Dans son rapport annuel, le protecteur du citoyen, MMarc-André Dowd, documente les plaintes à l’endroit des ministères et des organismes gouvernementaux. Malgré des constats accablants, il est sûr qu’il existe des solutions pour les rendre plus efficaces. Entrevue.

Les ratés du site SAAQclic ont fait rager des centaines d’automobilistes tout l’été – et encore récemment – et forcé une intervention d’urgence de la ministre des Transports, Geneviève Guilbault.

MMarc-André Dowd croit que ce psychodrame, au sujet duquel il a reçu de nombreuses plaintes, aurait pu être évité. « La gestion de la transition d’un système informatique implique toujours une perte de productivité, fait-il remarquer. Il faut former les employés et prévoir un temps d’adaptation des usagers. Pour éviter de se trouver en zone de risque, il faut bien planifier longtemps à l’avance. »

PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

Le gouvernement devrait tirer des leçons des ratés du virage numérique de la SAAQ.

Dans son plus récent rapport annuel, MDowd souligne que la SAAQ avait nettement sous-estimé l’impact de la fermeture de son site et la réaction des usagers. Cet échec, qui a été corrigé, devrait servir de contre-exemple à tous les autres ministères qui envisagent une transformation numérique, en particulier celui de la Santé.

Le monstre de la bureaucratie

Spécialiste de ce qui ne tourne pas rond dans les différents services de l’État, le protecteur du citoyen a reçu 48 975 appels pour l’année 2022-2023. De ce nombre, on compte des milliers de demandes d’informations et des plaintes en bonne et due forme.

Face à cette montagne d’insatisfaction collective, MDowd a identifié des actions à entreprendre rapidement pour améliorer les services et rétablir la confiance de la population.

À commencer par s’attaquer à la bureaucratie. « Il faut mieux accompagner le citoyen dans les dédales bureaucratiques, lance-t-il lors d’un entretien téléphonique. Il faut également réduire la complexité des processus. »

L’État doit jouer le rôle d’intermédiaire, il doit accompagner les citoyens et simplifier l’information, pas la compliquer.

MMarc-André Dowd, protecteur du citoyen

MDowd croit qu’on doit tenir compte du niveau de littératie de la population. « Il faut être capable de simplifier, d’aller à l’essentiel, croit-il. C’est une question de respect. »

La question des délais d’attente le préoccupe également.

« Chaque service doit être précis et honnête quand il gère les attentes des contribuables, croit-il. Combien de temps vais-je attendre ? Quel est mon rang dans la file d’attente ? Peut-on me rappeler à l’heure qui me convient ? Toutes les approches dont l’objectif est de réduire le temps d’attente doivent être considérées. »

Enfin, le protecteur du citoyen estime qu’une meilleure collaboration entre les différents organismes et ministères améliorerait grandement les services à la population. Pensons seulement aux personnes en situation d’itinérance dont le dossier requiert l’intervention simultanée de plusieurs ministères. Personne n’aime se sentir comme une vulgaire balle de ping-pong entre différents intervenants…

La technologie à notre secours

La technologie ne nous sauvera peut-être pas, mais elle peut aider les gouvernements à nous offrir de meilleurs services. À condition de ne pas écraser les usagers avec des processus trop compliqués, croit MDowd. « Il faut développer une prestation de services électronique inclusive, des sites conviviaux, des formulaires intuitifs, énumère-t-il. Il faut également développer une expertise en écriture simplifiée afin que les contenus soient facilement intelligibles. »

Qui dit technologie dit intelligence artificielle. « On doit réfléchir tout de suite au développement de l’IA comme solution au travail des agents de l’État et se doter de balises éthiques », ajoute MDowd.

Enfin, il ne faut pas abandonner les gens qui n’ont pas accès à un ordinateur. « Ces gens-là doivent pouvoir parler à un être humain, insiste-t-il. Il ne faut laisser personne derrière. 

Plaignez-vous !

Ça peut sembler paradoxal à première vue, mais parmi les solutions avancées par le protecteur du citoyen pour améliorer les services gouvernementaux, Marc-André Dowd propose d’améliorer les mécanismes de plaintes.

« Si c’est fait dans l’optique d’amélioration continue, ça peut avoir un impact positif », estime celui qui, avec son équipe, peut se vanter d’avoir fait un suivi pour 98 % des plaintes reçues. « Nous avons réglé bien des situations individuelles. »

Le protecteur du citoyen croit également dur comme fer au partage des bonnes pratiques, qu’il souhaite d’ailleurs mettre en lumière à l’avenir.

Il y a des choses qui marchent bien. Quand c’est le cas, il faut reproduire les conditions de ce succès. Il faut les partager. Et valoriser la fonction publique au sein de laquelle on retrouve des femmes et des hommes qui ont à cœur de livrer de bons services à la population.

MMarc-André Dowd, protecteur du citoyen

Avant que la situation se détériore davantage, Marc-André Dowd interpelle tous les acteurs de la société, pas seulement la fonction publique. « Les syndicats, les ordres professionnels, les institutions d’enseignement… Il est temps de créer un chantier collectif pour s’attaquer à cet enjeu, croit-il. Ça prend une sérieuse prise de conscience. Ensuite, il faut se dire : on le fait ! »

Consultez le site du protecteur du citoyen