L’été 2023 marque le vrai retour en salle des cinéphiles.

On avait déjà observé un début de reprise l’an dernier, mais on note cet été un véritable retour aux niveaux de fréquentation d’avant la pandémie : les salles sont souvent pleines, parfois même dès les premières représentations en matinée.

Vrai, la météo a contribué à attirer les vacanciers en salle avec plusieurs journées grises et pluvieuses.

Mais les gens du milieu du cinéma aiment croire que beau temps, mauvais temps, un bon film sera toujours plus fort que la météo. Les données en provenance des États-Unis semblent leur donner raison : à ce jour, les recettes de l’été 2023 sont meilleures que celles de 2017, 2018 et 2019.

Mais il y a d’autres raisons qui expliquent cette vigueur retrouvée du septième art.

D’abord, les sorties en salle de deux incontournables : Barbie et Oppenheimer. Il faut avoir passé l’été dans une grotte ou sur une île déserte pour ne pas avoir entendu parler de ces deux mégasuccès au box-office. Non seulement les cinéphiles sont nombreux à aller les visionner en salle, mais aussi ces deux films ont alimenté les discussions dans les soupers d’amis et dans les réseaux sociaux. Même ceux qui ne les ont pas vus ont une opinion !

Oui, il s’agit de mégaproductions américaines, mais ces films hyper populaires, qui bénéficient de campagnes de promotion impensables ici, ont un impact sur notre cinéma.

Les experts vous le diront, il y a un effet d’entraînement : plus on va au cinéma, plus on a envie d’y retourner.

La popularité de Barbie et d’Oppenheimer ne s’est donc pas faite au détriment des films d’ici. Ces derniers connaissent, eux aussi, une très bonne saison. En tête de file, Le temps d’un été, de Louise Archambault, dont les recettes dépassent les 1,6 million de dollars, ce qui fait de ce film le grand succès de l’année 2023. L’histoire imaginée par Marie Vien de ce généreux curé qui offre des vacances à un groupe d’itinérants a touché le cœur des Québécois. Que ce film soit interprété par des acteurs qui comptent parmi les meilleurs au Québec a sûrement pesé dans la balance.

Lancé quelques semaines plus tard, le film Les hommes de ma mère, mettant en vedette Léane Labrèche-Dor, connaît lui aussi un beau départ en salle.

Ces deux films ont plusieurs points en commun : ce sont des films populaires qui mettent en scène de belles histoires remplies d’émotion. Nos voisins du Sud diraient des « feel-good movies ». À une époque où l’actualité est dominée par l’inflation et la crise climatique, ça fait du bien.

Et à une époque où les grands studios américains nous inondent de films de superhéros, il y a quelque chose de réconfortant à visionner des films mettant en scène du « vrai monde » qui vit des situations auxquelles on peut s’identifier.

L’autre point commun entre Le temps d’un été et Les hommes de ma mère, c’est qu’ils sont tous deux écrits et réalisés par des femmes. Dans une industrie qui a souvent été monopolisée par les hommes, cela vaut la peine d’être souligné, d’autant plus que ce n’est pas anecdotique : l’automne sera lui aussi dominé par des films de femmes. Qu’on pense à Simple comme Sylvain, de Monia Chokri, qui nous arrive précédé d’un bel accueil au Festival de Cannes. Qu’on pense aussi à Solo, de Sophie Dupuis, et Les jours heureux, de Chloé Robichaud, qui seront tous deux présentés en première mondiale au TIFF, à Toronto, où on pourra également voir Vampire humaniste cherche suicidaire consentant, d’Ariane Louis-Seize.

Cette présence marquée des femmes n’est pas un hasard. Au-delà du travail individuel et du talent des cinéastes et des scénaristes, il faut aussi saluer le travail de terrain de l’organisme Réalisatrices équitables, qui travaille sur plusieurs fronts pour combattre les préjugés et la discrimination à l’endroit des femmes dans l’industrie du cinéma. À coup d’études, de campagnes de sensibilisation et d’éducation, elles ont fait bouger les choses et les institutions. En 2016, l’ONF, suivi de Téléfilm Canada et, un an plus tard, de la SODEC, a adopté des mesures de parité qui donnent des résultats concrets : les femmes sont plus nombreuses à réaliser des films, elles gèrent de plus gros budgets de production et elles attirent plus de cinéphiles en salle.

Les succès du Temps d’un été et du film d’Anik Jean, Les hommes de ma mère, le confirment.

Dans ce contexte, on ne peut que se réjouir du soutien financier accordé par le ministre de la Culture et des Communications, Mathieu Lacombe, au Gala Québec Cinéma : 600 000 $ pour la 25e édition, qui sera animée par Jay Du Temple et présentée sur les ondes de Noovo le 10 décembre prochain. On ne félicitera pas Radio-Canada d’avoir cessé la diffusion de ce gala qui répondait pourtant parfaitement au mandat de la société d’État, mais on peut féliciter Bell d’avoir pris le relais et d’offrir cette formidable vitrine au cinéma d’ici. Quant au travail de Québec Cinéma, qui fait voyager nos films à travers le pays en plus de les faire connaître auprès des jeunes publics, il est primordial pour développer de nouveaux publics.

Pour que l’été 2023 ne soit pas une exception, mais bien une tendance de fond, le cinéma québécois a besoin de tout le soutien qu’il peut trouver. Et surtout, il a besoin que nous nous déplacions pour aller voir les films en salle.