Déjà, ils avaient été forcés de baisser la tête pour laisser passer la lune de miel du nouveau gouvernement. Et puis la pandémie a contraint les trois groupes de l’opposition à l’Assemblée nationale à une solidarité de circonstance.

Toute critique de leur part, aussi pertinente soit-elle, fut frappée du tonnerre du public ou d’un premier ministre sous tension, impérial dans les débats politiques et parfois soupe au lait.

En somme, ils ont beaucoup été perçus par la population durant cette période comme des chiqueux de guenilles.

Déjà qu’en temps normal, le rôle d’élus de l’opposition fait vivre généralement plus de lassitude que d’allégresse, le mandat qui se termine bientôt aura été pour eux un gros concentré d’ingratitude professionnelle.

On a beaucoup discuté dernièrement de la qualité inégale de leur travail, particulièrement celui des chefs, parfois à raison, mais avouons que les circonstances n’ont pas aidé.

Certains sont sortis du lot, forcément les chefs de parti et les leaders de leur formation. Au-delà de ça, quelques rares tireurs d’élite réussissent à se faire valoir, par la traduction de critiques pertinentes en vocabulaire cinglant, par exemple les brillantes et percutantes Marwah Rizqy et Manon Massé, ou l’expérimenté et efficace Pascal Bérubé.

Il est moins question ici de talent que de la fatalité d’évoluer dans l’ombre d’un cumulonimbus stationnaire au-dessus des banquettes situées du mauvais côté de l’Assemblée.

Ajoutez au tout l’éloignement des siens qui, à la médiane, fait des ravages dans les unions et les familles, et dans cet environnement, la salle des pas perdus que deviennent les couloirs du parlement, un soir d’hiver, peut mettre à plat bien des enthousiastes. Les vides existentiels doivent se multiplier.

Si, au surplus, votre parti en mange une maudite dans une élection partielle, et que les sondages répètent ad nauseam que ce sera encore le cas lors de la générale, pas surprenant que plusieurs se cherchent une trail et quittent le métier.

Par ailleurs, en temps de catastrophe, la population ne veut rien entendre d’autre que ce qui sort de la bouche du cheval, celui de tête, ici François Legault, ou d’un membre de son attelage de gestion de crise ou autres équidés responsables.

Ces épisodes créent au surplus des vedettes instantanées, des quasi politiques qui ont préséance sur les oppositions élues dans l’espace public. Par exemple, des DArruda avec ses tartelettes portugaises ou des André Caillé lors de la grande glaciation. Ils peuvent même porter ombrage aux patrons, souvenez-nous des syncopes de l’ami Trump face au docteur Fauci.

Difficile pour les montures fringantes, dans ces circonstances, de sortir de leur box et de gambader dans le champ politique pour se faire remarquer. D’autant plus qu’entre-temps, le gouvernement a passé la gratte sur les thématiques importantes telles la laïcité, la langue, l’économie et le patriotisme.

Aujourd’hui, ces trois partis visent essentiellement à survivre et passer au travers du prochain scrutin. Ils veulent croire en des jours meilleurs, en espérant que François Legault cesse de marcher sur les eaux ou parte après un deuxième mandat.

Malgré l’étouffement partisan des oppositions, Québec solidaire s’est probablement le mieux tiré d’affaire. Beaucoup grâce au premier ministre qui a décidé d’en faire sa tête de Turc pour taper sur la gauche aux prochaines élections, comme les partis fédéralistes diabolisaient jadis le PQ et la séparation.

Surtout avec le PCQ au derrière, pour utiliser un synonyme, et vous épargner la rime…

Mais si j’étais François Legault, je ne souhaiterais pas de résultats hégémoniques le 3 octobre prochain. Autrement l’opposition vient de la rue et la cohésion sociale en souffre.

Je gagerais que dans ses journées tête froide, conserver plus ou moins une assemblée nationale telle qu’elle existe actuellement ferait son affaire. Mais dans ses journées vanité, il souhaite sûrement dépasser facilement la barre du 40-45 %, et même gagner toutes les circonscriptions tant qu’à y être !

Mais c’est connu, dans cette zone au-delà des 40 %, la différence dans les décimales peut faire des ravages dans le dénouement, étant donné l’atomisation du vote entre les quatre autres partis.

Mais quand un premier ministre, extrêmement dominant politiquement, en est rendu à nous faire croire que nous devenons la Louisiane pour additionner plus de votes, il devient peut-être nécessaire de viser un résultat plus équilibré.

Cela n’est possible que si une partie de l’électorat accepte de faire abstraction des chefs des partis ou d’autres considérations, et ainsi faire un geste nécessaire à la santé démocratique du Québec, en pensant deux coups d’avance.

En fait, se comporter comme les trois singes de la sagesse : se masquer les yeux pour ne rien voir, se boucher les oreilles pour ne rien entendre et se cacher la bouche pour ne rien dire, afin d’ignorer les imperfections d’un choix qui ne serait fait que dans l’objectif unique qu’existe une opposition décente après les prochaines élections.

Entre nous

J’étais à la première d’Harmonium symphonique il y a quelques jours. J’écris cela en potentiel conflit d’intérêts, compte tenu de mon amitié avec Serge Fiori.

Mais voir cette magnifique jeune cheffe, Dina Gilbert, diriger l’Orchestre symphonique de Trois-Rivières m’a beaucoup ému sur l’évolution du Québec culturel.

Trifluviens et gens de la Mauricie, merci pour l’accueil et soyez fiers de ce que vous avez bâti !