(Saint-Hyacinthe et Montréal) Pauline Marois assure que l’intervention à laquelle elle a participé avec cinq autres ex-premiers ministres pour convaincre Christian Dubé de modifier sa réforme était conforme aux règles en matière de transparence et de lobbyisme. Le ministre de la Santé a par ailleurs pris la plume samedi pour défendre ses visées.

Le commissaire au lobbyisme, Jean-François Routhier, a remis en question vendredi la transparence de la démarche des six anciens premiers ministres qui ont écrit directement à François Legault pour que son gouvernement fasse marche arrière sur certains éléments de la réforme du ministre de la Santé. Cette sortie rarissime a fait grand bruit la semaine dernière à l’Assemblée nationale.

« C’est toujours facile de faire ces commentaires-là [après], mais au moment où on s’engage dans cette démarche-là, on le fait en toute transparence, en toute honnêteté et surtout avec une conviction profonde que le système de santé serait mieux servi », a plaidé l’ex-première ministre en marge du Conseil national du Parti québécois à Saint-Hyacinthe.

Dans un communiqué diffusé vendredi en fin de journée, MRouthier s’interroge sur l’intervention des ex-premiers ministres, qui ont publié mardi le contenu de leur lettre adressée à M. Legault, insatisfaits des amendements proposés par le ministre Dubé à son projet de loi 15.

« Le caractère public de cette lettre lui confère une aura de transparence. Mais est-ce vraiment le cas ? Son contenu correspond-il aux attentes minimales de transparence fixées par l’État québécois au bénéfice de ses citoyens lorsque l’on tente d’influencer la décision d’une institution publique, notamment en matière d’orientations législatives ? », demande le commissaire au lobbyisme.

Il fait valoir que si un lobbyiste avait transmis une telle lettre au ministre de la Santé, il aurait été tenu de respecter les exigences de divulgation prévues par la Loi sur la transparence et l’éthique en matière de lobbyisme. Selon lui, il existe par ailleurs « de nombreuses failles » dans la loi actuelle, notamment « l’exclusion, trop souvent invoquée, des communications d’influence faites bénévolement », comme ici.

Les six ex-premiers ministres s’opposent à ce que les centres hospitaliers et les instituts universitaires soient « fusionnés » à Santé Québec, la société d’État que crée la réforme Dubé. Le ministre de la Santé a proposé ces derniers jours une série d’amendements pour répondre à certaines de leurs préoccupations.

« On ne le fait pas au nom d’une quelconque personne cachée derrière les rideaux, on le fait au nom des établissements qui ont des expertises extraordinaires. Si le commissaire au lobbyisme croit que la loi n’est pas suffisamment claire, il peut proposer des changements », a répondu Mme Marois.

Il y a quatre avocats parmi les six [anciens] premiers ministres, je pense qu’ils doivent être conscients qu’il y a des règles à respecter.

Pauline Marois, première ministre du Québec, de 2012 à 2014

Mme Marois affirme également avoir demandé si « tout [était] correct et conforme à la loi sur le lobbying » avant de s’impliquer. Elle a aussi confirmé que la démarche avait été lancée par le président du conseil d’administration de l’Institut de cardiologie de Montréal, Éric Bédard, ainsi que le révélait la semaine dernière Le Journal de Montréal. Elle a été « contactée » pour y participer et a « surtout parlé » avec Lucien Bouchard.

La lettre est signée par Pauline Marois, Lucien Bouchard, Jean Charest, Philippe Couillard, Daniel Johnson et Pierre Marc Johnson.

Christian Dubé défend sa réforme

Par ailleurs, Christian Dubé a pris la plume samedi pour défendre son projet de réforme. « La pandémie a mis en lumière les lacunes et les défis auxquels notre réseau de santé est confronté », a-t-il rappelé sur les réseaux sociaux Facebook et X.

Dans cette missive, il donne des exemples de la façon dont le réseau de la santé deviendra plus accessible et efficace, selon lui, grâce à sa réforme. Par exemple, les Québécois devraient pouvoir savoir où ils se trouvent sur une liste d’attente en chirurgie et se faire opérer dans une autre région, ou même au privé (remboursé par le gouvernement) si les délais sont trop longs avant leur opération, explique-t-il.

Selon M. Dubé, la nouvelle agence Santé Québec « permettra de briser les silos, mais aussi d’appliquer plus efficacement les meilleures pratiques partout dans le réseau ».

La réforme permet de décentraliser en séparant les orientations, qui relèveront du ministère de la Santé et des Services sociaux, et les opérations, qui seront du ressort de Santé Québec, estime-t-il. « Il est même spécifié dans la loi que toutes les décisions devront se prendre au niveau décisionnel le plus près possible du patient », précise M. Dubé dans sa lettre à la population. « Ce n’est plus vous qui allez vous adapter au réseau, mais bien le réseau qui va se rendre plus accessible à vous », renchérit-il.

Enfin, M. Dubé affirme qu’un Comité national des usagers sera créé pour s’assurer « que la voix des patients soit entendue et que les corrections puissent être apportées lorsque des situations inacceptables se produisent ». Samedi, l’Alliance des patients pour la santé estimait justement que le projet de loi menaçait de diluer la voix des usagers du système.