Vous rêvez de voir Arctic Monkeys au Centre Bell le 2 septembre prochain ? Commencez à économiser.

Au moment de nos recherches, le billet le moins cher se détaillait 238 $. Les plus chers étaient affichés à près de 1000 $.

Pour Peter Gabriel, qui se produira une dizaine de jours plus tard, on voit des billets en revente à plus de 2000 $.

On a vu pire, direz-vous. C’est vrai. On se souvient encore des billets à 13 000 $ pour le spectacle des vieux punks de Blink-182 l’an dernier. De quoi donner envie de chanter Say it Ain’t So/I Will Not Go.

Sans compter que voir des artistes comme Taylor Swift ou Madonna sans être juché dans les hauteurs des gradins peut coûter le prix d’un voyage – ou l’équivalent d’un mois de loyer, voire bien plus.

C’est devenu malsain.

Bien sûr, la bonne vieille loi de l’offre et de la demande est à l’œuvre ici. Tant que des gens seront prêts à allonger des billets verts, d’autres se feront un plaisir de les empocher.

On sait aussi qu’on ne reverra jamais les prix des billets des années 1990. À l’époque, les musiciens gagnaient leur vie en vendant des disques et faisaient des tournées pour les promouvoir. Aujourd’hui, avec la musique accessible pour rien ou presque sur le web, ce sont les tournées qui génèrent le fric. Il est donc normal que les spectacles coûtent plus cher.

Sauf que la démesure à laquelle on assiste suscite plusieurs questions.

L’une des plus intrigantes est de savoir dans quelles poches finissent les dollars des fans.

Le géant Ticketmaster utilise maintenant la tarification dynamique pour ajuster les prix selon la demande, comme cela se fait pour les billets d’avion.

Ceux qui connaissent bien le système en profitent pour acheter quand les prix sont bas et revendre quand ils montent.

Grâce à des sites comme Stubhub ou billets.ca, la revente de billets est aussi facile que lucrative. Ticketmaster a répliqué avec son propre site de revente. Les billets – et les dollars – changent ainsi de mains comme à la Bourse.

Quelle proportion des gains finit dans les poches des artistes ? Laquelle échoue dans celles de Ticketmaster ou des revendeurs ? « Ces données-là, on ne les connaît pas. C’est un problème », estime Johanne Brunet, experte en marketing de l’industrie culturelle à HEC Montréal.

On sait toutefois qu’artistes et vendeurs de billets ne s’entendent pas toujours comme larrons en foire. De Pearl Jam dans les années 1990 à The Cure aujourd’hui, certains sont montés au front contre le puissant Ticketmaster.

Sous le couvert de l’anonymat, un acteur de l’industrie du spectacle avait aussi confié à notre collègue Marissa Groguhé que les artistes, les agents et les producteurs « enragent » de voir des billets se vendre au double du prix qu’ils ont déterminé « sans toucher un cent de cette plus-value1 ».

En 2018, le Toronto Star et CBC ont même révélé que Ticketmaster recrute elle-même des revendeurs pour stimuler l’escalade des prix2 !

Il y a visiblement des profiteurs dans le bateau. Et il semble clair qu’un grand ménage s’impose au sein de l’industrie des billets de spectacle.

L’autre problème avec le prix exorbitant des billets de spectacle, c’est que le budget discrétionnaire des mélomanes n’est pas infini.

Quand on paie 600 $ pour un spectacle de Peter Gabriel, il reste moins d’argent dans le portefeuille pour voir Gab Bouchard ou Ariane Roy.

Les prix stratosphériques contribuent ainsi à la concentration des revenus vers une poignée de vedettes internationales et nuisent à la vigueur de notre scène culturelle.

Selon l’Observatoire de la culture et des communications du Québec, le prix moyen d’un spectacle de chanson anglophone est plus du double (72 $) que celui d’un spectacle de chanson franco (32,50 $). L’écart se creuse et c’est préoccupant.

Des outils existent pourtant pour lutter contre l’inflation des billets. Au Québec, la Loi sur la protection du consommateur stipule qu’un commerçant ne peut vendre un billet de spectacle au-delà du prix autorisé par le promoteur.

La question est de savoir si, lors des reventes de billets, des sites comme Ticketmaster ou Stubhub agissent à titre de commerçants ou si, comme ils le prétendent, ils ne font que mettre en contact vendeurs et acheteurs.

L’Office de la protection du consommateur refuse de nous dire quelle interprétation il fait de la question, mais assure s’y pencher « avec beaucoup d’attention ».

Il est temps d’obtenir des réponses de la part de cet organisme du gouvernement provincial censé défendre les consommateurs. Parce que si la base légale le permet, Québec doit avoir le courage de passer à l’action.

Des aliments à votre forfait de téléphone en passant par l’essence, le prix de plusieurs biens et services fait l’objet de surveillance, de demandes de transparence et de discussions publiques. Il est temps d’inclure celui des billets de spectacle dans le lot.

1. Lisez notre dossier « Pourquoi les billets de spectacles sont-ils si chers ? » 2. Lisez un article de la CBC (en anglais)