L’admettre ou le cacher ? À Hollywood, les stars qui se piquent à l’Ozempic – ou avec un médicament d’ordonnance similaire – fondent sous nos yeux et taisent presque toutes le secret de leur perte de poids hyperrapide.

Oh, je marche beaucoup dans les rues de New York, justifie cette chanteuse pop découverte à American Idol, qui pilote également son talk-show quotidien. Ah, je m’entraîne cinq fois par semaine et j’enfile des vêtements de sudation, plaide une membre de la célébrissime famille Kardashian, dont l’image corporelle a été vissée au centre de toute sa carrière dans la mode et les médias.

Entre leurs deux dernières saisons, plusieurs épouses californiennes de la téléréalité The Real Housewives of Beverly Hills ont minci à une vitesse fulgurante. Leur truc miracle ? Facile. Arrêter de boire de l’alcool et subir les hormones de la ménopause. Jamais les mots Ozempic, Wegovy, Rybelsus ou Mounjaro, quatre médicaments coupe-faim d’abord conçus pour soigner les diabétiques de type 2, n’ont été prononcés.

Bien sûr, ce que consomment (ou non) les vedettes leur appartient. Le problème réside dans les mensonges.

Ces cachotteries créent des attentes irréalistes chez leurs fans, en plus d’installer un standard de « beauté corporelle » encore moins atteignable depuis la normalisation des chirurgies plastiques et des injections de produits cosmétiques comme le Botox.

Dans le documentaire La piqûre de la minceur, que la plateforme Crave lance jeudi, la chanteuse Nathalie Simard ne le dissimule pas : elle s’injecte de l’Ozempic depuis deux ans. Après une première chirurgie bariatrique au printemps 2019, elle a repris du poids et son médecin lui a prescrit ce populaire médicament pour l’empêcher de regagner les kilos perdus.

PHOTO FOURNIE PAR CRAVE – BELL MEDIA

La chanteuse Nathalie Simard dans La piqûre de la minceur

« Je ne voulais pas raconter des menteries. Je ne voulais pas dire aux gens que j’ai fait un super régime », témoigne Nathalie Simard dans cette émission qui dure une heure.

L’Ozempic, commercialisé par la société pharmaceutique danoise Novo Nordisk, cause des nausées, de la diarrhée et des vomissements. La dose la plus élevée coûte environ 400 $ par mois, et la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ) ne rembourse pas l’usage dit cosmétique de l’Ozempic.

Sur des réseaux sociaux comme TikTok et Instagram, des influenceuses ont banalisé l’utilisation de l’Ozempic et ont louangé ses effets amaigrissants quasi instantanés, ce qui a provoqué une rupture de stock l’an dernier. La pénurie a depuis été résorbée au Canada.

C’est quand même fou qu’un médicament pour diabétiques, qui s’administre avec l’aide d’un stylo en plastique, devienne un phénomène viral mondial. Aux États-Unis, c’est carrément la folie. Et bien honnêtement, en voyant les résultats drastiques de l’avant et de l’après Ozempic, n’importe qui ayant des enjeux avec le pèse-personne aurait le goût de l’essayer.

Même l’animatrice Oprah Winfrey, qui parle de son poids fluctuant depuis des décennies, a été attrapée dans les filets de cette tendance pharmaceutique. À la fin de février, Oprah a abandonné son poste d’administratrice de WeightWatchers et a légué toutes ses actions de l’entreprise au Musée national d’histoire et de culture afro-américaines, à Washington. Pourquoi ? Parce qu’Oprah Winfrey, comme Elon Musk, Sharon Osbourne et Whoopi Goldberg, a révélé être une adepte de ces nouveaux médicaments faisant maigrir.

PHOTO FOURNIE PAR CRAVE – BELL MEDIA

La Régie de l’assurance maladie du Québec ne rembourse pas l’usage dit cosmétique de l’Ozempic.

Difficile, par la suite, de promouvoir des régimes alimentaires contraignants et autres programmes de comptage de calories.

En plus de Nathalie Simard, le documentaire La piqûre de la minceur de Crave donne la parole à trois autres utilisateurs d’Ozempic, dont une médecin de famille de Sherbrooke, Lucie Couture, qui a perdu le tiers de son poids avec le médicament et qui a entrepris un programme d’entraînement physique rigoureux pour garder la forme.

PHOTO FOURNIE PAR CRAVE – BELL MEDIA

L’entrepreneur Pascal Chrétien dans La piqûre de la minceur

L’entrepreneur Pascal Chrétien s’est débarrassé de 72 livres en neuf mois avec Ozempic. En mai 2022, il a publié une vidéo sur TikTok expliquant les effets du médicament sur son physique, une vidéo qui lui vaut encore un abondant courrier aujourd’hui.

La réalisatrice et scénariste de La piqûre de la minceur, Émilie Ricard-Harvey, prône la sensibilisation et l’éducation pour prévenir, en amont, le recours à ces médicaments dits « magiques ». Elle-même trime pour se « déprogrammer des préjugés que la grossophobie [lui] a inculqués », confie-t-elle.

Bien sûr qu’Émilie Ricard-Harvey, qui vit avec un surpoids, a raison, même si sa posture est plus idéaliste que réaliste. Ça fait des lunes que la beauté et la santé sont associées à la minceur.

Des femmes, et maintenant beaucoup d’hommes, passent leur vie à analyser tout ce qui entre dans leur bouche. Combien de fois avez-vous dit à quelqu’un, sans malice ni mauvaise intention : « Wow, t’as l’air bien ! As-tu perdu du poids ? »

En parallèle, le mouvement de « positivité corporelle », qui prône la représentation médiatique de toutes les silhouettes, gagne des adeptes. Mais entre l’acceptation de soi et la minceur (ou maigreur ?) hollywoodienne, quel courant l’emportera ?

À la vitesse à laquelle les stars du cinéma et de la télé récoltent des mentions « j’aime » sur leurs photos de plus en plus sveltes, l’avenir s’annonce radieux pour les compagnies pharmaceutiques.

Car une fois que le médicament est sorti de la seringue, c’est impossible de le remettre à l’intérieur.