En juillet, j’ai rempli un engagement et accompagné Guylaine Tanguay à son spectacle du 100e anniversaire de Girardville, au Lac-Saint-Jean. Guylaine est native du village, comme la famille de ma mère, les Bolduc, et j’y ai moi-même habité quelque temps étant jeune.

Jusque-là, ça va.

Là où ça se complique, c’est que Guylaine m’avait fait promettre, en direct à la télé, d’aller chanter country avec elle à cette occasion. Ouf ! Trop de témoins, pas moyen de se défiler. Et promis, c’est promis, j’ai été élevé comme ça.

Chanter est l’expression générique de ma prestation. En fait, le tout a plutôt ressemblé à un chant grégorien pour débutant enrhumé.

Bien sûr, il sortait de ma bouche des intonations, mais le tout était une bouillie vocale indéfinissable. Une grande épreuve pour tout le monde.

J’ai été applaudi, plutôt Guylaine disons, mais tante Pauline et les Bolduc y ont mis l’effort. Des orgueilleux. Fallait préserver la dignité de la famille.

Ce fut somme toute une très belle soirée et un séjour de quelques heures qui a rebrassé un vestige de ma mémoire des plus bizarre.

C’est que, voyez-vous, dans les hauts faits de l’histoire de la chrétienté, il y a eu les Croisades, bien sûr, et le Schisme religieux de Girardville.

Google, les impies !

En résumé, une chicane homérique dans les années 1930 sur le choix du site d’érection de la nouvelle église de la paroisse. Dans le Grand Rang, ou ailleurs. Je fais court, l’évêque snobe le Grand Rang et choisit ailleurs.

Et là, l’hérésie ! Une partie des habitants du Grand Rang se révolte, défroque et change de religion. Ils deviennent PROTESTANTS ! Imaginez, en pleine terre catholique !

Croyant à l’époque qu’un protestant était inévitablement dangereux, je n’étais même pas vraiment sûr qu’il s’agissait d’un humain.

Et donc, quand mon grand-père, qui habitait dans le Grand Rang, m’amenait avec lui faire les emplettes au magasin général, celui-ci situé en face du lieu de culte des fameux protestants, j’étais toujours dans l’expectative, quand j’y repense, d’en voir sortir au mieux des genres de personnages du roman de Margaret Atwood, La servante écarlate, ou au pire une forme d’hydre de la série Stranger Things, par exemple.

C’était avant que je comprenne qu’il ne s’agissait pas d’une espèce, mais bien d’une confession que d’être protestant.

Cela dit, Girardville n’a jamais connu de guerre de religions style cathos-huguenots. Une cohabitation sans histoire dans cette contrée besogneuse.

Pour revenir à Guylaine, elle était ce soir-là la maîtresse absolue et brillante de son spectacle, et moi, à la traîne, bien sûr.

Mais la dernière fois où j’ai dû oser la chansonnette devant public, j’avais réussi à prendre le contrôle de mon destin.

Je dois toutefois dénoncer celui qui m’avait mis dans ce pétrin, il le mérite tellement !

Parce qu’il avait dû y chanter lui-même auparavant, et pensant qu’ayant souffert, il devait absolument partager l’affliction, Marc Tardif avait suggéré mon nom pour un évènement-bénéfice, prétextant, je présume, qu’avec un micro, j’avais une gueule d’Elvis.

Oui, oui ! L’ancien capitaine des Nordiques ! Maudit Marc Tardif ! On s’attend du grand Marc à une passe sur la palette, pas une passe de coyote.

Top net, mon Marc, mais la vie est longue, comme ma mémoire…

J’avais choisi Hallelujah de Leonard Cohen. Rien que ça. Non, je ne me prenais pas pour une queue de cerise.

Mais une semaine avant le jour J, voilà que la panique me pogne toé ! Je n’imagine qu’une seule solution pour m’en sortir : me faire petit et privilégier la synchronisation labiale.

Synchronisation labiale = Lip Sync. Une splendeur de la langue française.

Je lance un SOS désespéré à un ami et nous convenons que je dois être « accompagné » sur scène. Nous invitons un groupe gospel de Québec, de merveilleuses voix. Ça devrait bourdonner fort derrière.

Et une covedette d’un soir, parce que crispé je risque la dyslexie et l’atonie. On fait appel à une fille de Québec, Mélissa Bédard. Une voix forte et spectaculaire, la Mélissa ! Et généreuse comme c’est pas possible. On est en business !

Résultat, au total peu de gens m’ont entendu, et j’ai remporté le concours de pantomime.

La soirée fut somme toute mémorable de stress pour moi, mais le public aurait apprécié, semble-t-il, rigolé plutôt, et la Maison Le Petit Blanchon et sa fondation en furent quitte pour une soirée payante.

J’en ai été très fier finalement, parce que cette merveilleuse organisation accueille des enfants de moins de 8 ans qui ont déjà un lourd passé.

Des enfants qui ont vécu des expériences traumatiques en lien avec des problématiques de négligence, d’abus physiques ou sexuels, ou d’abandon à répétition. Pas surprenant qu’ils présentent des troubles au niveau de la santé mentale, de la conduite et de l’attachement.

Ben oui, ça existe tout ça ! Qui a dit qu’on naissait égaux ?

J’en braillerais ma vie juste à y penser.

Merci, maudit Marc Tardif !

On se tapera un duo éventuellement… Love me tender !

Entre nous

Si vous cherchez, peut-être ne trouverez-vous pas Girardville sur la carte. Son existence y est souvent absente.

Les cartographes sont ingrats, ou ignares.

Inévitable dans un patelin de cette dimension, Guylaine et moi, nous nous sommes découvert un lien de parenté. Mon grand-père, Adjutor Bolduc, était marié à Maria Tanguay, ma grand-mère, qui elle était la sœur du grand-père de Guylaine, Jos Tanguay.

Vous me suivez ?

Mais le talent et la voix n’ont pas suivi pour tous les descendants. Inégale, l’hérédité.

Consultez le site de la fondation Le Petit Blanchon