Robert Bourassa était nationaliste. René Lévesque aussi. Claude Ryan était nationaliste. Jacques Parizeau aussi. Même Philippe Couillard était, un peu, nationaliste.

François Legault, devenu le chef des nationalistes, a tout naturellement accueilli dans son parti Bernard Drainville, qui nous a révélé qu’il avait toujours été… nationaliste ! Souverainiste ? Le mot n’a pas passé ses lèvres.

C’est bien la preuve qu’en fait le nationalisme est à la politique québécoise ce que la tarte aux pommes est à la gastronomie : tout le monde aime ça, encore que la tarte aux pommes a une véritable concurrence de la tarte au sucre et de la tarte aux bleuets.

Tout cela pour dire que vous n’entendrez jamais Bernard Drainville vous expliquer pourquoi il revient en politique avec la Coalition avenir Québec qu’il combattait jadis. Ou comment il a abandonné l’idée de la souveraineté qui avait été si centrale à sa première carrière politique.

Tout au plus, le futur député de Lévis vous dira que « les chiffres ne sont pas là ». Ce qui ne fait pas preuve de la plus grande conviction envers son nouveau parti. Ce qu’on peut interpréter comme on veut, mais ses mots ne permettraient certainement pas d’exclure que, si jamais les chiffres devaient être au rendez-vous, il puisse s’en retourner d’où il était venu.

Il est facile de convenir avec lui que « les Québécois n’ont pas d’appétit pour l’indépendance ». Mais il est quand même un peu malaisant de voir M. Drainville affirmer, sans l’ombre d’une explication, ce qui aurait pu être le credo de n’importe quel chef fédéraliste québécois : « Je pense qu’on peut, comme Québécois, faire des avancées avec notre statut actuel, avec les pouvoirs qu’on a, l’économie qu’on a, les institutions, la démocratie qu’on a, l’énergie verte qu’on a, les ressources naturelles qu’on a, le territoire qu’on a. »

Bernard Drainville n’est quand même pas n’importe quel ancien député péquiste. Il a été candidat à la direction du parti avant de se rendre compte, comme d’autres, que le PQ voulait « son moment Pierre Karl Péladeau » et de se retirer.

Il reste qu’il voulait être le chef du PQ, celui qui allait signer, le cas échéant, l’acte fondateur du Québec souverain. Un tel revirement — même si une décennie a passé — aurait exigé un peu d’explications, ne serait-ce que par respect pour les militants péquistes qui l’ont suivi à l’époque.

Pour le reste, Bernard Drainville a répété de façon habile le petit catéchisme des convertis récents à la CAQ. Entre autres à propos du troisième lien, d’autant que ce sera un projet écologique, vu qu’il y aura une voie réservée au transport en commun — mais juste à l’heure de pointe…

Évidemment, comme le dit l’adage « la politique, c’est toujours une affaire locale » et il n’aurait pas été possible pour M. Drainville de se présenter dans Lévis sans appuyer le projet.

Au moins, il l’aura fait avec plus d’élégance que Caroline St-Hilaire, qui avait vertement critiqué le projet comme commentatrice et se disait rassurée par la nouvelle mouture du projet parce qu’il y avait une voie réservée, en ne sachant pas que, dans le premier projet, il y en avait déjà une, mais permanente !

Mais dans son enthousiasme, M. Drainville a poussé le bouchon un peu loin en disant que le nationalisme de la CAQ pourrait faire du Québec un leader dans la lutte contre les changements climatiques.

Parce que les effets vertueux du nationalisme sur l’environnement vont nécessairement se buter sur l’indifférence de la CAQ sur tout ce qui touche l’environnement.

Mais l’arrivée de Bernard Drainville et, dans une moindre mesure, de Caroline St-Hilaire, illustre bien un des objectifs stratégiques majeurs de la CAQ dans cette campagne électorale. Pas seulement de gagner le plus grand nombre de sièges, mais surtout de s’assurer de couper l’oxygène au Parti québécois, qui pourrait se retrouver avec une représentation bien mince à l’Assemblée nationale.

Cela laisserait toute la place à la CAQ dans l’électorat francophone et donc nationaliste, reléguant le Parti libéral à être « le parti des Anglais ». Cela fait une utilisation du nationalisme qui ressemble pas mal à celle de Maurice Duplessis, mais bon…

Une chose est toutefois certaine, c’est que le premier ministre est pas mal fier de sa prise, au point de laisser entendre qu’il pourrait lui donner un ministère économique — ce qui dans la hiérarchie de M. Legault est une marque de confiance majeure.

On n’a jamais connu de grand intérêt de la part de Bernard Drainville pour les dossiers économiques, mais ce qui est certain, c’est qu’il ne voudrait pas d’un autre dossier identitaire. Il n’a pas voulu dire si sa défense de la Charte des valeurs avait été un bon ou un mauvais souvenir — juste « un souvenir », a-t-il dit — mais il est évident qu’il ne veut pas rejouer dans ce film.