Malgré les critiques qui fusent de toutes parts à son endroit depuis le dépôt de son récent projet de loi, jugé trop favorable aux propriétaires et peu susceptible d’endiguer la crise du logement, la ministre responsable de l’Habitation, France-Élaine Duranceau, se défend d’être déconnectée de la réalité des locataires.

Alors que deux manifestations avaient lieu pour dénoncer la disposition de son projet de loi qui limiterait la cession de bail entre locataires, Mme Duranceau assistait jeudi à l’inauguration officielle de 215 logements sociaux et coopératifs en construction dans le quartier Pointe-Saint-Charles.

« Mon projet de loi s’inscrit dans un plan plus global, qui vise à construire plus, à préserver notre parc de logements actuel, à mieux protéger et outiller les locataires », assure-t-elle, citant notamment des dispositions qui, selon elle, protègent mieux les locataires contre les évictions.

Le premier ministre François Legault a fait réagir cette semaine lorsqu’il a affirmé que, sous sa gouverne, personne ne s’était retrouvé à la rue le 1er juillet.

La multiplication des campements partout au Québec et la proportion de plus en plus importante de locataires qui peinent à payer leur loyer ne sont-ils pas des signes que le gouvernement devrait en faire plus pour ces citoyens ?

Ce sont des situations difficiles. Mais si ces gens-là n’appellent pas à la [Société d’habitation du Québec], ne vont pas voir le site web, ne contactent pas l’office d’habitation local, c’est difficile pour nous de les aider.

France-Élaine Duranceau, ministre responsable de l’Habitation

Elle souligne la mise en place de services d’aide par les municipalités partout au Québec en prévision du 1er juillet, pour trouver un logement pour chaque ménage.

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Jeudi, le Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ) a déploré, sur les ondes de Radio-Canada, que France-Élaine Duranceau ait refusé de rencontrer ses représentants avant le dépôt de son projet de loi, alors que les associations de propriétaires ont eu droit à l’oreille de la ministre.

En entrevue, Mme Duranceau a commencé par dire qu’elle avait bel et bien rencontré le RCLALQ. Mais plus tard, son attaché de presse est revenu pour nous dire que cette rencontre n’avait pas eu lieu.

Manque de logements sociaux

Selon les données de la Communauté métropolitaine de Montréal, la proportion des logements sociaux stagne, voire diminue, depuis 20 ans dans le Grand Montréal : elle est passée de 4,2 % à 4,1 % des logements. La proportion des logements sociaux a légèrement augmenté sur l’île de Montréal, mais elle est en baisse en banlieue.

Il s’est ajouté seulement 536 logements sociaux en 2022 dans tout le Grand Montréal, ce qui est loin de répondre à la demande. À titre de comparaison, 2179 logements sociaux avaient été livrés en 2006.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Chantier de 215 logements sociaux et coopératifs en construction dans le quartier Pointe-Saint-Charles

Le projet pour lequel la ministre France-Élaine Duranceau s’était déplacée jeudi dans Pointe-Saint-Charles a mis 12 ans à se concrétiser.

« Ça a été tellement long que certains membres fondateurs du conseil d’administration de la coop sont morts ou ont quitté le quartier », témoigne Karlene Keith, présidente du C.A. de la Coopérative d’habitation de la Pointe amicale, qui prendra bientôt livraison de 93 logements dans le projet.

Mon fils avait 7 ans quand on a démarré ce projet. Je pensais qu’il pourrait grandir dans notre coopérative, mais il a maintenant 20 ans.

Karlene Keith, présidente du C.A. de la Coopérative d’habitation de la Pointe amicale

Mme Keith souligne d’ailleurs que les administrateurs bénévoles de la coopérative, qui tiennent ce projet à bout de bras depuis toutes ces années, se sont sentis laissés pour compte lors de la petite cérémonie d’inauguration de jeudi : ils ont été prévenus seulement quelques jours à l’avance et n’ont pas été invités à prendre la parole lors de l’évènement.

« On a été traités comme des moins que rien », déplore-t-elle.