D’emblée de jeu, pour employer un perronisme flambant neuf, je m’y oppose. C’est non, niet, nein. Pourquoi refuser le progrès des téléséries en couleur, en 2024, alors que nous avons enterré, sans pleurer, des technologies désuètes comme le VHS ou le DVD ?

Et pourquoi imposer un trip esthétique de réalisateur à des téléphiles dont les téléviseurs Ultra HD 4K – ou toute autre combinaison de lettres et de chiffres – ont été fabriqués pour admirer un large spectre chromatique et pas uniquement 50 nuances de gris ?

La sortie de la minisérie Ripley de Netflix, dont les huit épisodes se déploient entièrement en noir et blanc, divise les fans.

D’un côté, les critiques de télé se pâment devant cette superbe relecture sombre et sinistre, à la manière d’un film noir hollywoodien, du classique littéraire de Patricia Highsmith, La talentueux M. Ripley.

De l’autre, de nombreux téléspectateurs rechignent à s’enfiler huit heures de télé de l’époque d’avant 1966, où la couleur a enjolivé les petits écrans partout au Canada.

Ça demande effectivement un effort supplémentaire pour embarquer dans la proposition monochrome de Ripley, qui tranche nettement avec le film coloré et flamboyant d’Anthony Minghella, sorti en 1999.

Le Ripley de Netflix est froid, lent, ombragé et orageux. Oui, les images sont magnifiques, c’est somptueux. Par contre, comme l’histoire de Ripley se déroule sur la côte amalfitaine, dans le sud de l’Italie, on a l’impression que le choix du noir et blanc nous prive de la beauté du ciel bleu, du turquoise de la mer et du pastel des parasols. C’est quasiment du gaspillage.

Le noir et blanc délave les images de Ripley et les expurge de leur chaleur et de leur côté sulfureux, je trouve. Remarquez, c’est une question de goût. L’histoire, autant dans le film de Minghella que dans la série de Netflix, reste fidèle au roman de Patricia Highsmith, paru en 1955.

Mise en ligne sur la plateforme Crave au printemps 2023, la minisérie Bon matin Chuck a généré un abondant courrier de lecteurs fâchés par la décision du réalisateur Jean-François Rivard de n’offrir les dix épisodes qu’en noir et blanc. Est-ce que l’absence de couleur servait bien cette histoire d’animateur d’une populaire émission matinale (Nicolas Pinson) qui perd tout après une nuit de débauche ? On pourrait en débattre longtemps.

Il faut quelques minutes pour s’habituer au noir et blanc de Bon matin Chuck et on finit par l’oublier. Mais si je me fie à vos messages, le noir et blanc vous rebute et vous décourage souvent, ce que je comprends à 100 %.

Crave avait d’ailleurs prévu le coup et a sorti, en septembre passé, les dix épisodes en couleur de Bon matin Chuck. Laquelle des deux versions a le mieux fonctionné ? Selon Crave, les épisodes en noir et blanc de Bon matin Chuck ont été plus regardés. Ils ont cependant profité du buzz médiatique du lancement de la série, qui n’existait plus l’automne dernier.

Pour le réalisateur Jean-François Rivard, que j’ai joint mardi, le noir et blanc est « simplement un autre outil immersif et émotif, comme un plan-séquence, pour pousser le propos au-delà du cadre et des mots ». « Si c’est une tendance, ça va devenir une gimmick et c’est poche. Je ne peux pas concevoir le film Manhattan [de Woody Allen] ou Nebraska [d’Alexander Payne] en couleur », ajoute Jean-François Rivard.

La convention du noir et blanc est plus acceptée au cinéma qu’à la télévision. On dirait que deux heures de film sans couleur, ça passe. Mais 12 ou 13 heures de série dans le noir et blanc total, ça casse.

Plusieurs émissions comme Black Mirror, Feud : Capote vs. The Swans, Pretty Little Liars, The X-Files, WandaVision ou Fargo ont intercalé des épisodes en noir et blanc au fil de leurs saisons. Peu ont osé y aller à fond la caisse comme Bon matin Chuck ou Ripley.

Pour en revenir à Ripley de Netflix, le rôle-titre a été confié à l’acteur irlandais Andrew Scott, qui campait le prêtre sexy dans Fleabag. Andrew Scott incarne un Tom Ripley plus mûr, plus glacial et plus « criminel » que celui de Matt Damon dans le film culte de 1999.

PHOTO PHILIPPE ANTONELLO, NETFLIX, FOURNIE PAR L’ASSOCIATED PRESS

Andre Scott dans Ripley

On rencontre Tom Ripley à New York, dans une maison de chambres crasseuse, alors qu’il fraude d’honnêtes gens en détournant leurs chèques. À l’été de 1961, un magnat de l’expédition maritime embauche Tom Ripley pour ramener aux États-Unis son fils Richard « Dickie » Greenleaf (Johnny Flynn), qui se la coule douce dans une villa italienne avec sa copine écrivaine Marge Sherwood (Dakota Fanning).

Comme dans le film et le livre, Tom Ripley développe une obsession malsaine pour Dickie et cette fixation aliénante vire au meurtre. Au cinéma, les rôles de Dickie et Marge étaient joués par Jude Law et Gwyneth Paltrow.

En toute transparence, j’ai préféré le film de 1999 à la série de Netflix. Cela dit, Ripley n’est pas une mauvaise production. Son extrême lenteur « atmosphérique » et son manque de couleur risquent d’en rebuter plusieurs.

Ménage à trois

La bataille du lundi à 20 h a donné des résultats très serrés, selon les données de la firme Numeris récoltées en direct. Avec 591 000 fidèles, Les chefs ! de Radio-Canada a gagné le combat devant Laver pour gagner à TVA (479 000) et Les traîtres de Noovo (438 000). Les quotidiennes STAT (1 263 000) et Indéfendable (1 082 000) demeurent les titres les plus fréquentés de la soirée de lundi.

Le dimanche 31 mars, en incluant les enregistrements, le premier épisode de Survivor Québec 2 a fracassé la barre du million avec ses 1 024 000 accros à l’écoute, en hausse de 15 % en comparaison avec la première de l’an dernier. Pour l’instant, je ne suis ni #TeamNawa ni #TeamBayani, je préfère encourager, de façon individuelle, des joueurs comme Jean-Michel, Florence, Ghyslain ou Olivier. Et vite, qu’on prête un chiffon à Raphaël pour qu’il essuie la brume dans ses lunettes.

Appel à tous

Et vous, pour ou contre le noir et blanc pour une série télé ?

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