Pour le gouvernement de la Coalition avenir Québec (CAQ), le principal problème de l’exercice budgétaire de cette semaine ne sera pas son déficit record de 11 milliards de dollars. C’est plutôt un déficit de crédibilité que devra porter l’ensemble du gouvernement pour le reste de son mandat.

Le Québec a eu toutes sortes de gouvernements au cours des années : un gouvernement de docteurs, disait-on du gouvernement Couillard. Un gouvernement de gens d’affaires qui voulaient « runner l’État comme une business », avait-on décrit le deuxième gouvernement de Robert Bourassa. Un gouvernement de professeurs et de technocrates, avait-on qualifié celui de René Lévesque.

Aujourd’hui, le Québec a un gouvernement de comptables. Ses principales têtes d’affiche, les Legault, Girard, Fitzgibbon ou Dubé, sont des comptables ou des économistes bien rompus aux chiffres et aux bilans.

Alors, comment expliquer que, lors de la mise à jour économique de novembre, le gouvernement de comptables prévoyait un déficit d’environ 3 milliards et que celui-ci a bondi à 11 milliards en quelques semaines ? Ce n’est pas tant une question de chiffres qu’une question de crédibilité.

Même en soustrayant la contribution au Fonds des générations, même en admettant qu’on ne pouvait prévoir le coût final des négociations avec le secteur public, ce dépassement est totalement hors norme. En prime, le gouvernement n’a pas à présenter un plan de retour à l’équilibre budgétaire avant l’année prochaine, grâce à une révision de la loi, discrètement adoptée en fin de session avant Noël.

En fait, on apprend même que le ministre des Finances, Eric Girard, n’avait pas prévu de coussin pour tenir compte du résultat des négociations avec les employés de l’État, qui coûteront 3 milliards de dollars de plus que prévu par le gouvernement. Mais même si on avait considéré cette situation particulière, on ne serait pas arrivé à un déficit de 11 milliards.

Comment revenir à l’équilibre budgétaire, maintenant ? Deux mots. L’un est absolument tabou : « austérité ». L’autre est fortement suggéré : « optimisation ». Sauf que, dans les deux cas, ça ne peut que faire mal.

On ne peut pas parler d’austérité parce que le mot est à l’index depuis le gouvernement Couillard. Mais quand il manque autant d’argent pour boucler le budget, il n’y a pas mille moyens de s’en sortir : inévitablement, il y aura des compressions dans les dépenses. Que le gouvernement le dise ou pas.

Le gouvernement a voulu qu’on retienne de son budget qu’il investissait en santé et en éducation, mais même si on veut le croire, on peut légitimement se demander si les ressources seront là pour que les citoyens voient une différence concrète dans ces services essentiels.

D’autant que la solution que dit privilégier le gouvernement, soit l’optimisation, a rarement eu les résultats escomptés. Un seul exemple : le gouvernement veut faire le ménage dans les crédits d’impôt.

Mais on n’a qu’à voir les réactions au budget. Déjà, l’industrie du jeu vidéo monte au créneau pour dire que les crédits d’impôt sont absolument essentiels à sa survie. Et ce n’est qu’un petit exemple de ce qui s’en vient.

C’est une situation qui est d’autant plus sérieuse, sur le plan politique, que le temps passe vite. L’automne prochain, nous serons à mi-mandat du gouvernement Legault. Ce qui signifie que le plan de retour à l’équilibre budgétaire ne pourra être autre chose qu’une feuille de route pour d’inévitables compressions budgétaires en période préélectorale.

Pendant ce temps, les besoins d’investissements gouvernementaux ne vont pas diminuer. En particulier dans les transports, pour les municipalités, sans oublier Hydro-Québec, qui annonce déjà des investissements massifs pour assurer la décarbonation de l’économie.

Ce qui fait qu’il est difficile de décrire la situation dans laquelle se trouve le gouvernement Legault sans penser à la fable de la cigale et la fourmi.

Le gouvernement de la CAQ a hérité du pouvoir après des années d’austérité, mais les libéraux lui avaient tout de même laissé des finances publiques en ordre et des surplus.

Pour assurer sa réélection, le gouvernement Legault a beaucoup dépensé, et pas seulement pour atténuer les effets de la pandémie. Des chèques anti-inflation aux baisses d’impôts électoralistes, on a vite fait de vider la caisse.

Aujourd’hui, on ne peut que constater qu’un bon nombre de projets, souvent à saveur nationaliste, de ce gouvernement – comme les Espaces bleus, le Panier bleu, les Maisons des aînés – auront été des échecs et sont aujourd’hui abandonnés ou en voie de l’être.

Il en va de même du troisième lien, maladroitement ressuscité par le premier ministre au lendemain de sa défaite dans Jean-Talon. Une déclaration à laquelle on ne pouvait s’empêcher de penser quand M. Legault a évoqué, cette semaine, de nouvelles baisses d’impôt pour son éventuel troisième mandat.

Et pour finir la semaine, M. Legault est allé demander les pleins pouvoirs en immigration en sachant très bien que Justin Trudeau ne pouvait que lui dire non. Ça aussi, ce n’est pas très bon pour la crédibilité.

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