’il ne se réveille qu’après la prochaine élection présidentielle.

En tout cas, moins vilaine celle-là que ce qui est mentionné dans le dernier livre de Mark Leibovich, où un élu républicain explique, mais anonymement le couillon, que le plan de son parti concernant le Grand Dingo est : « We’re just waiting for him to die ».

PHOTO FOURNIE PAR PENGUIN PRESS

Thank You for Your Servitude, le dernier livre de Mark Leibovich

Et ajoutez à tous les dangers planétaires, ce Xi Jinping qui roule les mécaniques à Hong Kong, et en bave à l’idée de reprendre Taiwan.

Ça sent mauvais, Maurice.

Et le droit à l’avortement qui glisse entre les mains des femmes américaines…

L’image la plus détestable qui me revient à ce sujet est celle d’un gouverneur, de je ne me souviens plus quel État, qui, souriant avec énormément de dents, cravate de diplômé de Princeton, signait un genre de décret pour abolir l’avortement chez lui à la suite du jugement de la Cour suprême.

Eille, le gros ! T’as quoi entre les jambes ? Et les ovaires, eux ? Ils se portent bien, tes ovaires ? De quoi tu te mêles, le gros ?

La règle devrait pourtant être simple. Pas d’utérus ? Alors, « vos gueules, ciboire ! » comme nous l’intimait parfois Plume Latraverse pendant ses spectacles.

Tout a été dit sur la Cour suprême US. Les mammouths laineux de Serge Bouchard, ça devait être pas mal ça.

Je vous épargne le petit viol de rien du tout, et si vite fait, commis par ce brave ingénieur. À peine frôlé la dame, comme le pense le juge Péloquin, et il cuvait, le pauvre petit Simon…

Une dernière pensée pour ce grand poète de Sept-Îles, Michael Montigny, qui a pour hobby d’écraser les petits chevreuils avec son pick-up. La rumeur veut qu’il souhaite se porter acquéreur d’un cerveau. Même si on trouve de tout sur Amazon, vos suggestions seraient les bienvenues pour que ça se règle au plus maudit… et surtout, protéger le cheptel.

Avancez par en arrière, comme le hurlait le chauffeur d’autobus.

Toute tient sur rien.

Entre nous

Il en pleut des livres sur la fin de règne de Trump ou sur Washington.

Mais deux observateurs demeurent incontournables : Bob Woodward et Mark Leibovich.

Si vous n’aimez pas Thank You for Your Servitude, je rembourse.

Si oui, mettez la main sur This Town. Toujours de Leibovich.