Le REM n’a pas encore transporté son premier passager que, déjà, une question importante se pose : fait-il trop de bruit ?

Des résidants de Griffintown, de Pointe-Saint-Charles et de l’île des Sœurs se plaignent du bruit du nouveau Réseau express métropolitain (REM), propriété de la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ), qui fait des tests sans passagers depuis des semaines.

La Caisse dit vouloir être un « voisin exemplaire ». « On est là pour les 100 prochaines années. L’un de nos principes, c’est d’être un voisin exemplaire, un voisin qui crée de la valeur et non des désagréments aux riverains », dit Harout Chitilian, vice-président aux affaires corporatives de CPDQ Infra, filiale de la Caisse qui est propriétaire majoritaire du REM.

On salue cette intention du REM d’être un « voisin exemplaire ».

Le problème, c’est que tout le monde n’a pas la même définition de « voisin exemplaire ».

Pour l’instant, CDPQ Infra, qui fait des tests de bruit à la suite des plaintes des résidants, s’engage uniquement à apporter des mesures correctives si le bruit du REM dépasse le seuil permis par la réglementation provinciale sur le bruit qui s’applique au REM (les décrets provinciaux du REM).

Bref, la Caisse s’engage à respecter la loi, point. À notre avis, c’est très loin d’être suffisant.

Un « voisin exemplaire » ne fait pas que respecter la loi. Il fait des efforts supplémentaires pour réduire le bruit dans les quartiers qu’il dessert. Surtout que le décret sur le bruit qui s’applique au REM n’est pas particulièrement sévère1. Que le bruit est un enjeu de santé publique (voir capsule). Et que le bruit ambiant dans Griffintown est déjà légèrement supérieur à la recommandation de l’OMS de 55 décibels (dB) le jour.

Il y a plusieurs façons de réduire le bruit du REM : ajouter des murs antibruit, faire de l’entretien supplémentaire, ajouter des pièces en caoutchouc ou de l’huile supplémentaire sur les rails2. Le coût de ces ajustements sera minime sur un projet d’au moins 6,9 milliards. Et les bénéfices énormes pour la qualité de vie des Montréalais et des Longueuillois.

À quel point le REM est-il bruyant ? On a tenté de répondre de façon approximative à la question, en allant mesurer le bruit près du REM au bassin Peel mercredi dernier en fin d’après-midi avec une application mobile. À deux endroits au bassin Peel dans Griffintown, l’un avec un mur antibruit (au coin des rues Peel et Smith), l’autre sans mur antibruit (à côté de la piste cyclable près du pont Wellington).

Notre petite expérience ne vaut certainement pas les tests professionnels que la CDPQ Infra est en train de faire3 et a promis de rendre publics, mais ça donne une petite idée.

Sans mur antibruit près du pont Wellington, le bruit passe en moyenne de 56 dB (bruit ambiant sans le REM) à 77,5 dB lors du passage du REM pendant 36 secondes, selon nos mesures. Il s’agit d’une hausse de 21,5 dB.

Pour donner une idée, près du pont Wellington, le REM était plus bruyant (bruit maximal de 80 dB, y compris le bruit ambiant) que les trains de VIA Rail (75 dB) et d’exo (76 dB). Et le REM passera beaucoup plus souvent – une fois toutes les trois minutes et demie aux heures de pointe.

Au deuxième endroit, celui avec un mur antibruit (au coin des rues Peel et Smith), la différence est importante : le bruit passe en moyenne de 58 dB (bruit ambiant) à 66,5 dB au passage du REM. C’est une hausse de 8,5 dB. Le bruit maximal atteint par le REM est alors de 69 dB.

Sans surprise, le REM est beaucoup moins bruyant avec un mur antibruit. Sauf qu’il y a des murs antibruit sur seulement 0,9 km des 16 km de la première phase du REM entre la Rive-Sud et la gare Centrale (celle qui doit être inaugurée cet été).

La réglementation provinciale sur le bruit qui s’applique au REM n’est pas très sévère. En gros, on calcule la hausse moyenne de bruit sur une période de 24 heures, et on permet au REM d’ajouter un nombre de décibels (moyenne sur 24 heures) variant selon le niveau de bruit ambiant (plus le bruit ambiant est élevé, moins on permet d’ajouter des décibels).

Selon nos estimations (qui sont à titre indicatif), au bassin Peel, le REM respecterait dans les deux cas amplement la réglementation provinciale, qui lui permet de hausser le bruit de 4 dB sur une moyenne de 24 heures. (Avec nos mesures, on arrive à une hausse de 2,1 dB sans mur antibruit et une hausse de 0,5 dB avec mur antibruit, sur une moyenne de 24 heures4.)

On revient toutefois au postulat de base : faire le minimum exigé par la réglementation provinciale ne fait pas de vous un « voisin exemplaire ». Surtout quand la réglementation n’est pas particulièrement exigeante.

À première vue, le mur antibruit semble une solution particulièrement efficace. CDPQ Infra doit envisager d’y recourir de façon très importante. C’est plus important d’être un « voisin exemplaire » que d’offrir une belle vue à ses usagers, qui auront le nez sur leur téléphone ou leur livre de toute façon ! (Combien coûte chaque kilomètre de mur antibruit ? CDPQ Infra n’est pas en mesure de répondre à cette question.)

On attend avec impatience les résultats des tests officiels (et fiables) de CDPQ Infra, qui devra être d’une transparence exemplaire dans ce dossier.

Tout le monde pousserait un soupir de soulagement si le grand patron de la Caisse de dépôt, Charles Emond, s’engageait haut et fort, dès maintenant, à ce que CDPQ Infra réduise au maximum le bruit du REM. Pas que CDPQ Infra se contente de faire le minimum requis par la loi.

On souhaite tous que le REM soit un grand succès. Pour que ce soit le cas, le REM devra aussi être un voisin exemplaire.

Le bruit, un enjeu de santé publique

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), un milieu de vie trop bruyant a des « effets néfastes sur le bien-être et la santé des individus »5, notamment sur la perturbation du sommeil et les maladies cardiovasculaires. L’OMS recommande un bruit moyen quotidien inférieur à 55 dB en milieu urbain. De façon générale, une hausse du bruit sur une courte période (p. ex. : 80 dB sur 30 s) comme avec un système de transport collectif n’est pas nocive pour la santé si la moyenne quotidienne de bruit reste sous la recommandation de 55 dB, selon la Direction régionale de santé publique de Montréal, qui attend les résultats des tests sonores du REM pour se prononcer spécifiquement sur le cas du REM.

Échelle du niveau de bruit

  • 0 dB : seuil de l’audition
  • 20 dB : sensation de grand calme
  • 40 dB : lieu paisible
  • 60 dB : conversation normale
  • 80 dB : conversation difficile, sensation de fort bruit
  • 100 dB : niveau supportable pour une courte période (p. ex. : une perceuse)
  • 120 dB : niveau insoutenable (p. ex. : une ambulance)
  • 140 dB : niveau insupportable (p. ex. : décollage d’un avion à moins de 50 m)

Source : CDPQ Infra

1. Ça ne veut pas dire que la réglementation est plus sévère ailleurs au Canada. À Ottawa, le bruit avec le train léger O-Train ne peut pas dépasser 80 dB en tout temps. Sans mur antibruit, le bruit maximal du REM dans Griffintown a atteint un maximum de 80 dB pendant quelques secondes, selon notre estimation.

2. Il s’agit des suggestions de l’expert Pierre Barrieau, de l’Université de Montréal, dans le cadre d’un article rédigé par notre collègue Henri Ouellette-Vézina.

Lisez « Bruit du REM : des tests de son pour calmer la grogne »

3. La réglementation qui s’applique au REM ne l’oblige pas à faire ces tests ce printemps avant la mise en service, mais la Caisse a décidé d’être proactive, et c’est tant mieux.

4. Nous sommes arrivés à ces estimations en calculant que le REM passerait toutes les trois minutes et demie durant les heures de pointe, toutes les sept minutes durant les autres périodes de la journée, et ne passerait pas durant quatre jours par année.

5. Rapport Le bruit et la santé de la Direction de santé publique de Montréal, publié en 2017.