Après un hiver télévisuel frénétique qui a été tourneboulé par un tueur en série cabalistique, deux assassins de joggeuses racisées et plusieurs empoisonnements à la ricine, c’est doux sur le cœur – et sur les nerfs ! – de se déposer dans la moelleuse deuxième saison du Temps des framboises, une excellente minisérie dont les 10 épisodes scintillent actuellement sur le Club illico de Vidéotron.

Le temps des framboises, c’est beau, c’est touchant, c’est réconfortant et c’est joliment poétique. Je pense avoir mieux aimé la deuxième saison que la première, qui a été mise en ligne au printemps 2022, puis reprise à l’antenne de TVA l’automne dernier.

Dans ce deuxième chapitre, qui s’amorce la veille de Noël, soit quelques mois après la finale de la saison initiale, les auteures Florence Longpré et Suzie Bouchard plongent loin dans le passé des membres de la famille dysfonctionnelle des Conley-Daveluy, exposant plusieurs secrets bien gardés, dont un majeur à propos de la matriarche Martha Conley (Micheline Lanctôt), une femme bête et très dure avec ses proches.

Le deuxième épisode, consacré à Martha et à ses enfants, recule en 1976 et nous ouvre une fenêtre sur les dynamiques compliquées, et assez tordues, au sein de ce clan anglophone enraciné près d’un champ des Cantons-de-l’Est. C’est franchement bien joué et bien écrit.

Ces « flashbacks » ressemblent aux séquences de Fragments où les protagonistes d’aujourd’hui se regardaient dans des évènements marquants de leur passé.

Oui, il y a des drames dans Le temps des framboises, mais jamais trop appuyés ou trop lourds. Il y a des silences évocateurs, des séquences oniriques magnifiques et beaucoup de musique, oscillant entre So What, de Pink, et Chanson sur ma drôle de vie, de Véronique Sanson. J’achète tout ça.

Il s’est écoulé six mois depuis la mort subite de l’agriculteur John Conley (Anthony Lemke), qui a légué ses parts dans la ferme familiale à sa femme Élisabeth Daveluy (épatante Sandrine Bisson), d’abord peu intéressée à la terre, encore moins à ses travailleurs immigrants. Ça changera grâce au beau Francisco (Edison Ruiz), dont le cœur bat toujours pour Élisabeth et vice-versa.

Avec l’aide de son beau-frère Denis (Paul Doucet), Élisabeth a construit une gigantesque serre pour la culture de fruits et légumes biologiques. Cet investissement risqué les a endettés jusqu’au cou, ce qui déplaît à la râleuse Martha, toujours à couteaux tirés avec sa bru Élisabeth.

Et ça ne s’arrange pas au réveillon de Noël, le premier sans John, une fête qui déstabilise les Conley, écartelés entre le désir de conserver leurs traditions et celui de regarder vers l’avenir et de créer de nouveaux rituels.

Le personnage de Denis, le quinquagénaire au Bluetooth collé en permanence à l’oreille gauche, prend du galon dans Le temps des framboises 2. Sa vie conjugale avec Boris (Philippe Racine) s’effondre et le pauvre Denis, comme Élisabeth, cherche ses repères.

Tournée en anglais, en français, en espagnol et en langue des signes (le personnage de William est sourd), Le temps des framboises est une des rares séries multilingues au Québec.

C’est également une des rares productions à se dérouler dans la blancheur et la froideur de l’hiver québécois. D’ailleurs, les deux premiers employés mexicains des Jardins Conley, qui vivent dans une roulotte blanche, débarquent en plein mois de janvier pour aménager la serre neuve. Ils n’ont jamais vu de neige ni enfilé de grosses bottes chaudes. C’est amusant et touchant de les voir s’élancer sur une Crazy Carpet ou jouer au roi de la montagne comme des gamins.

Le temps des framboises 2 se déplace aussi au Mexique dans les familles des travailleurs saisonniers pour montrer comment les épouses et les enfants vivent avec le long exil de leurs hommes au Québec.

À l’image de 5e Rang, ce ne sont pas tant les intrigues agroalimentaires qui nous captivent dans Le temps des framboises 2.

Ce qui nous émeut, ce sont les drames intérieurs des personnages, ce qu’ils ne révèlent pas et ce que l’on découvre sur eux au fil des 10 épisodes d’une heure.

Junior Conley (Elijah Patrice), le fils aîné d’Élisabeth, a droit à un morceau important de l’histoire. Perdu depuis la mort de son père, Junior a abandonné l’école et entretient une relation malsaine avec la nourriture. Le deuxième garçon d’Élisabeth, William Conley (Xavier Chalifoux), celui qui est sourd, est toujours aussi attachant et charmant. Ça fait du bien de voir, à la télé québécoise, des familles qui s’aiment, malgré leurs différends et leurs conflits.

Parlant de famille, j’ai eu un peu de misère, deux ans après la première saison du Temps des framboises, à démêler les quatre sœurs Conley, soit Rachel, Estelle, Maureen et Peggy. Laquelle était laquelle déjà ? Ça se replace quand même assez vite.

Au troisième épisode, l’hiver cède sa place au printemps dans un montage coquin rempli de phéromones et de bourgeons qui éclosent. Derrière la caméra, Guillaume Lonergan (Audrey est revenue) succède à Philippe Falardeau, et la transition se fait sans heurt.

Il n’y aura pas de troisième saison du Temps des framboises. Celle-ci est donc la dernière. Pour citer l’acariâtre Martha, « on ne fait pas toujours ce qu’on veut dans la vie ». C’est bien vrai. Parce qu’on se serait volontiers servi une troisième portion de cette série sucrée, avec la dose parfaite d’acidité.