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Une annonce du Vatican est presque passée inaperçue il y a deux semaines : il y aura bientôt une nouvelle sainte au Québec.

J’étais à Sherbrooke la semaine dernière, lors d’une visite de l’archevêché pour un projet, et j’ai appris que le pape François allait canoniser mère Marie-Léonie Paradis (1840-1912), fondatrice des Petites Sœurs de la Sainte-Famille, une congrégation créée à la fin du XIXsiècle. Si elle a été rendue bienheureuse par Jean-Paul II en 1984, c’est un miracle par intercession qui vient justifier sa canonisation. On a prié la religieuse et une nouveau-née de sexe féminin a été sauvée de la mort, en 1986 aux soins intensifs à Saint-Jean-sur-Richelieu. La cinquième femme sainte d’un groupe restreint de huit. L’Église respecte et dépasse même les critères de parité parfois, semble-t-il, mais c’est un autre sujet…

En parallèle, une autre histoire vécue, celle d’un gars qui, en voulant éviter d’aller aux urgences pour un véritable problème de santé (en respectant la demande du ministre Dubé d’éviter justement les urgences), a tenté de passer par le système normal.

Une douleur inquiétante, pas de celles d’un virus ou d’une bactérie banale, mais autre chose, qui requérait aussi une consultation pressante. L’homme, en bon citoyen, appelle la clinique GMF de son médecin de famille. Pour un rendez-vous d’urgence rapide (dit-on dans la brochure), l’attente au téléphone dure au minimum une heure, avec une musique de marde, et une femme lui répond la même chose quatre jours d’affilée : désolée, tous les rendez-vous disponibles sont comblés pour la journée, il faut rappeler demain à 8 h.

– C’est ce que je fais depuis quatre jours, il répond.

– Désolée, c’est comme ça, faut réessayer demain.

Le gars a mal et se fait du sang de cochon. Dans un autre registre d’appel, il réussit à avoir un rendez-vous avec son médecin de famille, mais dans un mois. Mais il ne se résignera pas à attendre quatre semaines avec cette douleur.

Il appelle un ami médecin un jeudi en fin de matinée. Ce même jeudi midi, l’ami médecin envoie une réquisition d’analyses à un laboratoire privé. Un rendez-vous de tests est planifié à 15 h 10 (urine et prise de sang), et les résultats sont transmis dans la même soirée. Hallucinant. Moins de 12 heures. Ça peut donc être efficace, il se dit.

Ne tirons pas sur les ministres de la Santé ni sur la classe politique qui tentent depuis 30 ans d’améliorer un système. Ils ont lamentablement échoué et ne réussiront pas dans cette vie. On sait par ailleurs que ça fonctionne assez bien, à quelques exceptions près, lorsqu’on « entre » dans la machine. Saluons l’efficacité du curatif. Mais encore là, les exemples exécrables abondent aussi et on les retrouve régulièrement relatés dans les médias.

L’exemple du gars qui tente d’avoir un rendez-vous est symptomatique d’un système qui a atteint le plus haut degré d’incompétence. On ne dit pas en chialant, mais en posant un diagnostic de terrain (hé… hé…). On a la preuve, avec cette histoire au privé, que ça peut être simple et autrement efficace.

Ce qui m’amène à l’idée symbolique d’une action collective : depuis plus de 30 ans, on paie des impôts pour des services de santé. Environ 50 % des impôts provinciaux que je paie vont à la santé, sans garantie de pouvoir avoir accès rapidement aux soins de première ligne. Où est-ce que ça achoppe ?

Cessons un peu de blâmer le politique et les médecins (quoiqu’on pourrait augmenter les diplômés) et regardons plutôt la bureaucratie et les technocrates qui enlisent l’appareil de formalités au détriment des humains. On rappelle qu’à peu près partout ailleurs dans le monde riche et civilisé, on peut voir un médecin, et son personnel soignant, et être traité sans attendre. Je sais qu’on doit payer, mais peut-être ce système gratuit dont on a rêvé il y a de cela plusieurs années est-il inadéquat pour traiter l’ensemble de nos problèmes de santé ? Peut-être devrions-nous le scinder officiellement ? Sommes-nous en droit de demander des comptes pour les sommes colossales, personnelles et collectives, qui y sont perdues depuis trop longtemps ? A-t-on le droit, par un recours ou autre, de demander une compensation pour un système qui fonctionne avec des ratés depuis 30 ans, et dont les aveux d’échec sont criants à chaque changement de ministre ou de gouvernement ?

Toujours est-il que, et ce n’est pas aussi cynique que ça semble le paraître, peut-être faut-il évoquer mère Marie-Léonie Paradis pour espérer une prise en charge utile et efficace. Et se réjouir qu’une sainte se joigne au personnel soignant !