Parfois, devant une crise, le gouvernement Legault fait preuve d’une générosité et d’une empathie qui ont pour effet de rassembler les Québécois et de les aider à passer à travers des temps difficiles. On l’a vu lors de la pandémie ou, récemment, pour les incendies de forêt.

Mais à d’autres moments, le même gouvernement est totalement insensible au sort des victimes de la crise et se réfugie dans des statistiques ou des arguments macroéconomiques un peu déconnectés de la réalité des citoyens, surtout les plus démunis.

Le gouvernement Legault ne peut nier une part de responsabilité dans la crise du logement, qui n’est pas apparue spontanément avec la date du 1er juillet de cette année.

Le Québec a le taux d’inoccupation des logements le plus bas depuis 20 ans. Ce n’est pas arrivé du jour au lendemain. Le taux d’inoccupation est de 1,7 %, alors qu’il devrait être à 3 % pour être à un point d’équilibre, presque deux fois plus, donc.

En pleine crise du logement, on vient de connaître le pire mois de mai en 25 ans pour ce qui est des mises en chantier, selon l’APCHQ, l’association des professionnels en construction de logements au Québec. Une baisse de 62 % par rapport à l’an dernier. À Montréal, c’est 73 %.

Évidemment, le gouvernement du Québec n’est pas le seul responsable. La hausse des taux d’intérêt, la pénurie de main-d’œuvre et les difficultés dans la chaîne d’approvisionnement sont aussi en partie responsables.

Mais on ne peut que noter que, depuis son élection en 2018, le gouvernement Legault n’a financé que 4700 des 14 000 logements sociaux promis au Québec.

Une crise comme celle que nous vivons actuellement n’arrive pas sans des signes avant-coureurs. Mais force est de constater que la question du logement n’a jamais été une priorité pour le gouvernement. Et cela s’est traduit, ces derniers jours, par des déclarations qui font preuve d’une grande insensibilité sur ces questions.

Le premier ministre François Legault a dû s’y prendre à deux fois pour expliquer ses déclarations sur le fait que le Québec ne devait pas « rester pauvre » pour éviter que les prix du logement n’atteignent les niveaux de Toronto et Vancouver.

Les prix du logement sont en fonction des revenus des citoyens, et comme les revenus ont augmenté, il est normal que les loyers augmentent, ajoutait-il.

La mairesse de Montréal a rapidement remis les pendules à l’heure : il n’y a pas de corrélation entre les salaires qui augmentent et la capacité des citoyens de se loger.

En fait, M. Legault n’a fait que répéter ce qui est, depuis longtemps, son mantra : le Québec doit devenir plus riche et cesser d’être dans la cave du classement des États américains et des provinces canadiennes pour le PIB par habitant.

Mais ce qu’il a dit en parlant du prix des logements se trouve à occulter une autre réalité : l’un des avantages stratégiques de Montréal à l’échelle du continent est précisément le faible coût du logement, et pas seulement du logement social. Souhaiter que les prix ou les loyers augmentent, c’est tirer dans le pied de la métropole. Et c’est aussi d’une remarquable insensibilité quant au sort des locataires.

La ministre responsable de l’Habitation, France-Élaine Duranceau, quant à elle, a déposé en fin de session un projet de loi très favorable aux propriétaires et qui ne tient pas compte des principales demandes des locataires, comme un registre des loyers.

Devant le tollé, elle a soutenu que les locataires qui veulent pouvoir céder leur bail « n’ont qu’à investir en immobilier ».

On est loin de l’empathie qui avait fait la fortune du gouvernement Legault pendant la pandémie, ou encore, plus près de nous, lors des incendies de forêt. Cela nous indique combien non seulement la question du logement ne fait pas partie des priorités de ce gouvernement, mais qu’elle n’a pas été sur son écran radar avant qu’il ne soit trop tard.

Le problème, c’est qu’on ne peut aborder ce problème à partir d’une perspective strictement économique.

En termes strictement économiques, un « flip » immobilier – comme celui auquel la ministre France-Élaine Duranceau a participé dans son ancienne vie –, c’est une excellente affaire : on prend un vieil immeuble, on met les locataires dehors (de gré ou de force, ou quelque part entre les deux…), on rénove et on revend les logements avec profit.

Pensez-y : le promoteur fait un beau profit. Ses revenus sont imposables et l’État y trouvera donc son compte. Les acheteurs sont, bien sûr, contents de leur nouvelle maison. La municipalité va recevoir plus de sous en taxe foncière. Le PIB va augmenter. Bref, tout le monde est heureux.

Sauf, bien sûr, les gens qui habitaient ces logements et qui se retrouvent dans un logement plus cher et, le plus souvent, de moindre qualité. Et tant que cet aspect de la crise du logement n’aura pas été véritablement intégré aux politiques du gouvernement, il n’y aura pas de solution en vue.