Une affirmation étonnante de la revue The Lancet a souligné, il y a quelques semaines, que l’obésité a surpassé la faim en tant que risque pour la santé mondiale. Au Canada, notre taux d’obésité continue d’augmenter, même cinq ans après le lancement d’un nouveau guide alimentaire « amélioré ». Malgré de nombreux efforts ces dernières années, cette tendance pourrait inciter les gouvernements à prendre en compte d’autres solutions potentielles.

L’épidémie mondiale d’obésité s’aggrave à un rythme alarmant. Une étude récente publiée dans The Lancet révèle que plus d’un milliard de personnes dans le monde vivaient avec l’obésité en 2022. La prévalence de l’obésité a plus que doublé chez les adultes et quadruplé chez les enfants et les adolescents depuis 1990. De plus, les données indiquent que 43 % des adultes vivaient en surpoids en 2022. Ce rapport suggère que l’obésité représente désormais un risque pour la santé mondiale plus important que la faim.

De plus, la situation devrait s’aggraver. Selon l’Atlas 2023 de la Fédération mondiale de l’obésité, 51 % de la population mondiale (au-delà de 4 milliards d’individus) seront obèses ou en surpoids d’ici 2035. Ce changement de direction de la faim vers l’obésité indique que le monde ne manque pas nécessairement de nourriture, mais fait plutôt face à une situation complexe de distribution et de consommation de nourriture. La faim a toujours existé en raison d’une distribution inégale, tandis que les risques croissants d’obésité mondiale suggèrent un problème plus complexe.

Cette tendance n’épargne pas le Canada. Le taux d’obésité dans notre pays varie entre 30 % et 33 % selon la source, avec un taux de surpoids dépassant également 30 % dans de nombreux rapports. Certaines études suggèrent même que notre taux d’obésité surpasse maintenant celui des États-Unis.

L’appel à l’action lancé par The Lancet est sérieux. Les experts soutiennent que le problème découle essentiellement de l’accessibilité aux aliments ultra-transformés. En réponse, le gouvernement Trudeau a mis en œuvre plusieurs mesures depuis 2015, y compris de nouvelles réglementations sur l’emballage frontispice des aliments qui entreront en vigueur en 2026 dans le but d’aider les consommateurs à identifier les produits riches en gras, en sucre ou en sodium. De plus, le projet de loi C-252, actuellement déposé au Sénat canadien, vise à restreindre la publicité alimentaire et les boissons destinées aux enfants. Même s’il est trop tôt pour évaluer les répercussions de ces mesures sur l’épidémie d’obésité, elles représentent un pas dans la bonne direction.

De nombreux experts fondaient de grands espoirs sur un changement important avec la publication du nouveau guide alimentaire. Cinq ans plus tard, le guide n’a pas pu inverser la tendance à la hausse des taux d’obésité, tandis que l’espérance de vie au Canada a diminué pendant trois années consécutives, passant de 82,3 ans en 2019 à 81,3 ans en 2022.

Bien que la COVID-19 et d’autres facteurs aient contribué à cette baisse, l’obésité reste un facteur de risque connu pour la mortalité prématurée et l’augmentation des besoins médicaux tout au long de la vie.

La complexité de l’obésité en tant que problème demeure évidente. Des facteurs comme la pauvreté, l’éducation, l’accès aux soins de santé et le mode de vie jouent tous un rôle dans la détermination du risque d’un individu. Une tendance émergente se remarque avec l’utilisation croissante de médicaments GLP-1 comme Ozempic, initialement conçus pour la gestion du diabète, mais aussi utilisés pour la perte de poids non médicale dans le monde occidental. L’effet de l’obésité sur les taux de mortalité liés à la COVID-19 a également attiré l’attention sur ces médicaments comme solutions potentielles pour la perte de poids.

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L’Ozempic, initialement conçu pour la gestion du diabète, est aussi utilisé pour la perte de poids non médicale dans le monde occidental.

Le récent départ d’Oprah Winfrey du conseil d’administration de WeightWatchers, couplé à son aveu d’utilisation d’un médicament GLP-1, a entraîné une chute de 20 % des actions de l’entreprise WW. Cette nouvelle, ainsi que la baisse des actions des entreprises de collations comme Mondelez, Pepsico et Nestlé, indique une préoccupation croissante dans l’industrie quant à l’effet de ces médicaments sur le comportement des consommateurs. Avec des projections suggérant que près de 25 millions d’Américains utiliseront ces médicaments d’ici 2032, l’industrie surveille attentivement la situation. Au Canada, bien que les données officielles ne soient pas disponibles, il y a eu une pénurie d’Ozempic pendant un certain temps, soulignant la demande croissante pour ce produit.

Les décisions politiques influeront sans aucun doute sur la demande pour ces nouveaux médicaments. Le nouveau projet de loi sur l’assurance médicaments présenté au Parlement la semaine dernière n’incluait pas ces produits. Il faudra suivre avec curiosité si les gouvernements en arrivent à les considérer comme une éventuelle solution au problème de l’obésité.

Notre approche actuelle pour lutter contre l’obésité ne donne pas les résultats escomptés. Cependant, comme pour de nombreux autres défis de santé, la solution pourrait une fois de plus émerger de « Big Pharma ».