Quel est l’âge moyen de la première exposition à la porno ? Les garçons sont-ils de plus grands utilisateurs que les filles ? Quels sont les impacts sur la sexualité adolescente ? Beáta Bőthe et Marie-Pier Vaillancourt-Morel, professeures au département de psychologie de l’Université de Montréal et de l’Université du Québec à Trois-Rivières, suggèrent des pistes et des lectures pour approfondir la réflexion.

La première fois

Ils en voient très tôt. Les jeunes Québécois exposés à du contenu pornographique le sont dès l’âge de 11-12 ans, selon une étude menée en 2023 auprès de 2846 ados de troisième année du secondaire, par le Laboratoire d’étude de la santé sexuelle.

À 14 ans, les deux tiers des ados ont déjà accédé à du contenu pornographique : 83 % des garçons et 47 % des filles. Toujours selon cette étude, les garçons « dont l’identité, l’orientation ou les pratiques sexuelles diffèrent de celles de la majorité » sont ceux qui regardent le plus de contenus pornographiques (plusieurs fois par semaine), alors que les filles hétérosexuelles sont celles qui en consomment le moins (moins d’une fois par mois).

Lisez l’étude (en anglais)
Consultez l’infographie présentant les principales conclusions de l’étude Lisez l’étude « Sexualité numérique : sexting et pornographie chez les adolescent.e.s » Lisez une étude qui s’intéresse aux motivations des jeunes consommateurs de porno 

L’éducation sexuelle

Quels sont les effets d’une consommation excessive de pornographie sur le cerveau ?

« Nous n’avons pas beaucoup d’études longitudinales sur les effets potentiels de l’utilisation de la porno, répond Mme Bőthe. Nous n’avons pas d’études qui suivent des ados jusqu’à l’âge adulte. Mais ce qu’on peut dire, c’est que les ados sont intéressés par la sexualité. Quand ils n’ont pas de réponses à leurs questions, à l’école, à la maison ou sur l’internet, ils se tournent vers la pornographie.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Beata Bőthe, professeure au département de psychologie de l’Université de Montréal

« Est-ce que c’est négatif, positif ? On ne le sait pas encore. Mais on sait que les jeunes peuvent être influencés par ce qu’ils regardent. Par exemple, si des homosexuels voient une vidéo porno montrant deux hommes qui ont des relations non protégées, ils vont avoir tendance à ne pas utiliser de protection. »

Ces données montrent l’importance d’enseigner la sexualité aux jeunes et d’aborder l’utilisation de la pornographie, ses dommages et avantages potentiels, estime Mme Bőthe. « Il faut accompagner les ados dans l’utilisation de la porno pour promouvoir une utilisation qui est saine et une sexualité, surtout, qui est satisfaisante », ajoute Marie-Pier Vaillancourt-Morel.

Deux livres à lire à ce sujet :

Parlez-leur d’amour et… de sexualité, de Jocelyne Robert, et Tout nu ! Le dictionnaire bienveillant de la sexualité, de Myriam Daguzan Bernier.

Les effets positifs

Dans une étude qui vient de paraître, Marie-Pier Vaillancourt-Morel et ses collègues se sont intéressés au type de pornographie consommée par les jeunes de 17 à 30 ans. Ils ont identifié cinq types de contenus sexuels : la sexualité en groupe, la passion et la romance, le mélange des genres, la sexualité interdite et la porno sexuelle brutale.

Résultat : la consommation de pornographie de type passionnel et romantique est associée à une meilleure satisfaction sexuelle, tandis que l’utilisation de pornographie où le pouvoir, le contrôle et la brutalité sont mis de l’avant est liée à une plus faible satisfaction sexuelle et à une moins bonne fonction sexuelle chez les hommes.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Marie-Pier Vaillancourt-Morel, professeure adjointe au département de psychologie de l’Université du Québec à Trois-Rivières

« Chez certains jeunes, ce contenu rough a potentiellement des effets plus négatifs, alors que le contenu plus romantique aurait des effets positifs », explique Mme Vaillancourt-Morel.

« C’est intéressant et important de prendre en considération la sorte de pornographie que les gens regardent, renchérit Mme Bőthe. Ce n’est pas suffisant de demander à quelle fréquence les gens consomment de la porno ou quels sites internet ils utilisent. C’est vraiment important de demander quelle sorte de porno ils regardent. »

Lisez cette étude (en anglais)

L’utilisation problématique

La consommation de porno devient problématique lorsqu’elle génère de la détresse chez les utilisateurs, soutient Mme Vaillancourt-Morel.

« On voit beaucoup de honte, chez certaines personnes, à utiliser de la pornographie, même si elles n’en utilisent pas tant que ça, dans les faits, dit-elle. On va donc regarder le niveau de détresse. On va aussi regarder si ça altère ses activités. Est-ce que le jeune va préférer regarder de la pornographie au lieu de sortir avec des amis, un soir ? Est-il capable de contrôler son utilisation ou est-ce que c’est une utilisation un peu hors de son contrôle ? »

La porno peut aussi influencer le « script » de la sexualité, la façon de la concevoir. « Cependant, note la professeure, ce n’est pas tant la pornographie, le problème, mais peut-être plus le manque d’éducation sexuelle. Avec nos études, on essaie de dresser les lignes directrices pour une utilisation de la porno qui serait plus saine. »

Consultez le site de Tel-jeunes, où on trouve des informations vulgarisées sur la pornographie