Le projet du REM de l’Est sera passé par toutes les étapes et toutes les émotions avant d’aboutir, lundi, à un projet repensé et qui fera honneur à Montréal et au Québec tout entier.

Mais au commencement, il y eut l’erreur. Celle de Philippe Couillard qui, soucieux d’avoir un legs permanent de son mandat de premier ministre, a donné carte blanche à la Caisse de dépôt et placement du Québec, qui n’avait pourtant aucune expertise particulière dans les transports en commun.

Mais la Caisse a vite compris qu’elle avait toutes les cartes dans son jeu et que M. Couillard allait accepter de lui donner des pouvoirs tout à fait exorbitants, en matière d’expropriation, de redevances et d’exemptions de toutes sortes. Sans compter la propriété d’infrastructures existantes comme le train de la ligne Deux-Montagnes et le tunnel sous le mont Royal.

Elle demandait aussi l’exclusivité de la gestion du REM pour deux fois 99 ans, mais elle pouvait aussi vendre son REM quand elle le voulait et à qui elle le voulait après cinq ans d’exploitation.

Au cœur de tout cela, il y avait la réputation de la Caisse, notre bien-aimé « bas de laine » qui était si performant. Et le gouvernement Couillard lui a tout donné les yeux fermés.

Aujourd’hui, la cicatrice urbaine que constitue le REM de l’Ouest est visible de façon éclatante depuis un avion. On peut voir une ligne de béton d’une esthétique soviétique. Et il faut espérer que les wagons « made in India » répondront aux attentes.

Ensuite est venue l’horreur. Le gouvernement Legault donne à CDPQ Infra, filiale de la Caisse de dépôt et placement du Québec, le mandat de faire un REM pour l’est de la ville.

Forte des pouvoirs obtenus pour le REM de l’Ouest, CDPQ Infra a proposé un autre train en hauteur qui aurait défiguré à jamais le boulevard René-Lévesque, le centre-ville de Montréal et massacré le parc Morgan. Surtout, cela aurait fait double emploi avec le métro : ce qui était rentable pour la Caisse et elle seule, vu son modèle d’affaires qui lui rapportait de l’argent pour chaque kilomètre parcouru par un passager. Ce qui nous aurait donné un dédoublement de la ligne verte du métro pour cannibaliser les revenus de la Société de transport de Montréal (STM).

En fait, selon une étude, 94 % des passagers du REM seraient venus des autres moyens de transports en commun, surtout du métro. Certains ont remis en question cette étude, mais même si ce n’était que la moitié de ce nombre, cette cannibalisation du métro était intolérable.

Pendant tout ce temps, CDPQ Infra se comportera comme la pire des entreprises citoyennes. On nous a fait croire que les édifices du centre-ville pourraient s’écrouler si on creusait un tunnel. Ou qu’il était impossible de changer le tracé pour éviter un des rares espaces verts de l’est de Montréal.

En fait, la principale victime de tout cela sera la crédibilité de la Caisse de dépôt, pourtant jusque-là une institution adorée des Québécois. Une des principales raisons d’avoir choisi la Caisse comme promoteur d’un projet de transports en commun était qu’elle promettait de tout réaliser « dans les temps et dans les budgets ». Sans avoir les chiffres définitifs, on sait maintenant que pour le REM de l’Ouest, ce sera loin d’être le cas.

Mais, heureusement, après l’horreur est venu l’honneur. Celui du premier ministre François Legault et de la mairesse de Montréal, Valérie Plante, qui ont présenté, lundi, un projet modifié qui efface les horreurs que l’on a connues.

Pas facile pour le premier ministre Legault de congédier CDPQ-Infra, puisqu’il était celui qui leur avait passé la commande. Un désaveu qui va inévitablement faire mal à la réputation de la Caisse. Mais qui est tout à l’honneur du premier ministre qui a su voir le manque d’acceptabilité sociale du projet. Et rejeter un modèle d’affaires qui ne favorisait que la Caisse.

La mairesse Plante a fait preuve de beaucoup de ténacité, ne lâchant jamais le morceau même quand elle semblait la seule à s’opposer à la Caisse et au gouvernement du Québec. Elle a trouvé le moyen de convaincre le premier ministre et de l’amener à adopter son point de vue.

Avec le résultat que le projet qui a été présenté lundi répond beaucoup mieux aux besoins de tous.

La grande force de ce projet est qu’il sera intégré au réseau de transports en commun existant plutôt que d’être en parallèle avec lui. On peut, certes, l’améliorer. En particulier, on devrait prolonger le tracé jusqu’à Rivière-des-Prairies, le quartier auquel on a, depuis des décennies, promis des transports en commun efficaces, sans jamais livrer. Et s’interroger sur la construction en hauteur qui devrait être remise en question.

Mais pour l’est de Montréal, qui a si souvent été oublié, c’est un investissement majeur et, enfin, un projet tout ce qu’il y a de plus honorable.