CDPQ Infra veut calmer le jeu face à la grogne suscitée par le bruit du passage des trains de son Réseau express métropolitain (REM), toujours en phase d’essais. À quelques semaines du lancement officiel du premier tronçon, des tests de son seront effectués dans Griffintown, dans Pointe-Saint-Charles et à L’Île-des-Sœurs pour déterminer si des mesures d’atténuation peuvent être prises.

Ce qu’il faut savoir

  • Le premier tronçon du REM, reliant la Rive-Sud au centre-ville de Montréal, doit en principe être livré d’ici le 21 juin.
  • Des résidants de plusieurs quartiers se plaignent depuis quelques mois déjà du fort bruit généré par les tests en cours.
  • CDPQ Infra affirme que ses tests de son pourraient mener à des mesures supplémentaires le cas échéant, mais ne s’y engage pas.

« Ça change vraiment la quiétude de notre milieu de vie », affirme Véronique Samson, qui habite rue Richardson, tout près des installations ferroviaires où circulera bientôt le REM. « On a une petite cour arrière qui donne sur une ruelle. Et on entend les oiseaux normalement. Depuis les tests du REM, c’est vraiment fort », insiste-t-elle.

On a refait faire nos portes et fenêtres en 2020 et on l’entend quand même les portes fermées. C’est vraiment un bruit hors du commun.

Véronique Samson, résidante de Pointe-Saint-Charles

Elle affirme que de « rouler à une moins grande vitesse dans les zones résidentielles » permettrait déjà de « réduire beaucoup le bruit ». « On est ici depuis 2014, on adore le quartier, donc c’est sûr qu’on va mettre de la pression », ajoute Mme Samson.

Même son de cloche chez Anne Côté, qui demeure tout près, rue Mullins. « C’est vraiment dérangeant. C’est comme un bruit blanc qu’on entend tout le temps. Même avec des écouteurs dans ma cour ou à l’intérieur les fenêtres fermées, je l’entends. En fait, le REM, on l’entend arriver, on le voit, puis on l’entend encore partir », lance-t-elle.

Ces derniers mois, une vaste mobilisation s’est orchestrée sur les réseaux sociaux, afin d’obtenir des mesures d’atténuation, dont un mur antibruit. Action-Gardien, corporation de développement communautaire de Pointe-Saint-Charles, affirme avoir reçu « de nombreuses plaintes » liées au bruit du REM.

Ce n’est juste pas normal qu’en 2023 un projet structurant pour les citoyens fasse autant de bruit. On est dans un quartier tranquille, on entend la nature et on y tient. Tout le monde est pour le transport collectif, mais ça peut se faire autrement.

Anne Côté, résidante de Pointe-Saint-Charles

Installée dans Pointe-Saint-Charles depuis bientôt 10 ans, la Montréalaise dit avoir l’habitude de composer avec le bruit des trains, notamment ceux du Canadien National (CN), sauf que ceux-ci sont « ponctuels et beaucoup moins fréquents ». « Là, ça fait vraiment peur. On parle de 20 heures sur 24, un service toutes les deux minutes et demie en heure de pointe. Le bruit serait continuel », illustre-t-elle.

« Cueillette par sonomètres »

Des mesures s’en viennent, promet CDPQ Infra sans toutefois prendre d’engagement formel. Sa porte-parole, Emmanuelle Rouillard-Moreau, précise qu’une « campagne de mesures sonores » sera bientôt lancée dans Pointe-Saint-Charles, dans Griffintown et à L’Île-des-Sœurs, afin d’effectuer une « cueillette de données de bruit par sonomètres et de procéder à l’analyse de celles-ci ».

Le tout devrait être lancé au début de la semaine prochaine. « À la suite des analyses, nous pourrons déterminer la nécessité ou non des mesures supplémentaires et la nature de celles-ci », explique encore Mme Rouillard-Moreau, sans s’avancer davantage.

CDPQ Infra assure également dans un courriel à des résidants consulté par La Presse que des « modélisations détaillées » ont déjà été réalisées pour « bien comprendre l’impact sonore du passage du REM ».

Dans Pointe-Saint-Charles, « l’impact sonore mesuré le plus près des rails, soit la différence entre le bruit ambiant et le bruit avec le passage du REM, n’est pas significatif », y soutient-on, en ajoutant néanmoins que les équipes vont s’assurer que les mesures « à la source pour réduire le bruit » sont bien en place, dont le « graissage des voies et du lubrifiant prévu dans les courbes ».

Plusieurs options existent

L’expert en planification des transports à l’Université de Montréal Pierre Barrieau rappelle que « plusieurs choses peuvent être faites » pour atténuer le bruit.

« Sur les véhicules, ça peut être de l’entretien supplémentaire, ou encore des pièces en caoutchouc pour diminuer les vibrations et les bruits, voire de l’huile supplémentaire sur les voies et les roues », dit-il.

Il y a des choses qui se font aussi maintenant au niveau de l’acoustique, donc en ce qui concerne les ondes émises par le véhicule lui-même.

Pierre Barrieau, expert en planification des transports à l’Université de Montréal

À ses yeux, un mur antibruit ne serait pas la meilleure option, surtout parce qu’il « bloquerait la vue des usagers » à bord des trains, en plus d’attirer le vandalisme. « Ce qu’on voit ailleurs dans le monde, souvent, ce sont des programmes d’insonorisation des maisons. Ça consiste essentiellement à remplacer les fenêtres à deux panneaux de verre par des fenêtres à trois panneaux, voire à procéder à une pose d’isolant supplémentaire qui aide à bloquer le bruit », poursuit M. Barrieau.

Ce dernier rappelle toutefois qu’il faudra d’abord déterminer « si le bruit généré par le REM dépasse réellement les normes gouvernementales ». « C’est ce que les chiffres des analyses vont pouvoir nous dire. L’équipement est encore en rodage, donc il se peut aussi que certains bruits disparaissent », conclut-il.

En savoir plus
  • 30 jours
    Préavis dont dispose CDPQ Infra pour informer les sociétés de transport du Grand Montréal de la livraison du premier tronçon du REM. Selon nos informations, CDPQ Infra n’a toujours pas rempli cette obligation légale, un peu plus d’un mois avant la livraison prévue le 21 juin.